Errances danoises

par Laurent M

04/01/21

24 août 2020

Je reviens d’une douzaine de jours au Danemark, duquel je ramène des souvenirs de campagne paisible et familière pour qui habite le nord de la France, de villes agréables (Copenhague, Roskilde, Ribe, Aarhus, Aalborg, Odense) où les scooters inexistants ne sèment pas un chaos sonore comme à Paris, où les automobilistes ne klaxonnent pas à tout bout de champ (2 coups entendus durant tout mon séjour), où les limitations de vitesse sont respectées. Bref, un endroit où le savoir-vivre collectif ne donne pas lieu aux débats enflammés et rageurs que nous connaissons en France au moindre soupçon de changement d’une habitude, fusse-t-elle mauvaise, ou d’un mode de vie assimilé d’emblée à une liberté fondamentale à défendre.

Mais j’imaginais aussi voir des fumeurs de pipe et des boutiques de tabac dignes de ce nom. Las, forte déception. Les fumeurs de pipe à l’extérieur sont aussi peu fréquents qu’ailleurs et le peu de personnes croisées avec cet instrument étaient typiques d’une représentation qui ne valorise pas ce qui nous réunit. Fumer heureux semble être une activité clandestine. Aucun fumeur avec une pipe de style “danois” entr’aperçu. Néant total. Quant aux boutiques, ce n’était pas ma priorité de vacances familiales et je ne me suis pas mis spécialement en chasse. Tout au long de mes pérégrinations, elles ont brillé par leur absence, nonobstant Copenhague.

Quelques éclats pipiers, toutefois, de ces errances danoises :

Copenhague - Danish Pipe Shop

Être fumeur de pipe et ne pas aller à cette boutique de Copenhague lorsqu’on y séjourne relève du masochisme, surtout si votre hébergement se trouve à moins de 200m de la boutique comme c’était le cas pour moi. Toute neuve, bien achalandée, ses vitrines font saliver. Il y en a pour tous les prix et tous les styles. Du monde y passe et il n’y avait pas moins de quatre clients lorsque j’y suis entré. Les produits qui sont sur leur site montrent bien l’étendue de leur gamme. J’y allais surtout pour du tabac “My Own Blend”, que l’on ne trouve que là-bas car la boutique n’expédie plus à l’étranger. Choisir est toujours un compromis mais j’avais apporté ma liste et le vendeur m’a vite apporté six boîtes alléchantes : Kong Frederik Full English, Njord, Big Coin, N°55, N°6, N°46. J’avais prévu à l’avance la liste et la place en conséquence dans la valise. Service impeccable, rapide et c’est le seul souvenir physique que j’emporte de Copenhague, ville sympa en voie de boboïsation intensive. Si, par ailleurs, tout fumeur que vous êtes, pensez trouver de l’inspiration dans la fameuse commune libre de Cristiana, détrompez-vous. S’il y a des pipes, elles ne sont pas pour le tabac, dont l’odeur est quasi inexistante dans les allées, au détriment d’autres substances. Ce quartier de bric et de broc est d’un glauque fini, et pas cool du tout !

Notons pour finir, pour les pauvres parisiens que nous sommes que la boutique “La Pipe du Nord” n’a pas à rougir d’une comparaison avec la boutique danoise. Ah ! Si les tabacs pour pipophiles y étaient “débités”, quel endroit ce serait.


Copenhague - Les jardins de Tivoli

A Copenhague, c’est à faire, surtout avec des enfants : tivoligardens.com. Un jardin chicos mélangeant les restaurants et des attractions qui ont inspiré Disney pour ses parcs. C’est d’un charme indéniable, un peu comme le Jardin d'acclimatation à Paris. Certes, mais en tant que fumeur de pipe, on fait attention à certains détails que d’autres ne voient pas. Par exemple, sur le manège Minen, montagne russe des plus classiques, un panneau est positionné à l’entrée. Il m’a surpris car il est rare de voir un panneau illustrant l’interdiction de fumer par une pipe. En plus, merci pour le fameux style danois, celle-ci ressemble furieusement à une Sanclaudienne !

Errances danoises

La seconde chose que j’ai vue dans ce beau jardin sont les toilettes. Je sais, nous abordons-là un point physiologique obligatoire mais que me pardonnent par avance les adeptes de cette marque de pipe pour cette photo impie. Lorsque j’ai vu le nom en gros, je n’ai pas résisté à faire une photo clin d'œil. Je vous l’accorde, le bol est un peu immense mais quand on aime…

Errances danoises

Ketterminde

Le nom de Ketterminde ne signifie sans doute rien pour nous mais dans la province de Fionie, c’est le nom d’une petite bourgade touristique agréable à l’orée d’une rade naturelle. A l’ombre de l’église de la rue principale, il y a une statue représentant deux personnalités locales, dont une tient une pipe en main :

La statue a été faite par Bjorn Nordahl et représente le peintre Johannes Larsen (1867-1961). Artiste inspiré par les paysages et les animaux, Larsen s’est représenté en fumant la pipe :

Errances danoises

Une photo est également disponible ici :

Quelques mètres plus loin, dans une boutique, s’affiche la photo suivante :

Errances danoises

Ketterminde est une ville de pêcheurs et des familles conservent des photos de leurs ancêtres avec les attributs qu’ils aimaient. Je doute fort que cette pipe ait été particulièrement pratique sur un bateau mais cet homme a le regard particulièrement facétieux en la fumant dans sa tenue de travail.

Faaborg

Au sud de la Fionie, il y a une série de petites villes qui sont autant de ports pour desservir les îles. Faaborg (visifaaborg.com) est une de ces charmantes bourgades où le centre-ville a complètement été réaménagé. Sur Ostergade (les danois ne s'embarrassent pas avec les noms de rue. C’est souvent Ostergade, Norregade, Vestergade, … Sans boussole et point cardinaux, plus de noms de rue !), il y a une boutique dans laquelle il faut descendre par quelques marches et qui répare et fournit quelques pipes. Le regard est surtout attiré à l’entrée par un paillasson aux couleurs de “My Own Blend”. Cela ne parle pas au néophyte mais attire le FdP en perdition comme une phalène sur une lampe de camping.

Vinkaelderen
Østergade 20
5600 Faaborg
Denmark

Notez bien que My Own Blend est aussi disponible dans d’autres villes, particulièrement dans les boutiques de vins et spiritueux. Par exemple à Aarhus, dans le Jutland :

Vinspecialiten
Sønder alle 12
8000 Aarhus C.

Je suis passé à Aarhus sans la voir ! Il y en a d’autres dans le pays mais je n’ai pas trouvé de site référençant la totalité des distributeurs de My Own Blend. Mais si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire, ce petit lien avec la traduction du danois peut vous aider depuis l’excellent site piberyger.dk :

Dans ce même site, il y a les adresses de tous les clubs de fumeurs de pipe du Danemark, chose qui peut être utile à un fumeur français en perdition au pays d’Hamlet, et qui le sera d’autant moins s’il maîtrise bien la langue de Shakespeare (on ne dira jamais assez combien les pays du Nord sont en avance sur notre pauvre pays latin pour l’apprentissage de cet idiome utilitaire - toutes les personnes à qui j’ai pu m’adresser, hôteliers ou commerçants ou dans la rue, parlaient anglais à la perfection !)

Ærøskøbing

L’île d’Ærø attire les touristes, les cyclistes et les couples qui souhaitent se marier. Rien d’exceptionnel sur cette charmante île au tempérament agricole où la douceur de vivre semble irriguer le paysage sous l’effet calmant de la mer Baltique. Toutefois, dans le village d’Ærøskøbing, le point d’arrivée des ferries, cette enseigne, ne correspondant d’ailleurs plus à une quelconque boutique.

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Aarhus

Aarhus est dans la province du Jutland, côté Baltique. C’est aussi une ville étudiante en pleine activité. Au 15 août, les études reprennent et les étudiants ont l'air assez détendus. Pensez-donc, moins de vacances mais beaucoup plus de temps la journée pour faire d’autres activités. Le centre ville est très moderne et sympathique, avec ce bord de canal bordé de restaurants. Les danois ont une sorte de passion pour la bouffe et le hygge*. Mais à Aarhus, où je ne cherchais pas de tabac, je tombe dessus. Il se trouve que la ville dispose d’un musée des maisons anciennes : DenGamle By*. L’ensemble des reconstitutions est très bien et j’ai pris un gros coup de casquette sur la tête dans la section des années 70. Quand tu commences à dire à tes enfants : oh, ça je connais, ça aussi, et ça aussi, et qu’ils te regardent d’un air entendu, c’est là où on prend conscience que les années 70, c’était au siècle dernier ! Sur un des pignons d’une maison était reproduite la publicité pour le Virginia Rose, tabac à fumer pour la pipe.

Dans une autre section de ce musée, celle exposant la vie avant 1900, je suis tombé sur une boutique de tabac, sans doute bien plus intéressante que la publicité pour le Virginia Rose.

Errances danoises

Regardez l’enseigne. On y voit un fumeur à très longue pipe en terre, juché sur une potence en dessous de laquelle pendouillent ce que l’on pense être des sortes de lumignons. Il s’agit en fait de la représentation de ropes de tabac, car ce dernier était surtout vendu sous cette forme. Un ancêtre de la carotte française.


Dans la vitrine de cette boutique reconstituée, un bel inventaire de ce que l’on pouvait trouver depuis le XVIIIème siècle en guise de tabac à fumer ou mâcher.

Skagen

Skagen est à l'extrémité du Jutland, face à Göteborg, à l’entrée de la mer Baltique. Il est fascinant d’aller jusqu’au bout de la pointe de sable et de mettre le bout des pieds à la jonction des deux mers, où les vagues sont scandées par des courants opposés. J’ai eu la joie de voir un phoque gris s’ébattre joyeusement à quelques mètres des vacanciers. Toujours curieux, ces bestiaux ! Bref, Skagen est aussi la patrie des impressionnistes danois et il y a un merveilleux musée qui leur est consacré, et en particulier à leur émule principal, Peder Severin Kroyer*. En visitant ce musée, j’ai eu la vive émotion de retrouver là une de ses toiles les plus connues dont j’ai longtemps eu une reproduction dans un ancien logement. Je n’y pensais plus et le retour de mémoire a été vif. Kroyer a voyagé beaucoup en Europe et notamment à Paris et ses environs. Que l’on ne s’étonne donc pas de trouver des similarités avec les impressionnistes français de cette époque.

Notons quelques artistes figurant dans ce musée, dont les peintures font références à la pipe.

De Christian Krohg :

De Michaël Ancher :

Errances danoises

Ce qui nous amène vers ceci :

Errances danoises

De Peder Severin Kroyer, ce déjeuner à Cernay-la-ville, rempli de fumeur de pipe :

Peder Severin Kroyer

On n’en finirait pas, avec les peintres impressionnistes danois, d'énumérer les tableaux où figurent les fumeurs de pipe. Le site FdP a encore de belles mises à jour à avoir !

Skipper’s pipes

Je disais précédemment que les tabacs My Own Blend étaient les seuls souvenirs ramenés du Danemark mais c’est en fait faux. J’ai ramené aussi quelques pipes de forme nordiques. Que l’on ne s’étonne point de cette acquisition quasi-spontanée. J’étais dans un magasin quand cette superbe opportunité s’est présentée à moi et, à vrai dire, je n’ai pas hésité beaucoup compte tenu de la qualité de l’ensemble et de la modicité du prix. Les voici :

Skipper’s pipes

Vous l’aurez bien compris, ce sont des friandises qui se trouvent de manière commune dans les rayons de tous les supermarchés alors qu’en France, pour des raisons de réglementation, cette incitation à la débauche tabagique serait vue comme une infraction à la loi Evin. Remarquez que ces pipes sont déjà allumées et donc prêtes à fumer. Lors du prochain dîner des FdP à Paris, je me ferai une joie d’en apporter. Ce sont bien entendu des pipes en réglisse et il faut aimer cela.

Peter Klein

Non, je n’ai pas vu l’atelier de Peter Klein. Non, je ne me suis pas arrêté avec toute la famille pour voir ses pipes. Oui, cela reste un regret mais j’avais un tempo à respecter. Pourquoi Peter Klein ? En passant sur la route de Ringkøbing, je vois en un éclair du coin de l'œil, en dépassant un camion, une enseigne “Pfeifen design” sur un panneau de bois. Ce n’est que plusieurs dizaines de kilomètres plus tard que j’ai pu faire une recherche sur ce designer de pipe à cet endroit et toc : kleinpipes.de* . Le site est bien en “.de” mais l’atelier est dans cette partie du Danemark très fréquentée par les Allemands.

Bon, un regret et pas de regret non plus car je n’avais pas de budget dédié à une nouvelle pipe mais P…n, M...e, regret quand même !

Voilà, c’était mon compte-rendu pipier de ces jours danois où j’ai assez peu fumé mais uniquement du Semois et du Timm No Name dans des petites missouri Meerschaum.

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