Allumettes

par Kalabash

22/05/05

les petites amies de la pipe : les allumettes

allumettes

Ces petits morceaux de bois qui donnent la vie à notre pipe, qui embrasent notre tabac et qui meurent dans un cendrier… Qui sont-elles ?

Nous avons l’impression de les connaître depuis des siècles et certes, il y a longtemps qu’elles existent mais finalement, pas tant que cela :

Dans un dictionnaire, nous lisons : « Petit brin de bois, de carton ou petite mèche enduite de cire dont l'une des extrémités est imprégnée d'une composition inflammable par frottement »… Jusque là, nous n’apprenons pas grand-chose de nouveau !

le principe

Dans les temps les plus reculés, l’homme obtenait du feu en frottant un morceau de bois contre un autre: il fallait en fait porter le bois à une température suffisante pour qu’il se mette à brûler.

Enormément de choses sont capables de s’enflammer ainsi et même lorsque l’on frotte sa main sur son pull de façon vigoureuse, on sent une brûlure.

Il s’agit du même principe mais comme dans le cas du bois, l’attente pouvait être longue avant qu’il ne s’embrase, les chimistes ont alors utilisé du soufre parce qu’il s’enflamme aussi en le frottant mais à une température bien inférieure à celle du bois.

L’allumette est donc un simple morceau de bois dont une extrémité est couverte de souffre pour qu’il accélère le phénomène d’échauffement.

l'histoire

En fait, il semblerait que les premières allumettes aient vu le jour en Chine, vers 500. Le principe est donc fort ancien et les chinois fabriquaient déjà des allumettes avec du soufre… mais c’était en Chine !

En Europe, au Moyen Age, nous nous contentions « d’allumettes sèches », composées de tiges de roseaux soufrées mais elles brûlaient trop vite, ou ne s’allumaient pas du tout.

En fait, l’histoire de l’allumette, telle que nous la connaissons, ne date que du début du 19ème siècle et elle est le fait d’apprentis chimistes ou de véritables chimistes qui au fil de leurs expériences ont amélioré le principe découvert par les chinois :

A la fin du 17ème siècle, vers 1680, un chimiste anglais Robert Boyle met au point des tiges de bois qui, trempées dans du soufre fondu, s’enflamment au contact d’un corps brûlant ou d’une étincelle…Mais l’idée ne va pas plus loin puisqu’il faut avoir du feu pour faire du feu !

En 1806, un Français, Chancel, découvre qu’une tige de bois dont l’extrémité est enduite d’un produit chimique s'enflamme quand on la trempe dans de l'acide sulfurique, il s’agit des allumettes oxygénées.

En 1816, s’inspirant de la découverte de son compatriote, Desrone invente l’allumette au phosphore…

En 1817, un anglais, John Walker (pharmacien), invente l'allumette qui prend feu par frottement sur un morceau de papier émeri. Mais des progrès restent à faire car les vapeurs dégagées par l’embrasement de l’allumette sont dangereuses pour l’utilisateur.

Charles SauriaEn 1831, un autre français, Charles Sauria (médecin de campagne) reprend le principe de la tige en bois recouvert à une extrémité d'un composé chimique (phosphore blanc et potasse) qui s'enflamme par simple frottement. Cela deviendra les allumettes au phosphore, à friction. L’Histoire retient que parallèlement aux travaux de Sauria, l’Autrichien Stephen Von Roemer mène les mêmes recherches et aboutit au même concept de l’allumette phosphorique à friction.

A partir de 1832, ce principe des allumettes phosphoriques à friction est repris et donne naissance à la première fabrication industrielle sous l’impulsion d’un Allemand : Jakob Friedrich Kammerer et c’est un succès international.

Mais le phosphore blanc qui sert à la fabrication des allumettes s’avèrent trop facilement inflammable, donc dangereux pour l’utilisateur mais aussi extrêmement toxique : les ouvriers des très nombreuses fabriques d’allumettes sont victimes de nécroses osseuses, cette maladie leur ronge les tissus osseux de la mâchoire et du nez. Cette grande toxicité du phosphore blanc pour les ouvriers et l’inflammabilité dangereuse des allumettes conduisent les chimistes à poursuivre leurs recherches.

Il faudra attendre une vingtaine d’années avant que n’apparaisse un nouveau concept d’allumettes dites « suédoises ou de sécurité » sous l’impulsion de Gustaf Erik Pash, Edvard Lundström et Alexander Lagerman avec quelques étapes :

En 1844, Gustaf Erik Pash (ou le chimiste autrichien SCHROTTER selon les auteurs) fit breveter son allumette de sûreté : il remplace le phosphore blanc par du phosphore rouge, dit « amorphe » car moins nocif et plus stable.

Johan Edvard LundströmEn 1845, le Suédois Johan Edvard Lundström change complètement le concept : il place le phosphore non plus sur l’extrémité de l’allumette mais sur le frottoir qui sert ainsi de catalyseur. Avec son frère, Carl, il ouvre une fabrique d’allumette en Suède.

alexander lagermanEnfin, en 1864, Alexander Lagerman met en œuvre une machine automatique pour la fabrication des allumettes, de leurs boites et elle permet même leur mise en boite, prêtes à la vente. Lagerman ouvre la voie à la véritable industrialisation.

Jusqu’en 1870, la fabrication des allumettes est assurée par des centaines de petites usines mais les charges financières au lendemain de la guerre franco-allemande poussent l’état français à instituer une série d’impôts dont une taxe sur les allumettes établie en 1871.

En 1872, il s’avère que les recettes dégagées de ces impôts ne sont pas à la hauteur des espérances du gouvernement, aussi le Parlement adopte le principe du Monopole de l’Etat sur la fabrication et la commercialisation des allumettes. C’est la SCAC (Société Générale des Allumettes Chimiques) qui se voit confier ce monopole contre le versement d’une partie de ses bénéfices.

Le 31 décembre 1889, le gouvernement décide par décret de faire exploiter le Monopole des Allumettes par l’Administration des Manufactures d’Etat, en liaison avec l’Administration des Contributions Indirectes.

Vers 1892, le Monopole agrémente les boîtes d’allumettes d’illustrations diverses, souvent liées à l’histoire de France. De nombreux artistes de l’époque représentèrent ainsi sur les boîtes des célébrités historiques comme Jeanne d’Arc, Mazarin, Racine ou George Sand.

En 1906, l'utilisation du phosphore rouge est rendue obligatoire par la convention de Berne.

Le 1er octobre 1935, le Monopole est transféré à la Caisse Autonome d’Amortissement, rejoignant le Monopole des tabacs et créant ainsi le S.E.I.T.A., (Service d’Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes).

En 1980, la Seita devient une Société anonyme à capitaux d’Etat.

Au début des années 1990, le monopole des allumettes est levé.

En 1995, la SEITA est privatisée puis fusionne en 2000 avec la société espagnol des tabacs TABACALERA pour donner naissance à Altadis.

En janvier 2001, la fabrication des allumettes est séparée de celle du tabac et Altadis vend la branche « allumettes » de la SEITA à FLAM’UP.

la fabrication

Préparation du bois : À la base de la fabrication des allumettes, il y a bien sûr le bois. Longtemps, il s’agissait de hêtre, de tremble ou de sapin. A l’heure actuelle, il s’agit pour l’essentiel de peuplier qui est un bois souple et renouvelable rapidement.

Les arbres, issus du domaine public, privé ou des plantations de la Seita par exemple, sont coupés et les grumes sont apportées aux ateliers de fabrication. Elles sont alors débitées en billots d’une soixantaine de centimètres.

La souplesse et la texture du bois de peuplier permet après cette phase de « dérouler » le bois : comme s’il s’agissait d’un rouleau de tissu, les billots sont déroulés en pan dont l’épaisseur correspond à celle de la tige de la future allumette. Ces feuilles sont alors découpées et empilées pour former un matelas qui va être haché en tige dont le format varie en fonction du modèle d’allumette à obtenir (allumette de cuisine, pour la cheminée etc.).

préparation chimique

Paradoxalement, cette allumette qui est destinée à s’enflammer va subir une opération destinée à l’ignifuger ! Et oui, elle est ignifugée pour éviter la formation de braise, de charbon incandescent, quand on l’éteint, ainsi dès que la flamme est soufflée la combustion cesse.

Cette tige de bois qui sera l’allumette est alors étuvée, séchée et lissée pour améliorer son aspect et la préparer aux prochaines manipulations.

La tige, et ses sœurs, sont alors amenées vers des machines : elles sont placées debout, dans les trous d’un tapis qui va les plonger partiellement dans un bain de paraffine liquide. Cette paraffine est destinée à faciliter le transfert de la flamme au bois. Ensuite, le tapis les emmène vers un bassin où elles prendront un nouveau bain, juste de la tête, dans une pâte qui formera le bouton de l’allumette. Cette pâte est un mélange de chlorate de potassium, gélatine, farine fossile, catalyseurs, pigments et de colorants.

Le tapis poursuit sa route et emmènera nos allumettes sur un circuit qui peut durer jusqu’à 45 minutes pour permettre le séchage du bouton. Une fois sèches, elles seront mises en boite par un « rangeur » automatique et les boites seront réunies en groupe par un film de plastique transparent (opération de fardelage).

Deux sortes d’allumettes :

On trouvait deux sortes d’allumettes : les allumettes dites de sûreté et les allumettes ordinaire à friction, dites « de ménage ». Les allumettes de sûreté ne doivent s’enflammer que sur le frottoir de la boîte. En effet, contrairement aux secondes qui s’enflamment sur n’importe quelle surface rugueuse, la composition chimique du bouton de l’allumette de sûreté et celle du frottoir de sa boîte sont complémentaires : L’embrasement n’est possible que par friction de l’une sur l’autre et ce, avec une force suffisante afin d’éviter un allumage trop facile.

Au final, nous ne trouvons plus maintenant que des allumettes de sûreté.

quelques accessoires

Les fidibus : C’est un peu les ancêtres de l’allumette à l’époque de la Renaissance. Il s’agissait de papiers roulés en bâtonnet qui permettaient d’amener la flamme d’une cheminée ou d’une bougie jusqu’à la pipe du fumeur. Le nom de fidibus vient probablement de « fil de bois » en vieux français. Les fidibus étaient stockés dans des boites, souvent ouvragées que l’on appelait logiquement porte-fidibus.

Les pyrogènes : Vous ne les connaissez peut-être pas ainsi nommés mais vous avez sans doute déjà vu des pyrogènes. Le mot est un peu compliqué, il s’agit plus simplement de porte-allumettes, une boite sans couvercle munie d’un grattoir, que possédaient nos grands parents. On les trouvait généralement pendus au mur prés de la cuisinière, prés de la cheminée ou simplement posés sur la table.

Suivant le niveau social des occupants de la pièce, il pouvait s’agir de petits vases, de récipients, ornés de sujets amusants, ou de boites toute simples. Ils ont longtemps proliféré sous forme de porcelaines cylindriques sur les tables des cafés, des restaurants. Mais pour les collectionneurs, il en existe d’innombrables versions à usage privé en verre, en grès, en bois, en cuivre, voire en papier mâché.

juste pour savoir

L’usine de Flam’up à Saintines fabrique 50 millions d’allumettes par jour…

240 allumettes, c’est le nombre qu’indique contenir une grosse boite. Non, un employé ne les a pas toutes compté, simplement connaissant le poids moyen d'une allumette, les industriels peuvent facilement dire que pour x grammes il y a tant d'allumettes.

La PHILUMENIE ? C’est faire la collection des boites d'allumettes (http://fredfilu.free.fr)

* Robert Boyle, chimiste anglais, né le 25 janvier 1627, à Lismore Castle, dans le comté de Waterford, en Irlande. On dit de lui qu'il a été le "père de la chimie anglaise
* Charles Sauria, médecin de la campagne comtoise, né à Poligny en 1812 et mort en 1895.
* Alexander Lagerman (1836–1904) était mécanicien-chef de la fabrique d'allumettes de Jönköping (Suède). Il inventa aussi deux machines à composer (le typotheter)
* Johan Edvard Lundstrom (1815–1888), né à Jönköping en Suède : Industriel et scientifique suédois.
* Gustaf Erik Pasch, né le 3 septembre 1788 à Norrköping en Suède et décédé le 6 septembre 1862 à Stockholm, chimiste et professeur suédois.

sources





  • allumettes1
  • allumettes2
  • allumettes3
  • allumettes4
  • allumettes5
  • allumettes6
  • allumettes7
  • allumettes8
  • allumettes9
  • allumettes10
  • allumettes11
  • allumettes12
  • allumettes13
  • allumettes14
  • allumettes15
  • allumettes16
  • allumettes17
  • allumettes18
  • allumettes20
  • allumettes21
  • allumettes22
  • allumettes23
  • allumettes24
  • allumettes25
  • allumettes26
  • allumettes27