Intronisation à Saint-Claude

par Guillaume Laffly

03/10/11
intronisation saint claude confrerie maitres pipiers

Il faut croire que tout arrive, puisque, et j'en suis moi-même encore étonné, me voilà Confrère Pipier depuis deux jours. Etonné, car je n'avais jamais pensé à faire partie d'une Confrérie, d'un Club, d'un Clan, d'un Cercle, ou assimilé. Non par mépris de la chose, mais parce que j'aspire trop à garder une certaine liberté de ton, et que je me colle suffisamment d'obligations comme cela. Il me semble que lorsque l'on accepte ce genre d'invitations, ça n'est pas pour applaudir à tout va tout ce qui se fait ou se dit, mais bien en espérant être consulté, ou, à défaut, pouvoir donner son avis.

Et puis pour tout dire, je n'aurais jamais pensé que la question se poserait. Hors, elle a été posée, par Pierre Morel. Je tiens tout de suite à dénoncer le responsable. Et je ne me voyais pas répondre non à Pierre Morel. Je suppose que je ne suis pas le seul, puisque j'ai reçu un questionnaire, et un carton d'invitation.

Alors, il me faudrait parler de l'intronisation. Mais avouez que cela est difficile, puisque l'on est censé garder le secret. Comme toute intronisation, cela doit avoir un caractère de mystère. On se demande bien à quoi l'on va assister, et on pense aux célèbres numéros comme la Suspension Ethéréenne, ou la Femme coupée en deux. Ou au Palais des Mirages du musée Grévin, dont s'était inspiré Gaston Leroux pour son Fantôme de l'Opéra.

Je n'aurais donc voulu pour rien au monde m'y rendre tout seul, et c'est accompagné d'Alain Letulier, qui n'est plus à la tête du Pipe-Club de France, mais qui dirige maintenant le Comité International des Pipe-Clubs, et de Didier Tubiana, dit le Caïd. J'avais d'ailleurs pour l'occasion ressorti ma veste d'hiver - on imagine toujours Saint-Claude dans le froid, on se voit déjà marchant dans la neige, avec des raquettes aux pieds, les loups aux trousses ... mais comme toute cette fin de septembre a été marquée par des températures estivales ... j'ai gardé ma veste jaune habituelle, pour ne pas décevoir ceux qui me connaissent, et pour être en harmonie avec les tons de la Confrérie.

Cinq heures de route, passage à l'hôtel, on admire la vue, on se lave pour l'occasion, passage rapide à l'usine Chacom, malheureusement trop tard pour voir les machines en action, et nous voilà prêts. Bien sur, Alain et moi avons mis une cravate. Et nous avons bien fait, puisque les Maîtres-Pipiers qui nous accueillent, aussi. Pierre Morel, que je vois enfin en chair et en os, est d'une grande élégance. Je suis bien content de le voir, et je crois que c'est partagé. Comme il doit se préparer, il me rend mes doigts, et je vais saluer mes futurs confrères.

Visite à l'usine Chacom, des pipes, des pipes, partout des pipes, et des machines mystérieuses pour le profane

A noter l'extrême gentillesse de Michel Waille et d'Yves Grenard, qui nous accueillent, et demandent aux futurs intronisés de se présenter brièvement. Cela rompt la glace et nous met un peu plus à l'aise. Nous allons aussi jeter un œil aux vitrines, pour regarder les pipes laissées par les précédents confrères. A noter celles de Mimmo et d'Eltang, mais malheureusement les vitrines sont bien fermées. Puis le moment arrive. On nous laisse seuls. Il va nous falloir frapper à la porte. Personne n'ose. Je me lance, mais très, très discrètement. Si discrètement que j'ai su après qu'on avait bien failli ne pas m'entendre. Une voix nous demande qui nous sommes, et ce que nous venons faire ici. Comme on nous a demandé de ne surtout rien dire, personne ne moufte. Je suis très tenté de répondre "c'est moi !", mais je pense aux quelques personnes qui avaient l'air de s'inquiéter de mon attitude, et je me tais. La porte s'ouvre, on nous fait entrer ... Il y a plein d'hommes en robe qui fument ...

Et je n'en dirai pas plus.

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la machine à reproduire au musée

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Toni Pascual, Didier Tubiana & Alain Letulier

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Pierre Morel a eu bien chaud, le pauvre, mais il a gardé sa tenue jusqu'au bout !

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Toni Pascual au micro

La cérémonie terminée, c'est la séance photo. Un géant moustachu se glisse derrière moi, nous échangeons quelques mots, et Pierre s'étonne que je ne l'ai pas reconnu. C'est Pascal Riss qui a fait le déplacement ! Cet homme est immense. Je suppose qu'il y a de la neige sur sa calotte, à cause de l'altitude. Pascal a bien amené quelques bourre-pipes, mais ce sont des commandes, qu'on n'aura pas le temps d'admirer. je suis content d'avoir amené le mien, pour le montrer à droite et à gauche. Pascal a quelques idées, il m'en parle, je réserve un modèle.

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Méphistophélès au musée

Puis, nous partons au restaurant. Didier m'a parlé d'un apéritif local, le Pontarlier, qu'on appelle là-bas "le pont". Il m'a dit que ça coulait à flots. Je n'en ai pas vu une goutte. Ca va m'obliger à revenir. Heureusement, nous trouvons de quoi nous rafraichir. Tout a été prévu. Nous pouvons desserrer légèrement les cravates. Nous passons à table, et j'apprends que je suis à la table d'honneur, avec, notamment, monsieur et madame Grenard, Alain Letulier, et le président du Pipe-Club de Pologne, Starzonek Wlodzimierz. Lui et sa femme ne parlent pas un mot de français, mais heureusement leur fille est parfaitement bilingue. Moi, j'ai resserré ma cravate.

Je suis assis entre madame Grenard et une dame absolument charmante, qui ne fume plus la pipe depuis qu'elle est grand-mère, ce que nous n'aurions jamais cru. Il y a également Toni Pascual, que je ne connaissais que de plume, et que les habitués du site connaissent aussi. On peut trouver sur le site un article sur la pipe en Espagne, qu'il avait écrit pour la revue Pipe Mag, et on lui doit les pages Tableaux consacrées à Dali, Picasso et Miro. Toni m'a très gentiment offert une pipe Don Carlos de concours, qui va rejoindre les trois pipes données par la Confrérie. Il va également faire un très gentil discours pour présenter son poulain, si j'ose dire, Christian Paureilhe, qui a donné à la Confrérie sa toute première pipe.

Le brouhaha me rend dur d'oreille, en général, et ça ne fait pas exception ce soir. J'arrive tout de même à échanger quelques mots avec Yves Grenard, et je regrette qu'il ne donne pas son avis, à la lecture des forums. Mais nous n'avons pas non plus tout loisir pour discuter, puisque Yves Grenard doit également prendre la parole, et nous passer le micro. C'est que nous devons y aller de notre petit laïus. En ce qui me concerne, j'ai du faire court, mes cordes vocales commençaient à fatiguer. Et pas de chance, le micro était lui aussi fatigué. Les seuls fois où on était sur de l'entendre, c'est quand Yves Grenard le frappait contre la table, pour le remettre en route. Il fallait donc s'exprimer haut et fort. Et c'était intéressant et charmant de voir comme les fumeurs de pipes viennent d'horizons tout à fait différents. Il y avait monsieur et madame Duc, pharmaciens à la retraite, que connaissent bien tous ceux qui vont fêter Jehan Van d'Helle. Car il y a une fête pour Jehan Van d'Helle, puisque la fête du Semois, c'est un peu trop connoté tabac pour nos élites. Il y avait Patrick Grandclément, de la SNCF, qui a de bien jolis souvenirs. Paul Le Gall nous a fait un exposé particulièrement pointu sur les cannes à pêche en bambou - vous saviez que les cannes à pêches aussi pouvaient être "handmade" ? Vous ne le saviez pas ? Eh bien, moi non plus. Il y avait Jean Martini, sympathique, clair, dont j'ai appris après qu'il allait voir de très bons spectacles, et qu'il a bon goût. Et enfin monsieur Wlodzimierz, qui était serrurier - mais en Pologne, quand on est serrurier, on peut aussi vendre du tabac, et outre le tabac, ses propres mélanges.

Voilà, la soirée se termine, un petit regret, pas le temps vraiment de discuter avec quelques personnes. J'aurais voulu poursuivre avec monsieur Grenard père, Antoine Grenard lui m'avait proposé de me montrer les machines à l'usine, mais je ne voulais pas le déranger juste pour moi et j'ai à peine pu échanger quelques phrases avec Denis Blanc. J'ai bien vu Sébastien Beaud pendant la cérémonie, mais je ne l'ai plus vu après. Décidément, on fait tout pour que je revienne. La journée a été longue et pleine d'émotions, je présente mes souhaits du soir, et je confirme à Pierre que nous passerons le voir demain.

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Le lendemain donc, mais plus détendus et sans cravates, nous rejoignons Pierre dans son atelier. Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée. Ca se bouscule. Il faudrait des tickets d'entrée. Le jour où Pierre installera une billetterie, ça fera un bon chiffre. Quant à l'atelier, c'est un vrai atelier. J'entends par là qu'il me rappelle celui de mon grand-père. Il y en a partout. Bruyères, pipes en cours, tuyaux, teintes, matières diverses, outils, outils lourds, trucs, machins, vistemboires, dont on se demande à quoi ça peut bien servir. Je sais qu'il faut que je ne touche à rien. C'est comme ça dans un vrai atelier. C'est plus sûr.

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Pierre, ...

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... Antoine Grenard, le pipe-club de Paris

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Pascal Riss, Didier ...

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... et Pierre

Un monsieur suisse fait ouvrir ses tiroirs à Pierre, et nous causons. David Enrique va passer bientôt, Erwin Van Hove commande des pipes, un monsieur veut une pipe de trente grammes. Les pipes en cours donnent l'impression que c'est très facile, d'être pipier. Quand c'est réalisé comme ça, on ne voit pas le travail. J'entends avec plaisir Antoine Grenard me dire ce que j'attends et soutiens depuis longtemps, que la Confrérie devrait être présente sur le net. Et il semblerait qu'il soit sur le point d'y arriver. Je trouve qu'il parle d'or. Je souhaite vraiment qu'il y parvienne. Avec un historique comme celui de Saint-Claude, il y a de quoi réaliser une véritable encyclopédie sur le net. Et en plus de mettre en avant les réalisations actuelles et futures. Michel Waille nous rappelait qu'Edgar Faure avait voulu la création d'une Confrérie pour faire connaître la pipe de Saint-Claude. Je pense qu'aujourd'hui, il n'oublierait pas un site internet. Malheureusement, Antoine Grenard doit nous quitter, on l'appelle à l'usine, même un samedi. Encore un regret. Il y a tant à dire et tant à proposer.

Pierre me fait une petite démonstration, avec une ébauche et une énorme roue crantée qui fait un boucan du diable. Cela lui rappelle quelques souvenirs saignants. Si un jour quelqu'un avait la bonne idée de s'intéresser à l'historique de Saint-Claude, il serait bien avisé de s'y installer quelques temps, et d'aller voir Pierre, qui est une encyclopédie sur le sujet.

Bon, il faut partir. On en a pas envie, mais il y a de la route, et pour Alain, du train, encore, après. Voilà un très bon moment passé. De bons souvenirs. Un de ces jours j'essaierai de remettre le couvert, en prévoyant plus large.

Et puis, pour finir, ne faites pas comme moi. Si un jour on vous propose d'entrer à la Confrérie, acceptez. Tout de suite. Non seulement on ne regrette pas le voyage, mais en plus, il se trouve encore des gens pour vous féliciter, quand bien même vous n'y êtes pour rien.

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