la bataille d'Hernani

par Erwin Van Hove

21/05/06

A la grande époque de la pipe classique, le marché était dominé par la France et le Royaume-Uni. L’Italie n’était pas encore parsemée d’ateliers d’artisans pipiers et ce n’étaient sûrement pas les douze millions de bouffardes bas de gamme produites annuellement chez Rossi, le plus grand fabricant au monde, qui pouvaient concurrencer les BBB ou GBD par exemple. Quant à la révolution danoise, il n’en était pas encore question. Bref, les marques respectables et respectées, c’était une affaire franco-anglaise.

De nos jours, ce ne sont plus des entreprises comme Comoy’s, Charatan et autres Barling qui font la pluie et le beau temps. En effet, ce n’est plus dans leurs catalogues qu’on trouve les contemporains canons de beauté pipière. Bien sûr, la billiard, la canadian ou la bulldog standardisées des producteurs semi-industriels ont toujours leur clientèle. Cela n’empêche pas qu’aujourd’hui les pipiers phares ne sont plus des employés anonymes de quelque fabrique, mais des artisans dont les noms sont connus de tous les pipophiles. Nous vivons en effet à l’ère du design, de la pièce unique, de la freehand, taillée et parachevée par un individu plutôt que par une équipe.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Dans un premier temps, cette évolution s’est déroulée à la fois au nord et au sud de l’axe franco-anglais. Après l’implosion de l’industrie pipière en Italie, spécialisée dans le bas de gamme, on a assisté au développement de tout un réseau de PME et d’artisans proposant des produits largement, voire entièrement faits à la main. Est né alors un vrai style italien qui, bien évidemment, présente des nuances locales, les pipes faites en Lombardie, Castello, Ascorti, Radice, Caminetto par exemple, étant en général plus classiques que leurs cousines parfois plus aventureuses sorties des nombreux ateliers de Pesaro.

Maurizio Tombari

Poul Ilsted, Tom Eltang, Former, Gotoh et Joao Reis

En Scandinavie, c’est carrément la révolution : voilà qu’un pipier d’origine suédoise mais naturalisé danois refuse de forcer le plateau qu’il tient entre ses mains, dans le carcan d’une forme classique : il se laisse guider par les particularités et le grain du bois pour aboutir à des modèles nouveaux, souvent asymétriques. Cette approche si différente finira par influencer non seulement les plus talentueux de ses contemporains, mais également les générations de pipiers à venir. Ce n’est pas tout. Obsédé par une exécution technique parfaite, il étudie et expérimente en quête de l’outil de fumage parfait. Aujourd’hui encore ses pipes servent de référence. Bref, Sixten Ivarsson est le père de la pipe haut de gamme contemporaine.

Dans un deuxième temps, c’est l’éclosion et l’épanouissement de toute une série d’ateliers où de jeunes pipiers danois se retrouvent dans un esprit qui combine collaboration et émulation, pour y laisser libre cours à leur créativité et pour améliorer encore les apports techniques de leur idole. Lars Ivarsson, Jess Chonowitsch, Bo Nordh, Jörn Micke travaillent chez Sixten, alors que Tom Eltang, Sven Knudsen, Björn Bengtsson ou Emil Chonowitsch sont embauchés dans l’atelier de Poul Rasmussen et Anne Julie. Tao Nielsen et Poul Ilsted fondent la marque Svendborg, Per Hansen et Ulf Noltensmeier rendent légendaire le nom de S.Bang, Pibe-Dan commercialise les pipes de toute une série de grands noms tels Gert Holbek et Preben Holm. En outre, les grandes marques industrielles danoises comprennent vite qu’elles sont dans une position rêvée pour profiter pleinement de tous ces talents bouillonnants. Stanwell se constitue un beau catalogue de pipes dessinées par les plus grands pipiers danois et Larsen fait carrément tailler ses pipes les plus prestigieuses, les Straight Grain et les Pearl, par toute une série de vedettes comme Teddy Knudsen, Former, Peter Hedegaard, Tonni Nielsen, Poul Ilsted etc. Désormais l’esthétique et le perfectionnisme scandinave sont devenus un modèle et inspirent des pipiers allemands, américains et japonais.

Finalement, c’est la dernière vague, celle de la globalisation de la pipe d’artisan. Ce déferlement coïncide avec deux phénomènes : d’une part le pipe boom aux Etats-Unis, d’autre part l’avènement et la démocratisation de l’Internet. Quelques distributeurs spécialisés importent de plus en plus de pipes haut de gamme, notamment scandinaves, en Amérique, ce qui crée des vocations. En plus, ces jeunes pipiers ambitieux ont la possibilité de rencontrer leurs idoles et de leur demander conseil lors des innombrables pipe shows sur le territoire américain . En outre, grâce aux autoroutes digitales, non seulement le commerce international de pipes se développe à pas de géant, ce qui permet aux artisans de présenter leurs produits à une clientèle éparpillée sur les cinq continents, mais en plus, les contacts entre pipiers chevronnés et jeunes loups sont largement facilités. Bref, pipe shows, forums réservés aux pipiers, échanges de courriels deviennent de véritables laboratoires d’idées. Le nouveau pipier typique est dès lors autodidacte et éclectique : c’est quelqu’un qui cherche, qui teste et qui fait des expériences, quelqu’un qui s’inspire du langage esthétique de tel pipier, du sablage de tel autre, des teintures d’un autre encore. Il combine des techniques d’exécution de X, avec le traitement de la bruyère de Y et le style de tuyau de Z. C’est un pipier pour qui les sacro-saints principes de la tradition n’ont plus de valeur.

Revenons-en à la France et à l’Angleterre. Comment les producteurs français et anglais, incontournables il y a quelques décennies, se sont-ils adaptés à ces nouvelles tendances et à ce marché tellement différent ? La réponse est étonnante dans sa simplicité : pas.

L’époque où la réputation de plusieurs marques anglaises était en béton, est révolue. D’ailleurs la plupart des marques légendaires ont disparu ou n’en reste que le nom marqué sur des produits de bien piètre qualité. D’accord, Dunhill a survécu et continue à séduire une certaine clientèle avec son catalogue ultra classique. Et puis, c’est vrai, après le déclin des marques anglaises, certains salariés se sont établis comme artisans indépendants spécialisés dans le fait main. Bill Ashton Taylor, ex-Dunhill, produit désormais les pipes Ashton, Barry Jones, ex-Charatan, a fondé James Upshall et Dennis Marshall, ancien collaborateur de Charatan et de Barling, propose ses Millville. Indéniablement ils taillent tous des pipes de qualité, mais leurs pipes ressemblent étrangement à celles de leurs anciens patrons, tant au niveau esthétique qu’au niveau technique. Ils ont probablement raison de continuer à s’inscrire dans la tradition anglaise, vu qu’il y a toujours un marché pour ce genre de pipes. Mais bon, on ne peut pas dire qu’ils aient profité de leur nouveau statut d’indépendant pour se remettre en question, pour élargir leur horizon et pour adopter des influences fraîches ou des approches techniques nouvelles.

Saint-Claude, de son côté, est devenue au cours des dernières décennies l’ombre de la capitale de la pipe d’antan. Toute une série d’ateliers se sont fermés et les deux grands ont connu à la fois une importante réduction du personnel et une baisse marquée de leur chiffre d’affaires. Alors qu’en Italie, en Allemagne, en Scandinavie, en Europe de l’Est, aux Etats-Unis et au Japon s’est développée une trame toujours grandissante d’artisans pipiers, la France a continué à se cantonner dans la pipe faite à la machine. Quant à la deuxième tendance que nous avons décrite, à savoir une évolution vers un renouveau stylistique et vers une exécution technique plus perfectionniste, elle a complètement échappé aux pipiers sanclaudiens. Bien sûr, il y a les pipes aux couleurs fantaisistes soi-disant destinées aux jeunes et quelques modèles dessinés par des designers. Mais il va de soi que ce n’est pas avec de malhabiles tentatives de ressourcement pareilles qu’on arrive à affronter la concurrence internationale ou à s’approprier une part du marché de luxe, pourtant de toute évidence l’avenir de la pipe. Alors que le nombre de pipiers haut de gamme ne cesse d’augmenter et que la plupart de leurs pipes sont vendues à l’instant où elles sont mises en ligne, les producteurs français sont imbus de l’idée que le fumeur de pipe moyen n’est pas prêt à débourser plus de 40 euros pour un outil de fumage. Dès lors, ils se concentrent sur le bas de gamme. Je me demande parfois si vraiment c’est un choix stratégique conscient ou si les Sanclaudiens y sont contraints, d’une part par un manque évident de talent, d’autre part par un marché local très peu exigeant ou connaisseur, vu l’absence quasi-totale sur le marché français de pipes d’artisan.

Lee Von Erck

Tom Eltang et Tokutomi

J’ai observé Bo Nordh au pipe show de Cuxhaven. Lui, le dieu le père de la guilde des pipiers, faisait le tour des tables, visiblement intéressé. Il prenait des pipes, les regardait, les examinait, les soupesait, les démontait. Il posait des questions, il s’entretenait avec de nouveaux talents, il parlait métier. Une curiosité insatiable, une profonde volonté d’apprendre et de rester au courant des nouvelles tendances. Tom Eltang invite sans cesse dans son atelier à la fois des pipiers comme Tokutomi ou Rolando Negoita dont l’œuvre le fascine, et des jeunes loups qu’il soupçonne être doué. Il apprend et il enseigne. Et il se réinvente constamment. Quand on observe comment l’esthétique des pipes de Paolo Becker a remarquablement évolué au cours de ces dernières années, comment les Rovera qui produisent les Ardor, arrivent à nous surprendre avec des idées toujours fraîches, comment Marco Biagini ne cesse d’expérimenter et d’élargir sa gamme, comment Trever Talbert, tel un scientifique, fait des expériences de tout genre dans le but d’améliorer encore ses pipes, comment Rad Davis est parvenu en un temps record à produire des pipes techniquement irréprochables et avec un style bien reconnaissable, comment Will Purdy ou Frank Axmacher montrent anxieusement chaque nouveau modèle à des collègues et à des collectionneurs pour avoir leur avis, on ne peut qu’admirer le fait que tous ces artisans n’ont pas peur de se remettre en question et qu’ils s’engagent, ce faisant, à nous proposer des produits plus beaux et mieux exécutés. Ces pipiers-là font évoluer les choses. Ce sont les pipiers de la modernité.

En Angleterre et en France, le petit monde des pipiers a toujours été régi par un système rigide et hiérarchisé de confréries et de guildes. Ces bastions de la tradition étaient et sont encore la cause de l’immobilisme. L’aspirant pipier qui il y a un demi-siècle entrait comme apprenti dans le corps de métier, ne devait pas se poser de questions : les gestes, les techniques, les tours de main qui lui étaient enseignés, il les répétait docilement, dans le respect de la tradition et du savoir-faire des anciens. D’ailleurs un jour il finissait par transmettre à son tour les fruits de son expérience à la génération suivante, perpétuant ainsi cette tradition. Aujourd’hui rien n’a changé. On vit isolé dans ses montagnes en s’épiant les uns les autres, mais sans jamais porter un regard sur ce qui se fait au-delà de l’horizon et sans être à l’écoute du client.. On est absent des rencontres internationales de pipiers et de collectionneurs. On ne participe pas aux échanges entre pipiers sur le web. On ne visite pas les ateliers des autres. C’est à peine si on sait énumérer les noms de trois pipiers scandinaves ou dire si Pesaro est le nom d’un artisan ou d’un lieu. Ben non, à quoi bon ? On n’a rien à apprendre de personne puisque chez nous on fait des pipes depuis plus d’un siècle. Ces pipiers-là s’opposent à tout changement. Ce sont les pipiers du passé.

Ne terminons pas sur cette note négative, parce que même pour ces conservateurs, il y a de l’espoir. Depuis qu’Alain Albuisson a quitté BC, il est évident qu’il s’est essayé à des choses nouvelles. Pour preuve l’énorme variété de formes et de styles à découvrir sur son site, parmi lesquelles une blowfish, modèle phare de la pipe artisanale high grade, et une autre qui n’est pas sans me rappeler le style typique de Kent Rasmussen et Teddy Knudsen. Et récemment j’ai vu quelques Morel avec des tiges en bambou qui, au niveau esthétique, n’avaient rien à envier à des danoises ou des japonaises.

Pour terminer en beauté, je voudrais partager avec vous une histoire qui me tient à cœur et qui prouve que tant qu’un artisan ne perd pas toute ouverture d’esprit, il suffit d’un petit déclic pour lui refaire une jeunesse.

Il y a quelques mois, Roland Schwarz m’a fait savoir qu’après une carrière chez Savinelli et Peterson, puis comme réparateur, Jan-Harry Seiffert avait ouvert un site web pour vendre ses fait main. Cette nouvelle ne m’enthousiasmait guère, d’une part parce qu’une carrière dans la pipe industrielle ne m’inspire pas particulièrement confiance, d’autre part parce qu’il m’était déjà arrivé de voir quelques fait main du vétéran allemand et que je me rappelais avoir jugé ses modèles peu inspirés et manquant de finesse. J’étais donc peu motivé quand je visitai son site web. Il n’y avait d’ailleurs que quelques pipes à regarder. Arrivé en bas de la page, j’eus cependant la surprise de découvrir deux pipes qui d’emblée captaient mon regard. Pas de doute : c’étaient des pipes pour moi. Et pour plusieurs raisons : elles étaient sablées ; leurs formes n’étaient ni tirées par les cheveux, ni bêtement classiques, non, c’étaient toutes deux des interprétations personnelles et intéressantes de thèmes connus : la bulldog et la volcano ; elles étaient très bien proportionnées et arboraient des décorations sobres et séduisantes. Et pour finir, elles avaient chacune une tige en losange, ce qui ne me laisse jamais indifférent. En les examinant de plus près, j’étais confronté à un choix déchirant : laquelle prendre ? L’une avait un ring grain peut-être pas très profond, mais bien défini, l’autre avait un sablage plus superficiel et moins régulier, mais sa tête de bulldog à la forme et aux proportions originales m’attirait plus que la volcano. Jan-Harry résolut mon dilemme en un tour de main : il me fit un prix spécial pour le duo. Vendu !

Quand enfin je les sortis du colis, j’étais fort satisfait de ce que je trouvai : les formes étaient taillées avec précision et avec des angles bien définis malgré le sablage, les décorations de la tige étaient très jolies, le montage était parfait et les perçages aboutissaient en plein milieu du fond du foyer. Du travail soigné et de sacré belles pipes. Quand j’inspectai le tuyau, j’étais par contre fort déçu : du travail typiquement vieille école : une ouverture rectangulaire et étroite dans la lentille, sans sortie en V, un floc droit et pas en entonnoir, au diamètre nettement trop petit pour le diamètre du passage d’air dans la tige. En plus le floc primitif n’était même pas percé au milieu. Du travail bâclé d’un habitué des fabriques de pipes. Pareil pour l’épaisseur du tuyau : 4,2 et 4,4 mm. D’accord, pas la fin du monde, mais quand même nettement au-dessus de l’épaisseur qu’on est en droit d’attendre d’une fait main d’artisan. Au fumage, les Seiffert affichaient clairement à la fois l’avantage de pipes sortant de l’atelier d’un vétéran et les tares de pipes exécutées par un pipier vieille école : d’une part, leur goût était très agréable dès les premières bouffées, le bois employé étant fort probablement bien âgé et séché, d’autre part l’exécution technique médiocre causait de la condensation et une fumée trop humide, à la limite du glougloutage. Du bois vraiment excellent qui ne peut pas donner le meilleur de lui-même à cause d’une approche technique périmée, quel gâchis ! J’en profite pour faire une parenthèse sur les jeunes loups : chez eux, on est confronté assez fréquemment au problème inverse : une exécution technique irréprochable qui n’arrive pas à cacher le fait qu’ils travaillent avec de la bruyère trop jeune produisant au début une saveur passablement âcre.

Jan-Harry SeiffertJe décidai de faire deux choses : envoyer les pipes chez Roland Schwarz pour remédier aux défauts techniques tant dans le floc que dans la lentille, et écrire un long courriel à Jan-Harry pour lui proposer une analyse détaillée de ses pipes, ainsi que quelques conseils. Pour Roland, pas de soucis : je savais qu’il ferait du bon boulot. Et c’est vrai, désormais les deux pipes sont devenues des outils de fumage performants et agréables. Pour Jan-Harry, j’étais inquiet : comment réagirait-il ? Et bien, il ne réagissait pas. J’en conclus qu’il était irrité et qu’il ne daignait pas répondre à ce damné client qui avait le culot de penser qu’il en savait plus long sur les pipes que lui, l’artisan chevronné. Ben voilà : une attitude de vieux crocodile. Typiquement vieille école. Tant pis.

Quelques semaines plus tard, je vois arriver un courriel de Jan-Harry. Un message bien lourd de plusieurs mégaoctets. Tiens. Je l’ouvre et je découvre toute une série d’images de quelques pipes photographiées sous tous les angles. Splendides. Une chose qui me frappe immédiatement, ce sont les tuyaux visiblement fins. Le message est concis mais éloquent : le pipier m’annonce avec fierté que ce sont les plus belles pipes qu’il a faites cette année et il souligne avec enthousiasme qu’il a réussi à tailler des becs vraiment plats et confortables. Il me remercie pour mes commentaires qui l’ont aidé à s’améliorer et il raconte qu’il a décidé non seulement de soigner davantage le côté technique et les tuyaux de ses pipes, mais aussi de se procurer une nouvelle installation de sablage et de faire des expériences pour obtenir des sablages plus profonds et mieux détaillés. Et, candide, il avoue ceci : « A force de devoir travailler vite, je ne me suis jamais posé de questions. Vite, vite, vite, c’est tout ce qui comptait. » Il a donc suffi d’un déclic pour transformer un forçat répétant automatiquement depuis des années les mêmes gestes en un artisan motivé, qui s’est remis en question et qui a retrouvé la fierté du travail bien fait.

Quelles leçons tirer de ce texte ? Tout d’abord qu’il n’est jamais trop tard pour changer. Un cliché, je l’admets. Ensuite, et c’est plus surprenant, que la véritable force de l’artisanat réside moins dans le respect aveugle et conformiste de la tradition que dans la profonde volonté d’évoluer et de s’adapter à un monde en perpétuel devenir. Qu’il faut donc embrasser la modernité plutôt que de s’en méfier, de s’en isoler ou de s’y opposer. C’est un exercice futile que de recommencer la bataille d’Hernani. Le vitalité et la passion d’un esprit nouveau l’emporteront toujours sur l’esprit frileux des nostalgiques et des conservateurs. Et puis, franchement, cette ère nouvelle qui sonne le glas d’un mode de fabrication où salariés anonymes faisaient du travail à la chaîne, mais qui, au contraire, permet à des individus non seulement d’être dûment compensés de leurs efforts, mais également d’être respectés, voire admirés, vous semble-t-elle tellement inhumaine ? Les pipiers résolument contemporains ont le privilège de puiser dans leurs forces créatrices, d’expérimenter, de ressentir à la fin de la journée de la fierté devant l’objet qu’ils ont créé de leurs deux mains. Ils connaissent également le plaisir de communiquer avec leurs clients et leurs collègues et tout ça dans un esprit de corps cordial et passionné. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les illustrations pour s’en rendre compte : que des figures épanouies et heureuses. Dans l’univers de la pipe, la modernité est loin d’être impersonnelle ou froide. A vrai dire, elle me semble passablement romantique.