Plaisirs et périls du Perique

par G.L. Pease, traduction de monsieur X

19/04/10

Allitération mise à part, le Perique est un des tabacs les plus fascinants et les plus caractériels. Aucune autre herbe du rack à épices des blenders n'a cette capacité de détruire un mélange comme le Perique ! De rudes paroles, je le sais, mais même l'âcreté fumeuse d'un Latakia doit marcher dans l'ombre du piquant du Perique. Je l'ai dit. Je suis prêt à le soutenir. Pensez au Latakia en terme d'ail, ou de piment. Il y en a qui en aiment un peu, d'autres pas du tout, et enfin ceux pour qui le mot "assez" n'existe pas. Augmenter le pourcentage de Latakia d'un mélange produit une intensité de plus en plus grande de ses caractéristiques de goût et d'arôme, même jusqu'au point de dominer les autres tabacs du mélange, mais l'expérience, pour ceux qui aiment le Latakia, ne sature jamais (ceci n'est que partiellement vrai, mais ce billet concerne le Perique, et je parlerai du Latakia une autre fois).

Le Perique, lui, est comme le sel. Une pincée peut rehausser les goûts d'un mélange sans pour autant qu'il soit perceptible. Un peu plus, et il en influence le goût général. Trop, cependant, et votre nourriture devient insupportablement salée. En fonction des autres tabacs d'un mélange, la présence de Perique peut être détectée lorsque la proportion en atteint 2 à 4 % (en poids) du mélange total. Il peut ou non être détecté dans cette fourchette mais, s'il était retiré du mélange, son absence serait certainement remarquée; le goût du mélange serait plus effacé, comme si quelqu'un avait baissé le volume.

Entre 4 et 8 %, à peu près, il commence vraiment à se faire remarquer. Dans cette frange, la voix du Perique commence à dépasser le niveau du subliminal, et le fumeur commence à l'entendre, bien que doucement. A ce niveau, en fonction du fumeur, la détection du Perique peut aller de "Je pense qu'il y a du Perique dans ce mélange" à "Voilà un mélange grandiose, et le Perique amène vraiment quelque-chose".

Entre 8 et 12 %, il n'y a plus de doute. Peu importe quels autres tabacs sont en concurrence pour l'attention du fumeur, le Perique agite définitivement les bras pour être remarqué. Il ne s'agit pas de sautiller de-ci et de-là, mais l'agitation des bras est certainement présente tout au long du bol. C'est la proportion de tabac qui ravit ses fans, et qui fait que ceux qui ne le recherchent pas pourraient très bien jeter leur pipe au feu.

Le sautillement commence à de plus fortes doses, alors que le Perique devient un composant plus affirmé et dominant de l'expérience de fumage. Ce sont des eaux où seuls les amoureux du produits vont aller naviguer. Certains mélanges en contiennent autant que 18 à 20 %, et c'est un bon maximum, à moins que vous ne souhaitiez vous voir poussez des poils à des endroits inattendus.

Fumer du Perique n'est pas une expérience pour les tendres. Il y a des années, j'avais lu qu'Aleister Crowley le fumait imbibé de rhum. "Une idée intéressante, pensais-je, je devrais faire un essai". Quand je me remis de l'expérience, pas du tout plaisante, que ce soit gustativement ou pour ses effets persistants (le Perique est un rude truc), je réalisai qu'il avait quelque-chose à dire à propos de l'idée, quoique maîtriser le Monstre serait un sacré défi. Après nombre d'expériences et de manipulations, je sortis un des premiers tabacs sous ma marque précédente, Aleister, d'après le nom de l'homme qui avait inspiré l'expérience. Les secrets étaient dans le chauffage du mélange, ce qui calmait un peu le Perique, et dans le mélange d'autres ingrédients vigoureux pour fournir de la structure. Le Haddo's Delight, successeur apparent du Aleister, suit la même tradition, quoique d'autres influences jouent un certain rôle dans ce mélange plus récent.

Jouez avec le Perique. C'est amusant. C'est intéressant. Il peut relever un mélange fade, ou amener de nouvelles dimensions à un que vous aimez déjà mais, usez-en avec modération. Votre palais vous saura gré de votre retenue.