Apprivoiser ces fascinants virginias

par G.L. Pease, traduction de monsieur X

08/03/10

Un grand Virginia peut procurer une superbe fumée mais, pour la plupart d'entre nous, et en tout cas pour moi, retirer le meilleur de l'expérience ne vient pas toujours facilement, ou tout de suite. Récemment, j'ai lu un message, sur un des forums, d'un gars qui aime de nombreux mélanges, et aime la douceur éprouvée avec les Virginias, mais qui se plaignait de ce que, dans la plupart des cas, cette douceur ne soit délivrée qu'au compte-goutte. Je peux souscrire. Une des raisons pour lesquelles j'ai été un latakiaphile confirmé depuis si longtemps est précisément ce phénomène. Je fumais un bol de Virginia, le savourait pendant un moment mais, avant la fin, je trouvais l'expérience frustrante. Où était parti le goût ? Qu'était-il advenu de toute la douceur promise ?

La douceur d'un tabac a un rapport avec les taux de sucre de la feuille. Ceci peut se faire naturellement, comme dans certains Virginias, et spécialement la feuille claire, ou être ajouté, comme c'est le cas de beaucoup de mélanges de Virginia. Il n'est pas rare de trouver des taux de sucre de 20-25 % dans des feuilles claires, et si les tabacs sont aromatisés, cela peut même aller plus haut. Or, sucre égale douceur, n'est-ce pas ?

En quelque sorte. De nombreux lecteurs le savent déjà, soit par expérience, soit parce qu'ils ont eu la chance d'avoir un mentor qui leur a très tôt montré Le Chemin. J'espère qu'il y aura ici quelque-chose d'intéressant pour ces derniers mais, aujourd'hui, j'écris pour ceux qui n'ont pas été aussi chanceux. Je me suis bagarré pendant des années pour développer une bonne relation avec les Virginias, glanant des infos autour du chemin, mais ne le trouvant jamais vraiment. Si je peux aider un fumeur, débutant ou chevronné, à découvrir le plaisir de ces vénérables Virginias, cet article aura atteint son but.

Apprivoiser la douceur naturelle d'un tabac demande un fumage lent et tranquille, et cela peut parfois prendre un certain temps au fumeur pour apprécier et s'habituer suffisamment à leurs saveurs subtiles pour ralentir le fumage, ce qui est nécessaire pour les savourer à leur optimum. Typiquement, ce qui arrive aux nouveaux fumeurs de Virginias, spécialement à ceux qui sont accoutumés à des mélanges plus rudes, ou à des mélanges très aromatiques, c'est qu'ils reçoivent cette touche de douceur en première partie de bol, et qu'ils tirent alors plus agressivement, avec l'espoir de l'augmenter. Souvent, ce qui se passe alors est le contraire.

Pour la plupart, les mélanges à base de Latakia sont assez faciles à fumer et à savourer, pour autant que vous les aimiez, si vous pardonnez cette digression dans la petitio principii. Les saveurs et arômes sont fort et affirmés. Ces mélanges sont les extravertis de la fête. Ils accueillent le fumeur immédiatement et sans effort, et touchent facilement les sens. Tout le monde ne les aime pas, mais personne ne peut contester leur comportement franc et direct. Les Virginias sont différents. Ils sont subtils, calmes, et très souvent réservés. Ils sont heureux de se lier, mais ne sont pas présomptueux, aussi attendent-ils dans leur coin, patiemment, et ne tendent une main amicale que lorsque vous faites un pas vers eux.

Des tabacs différents ont divers taux de sucres naturels. Les clairs tendent à avoir les taux les plus hauts, les Burleys les plus bas. Une partie est inhérente à la variété de plante cultivée, une autre résulte des conditions de culture. Une grande partie a à voir avec la façon dont la feuille est séchée. Quand une plante est récoltée, elle ne meurt pas simplement. Les processus métaboliques vont continuer, utilisant les réserves de nutriments contenus dans la feuille et la tige. Un de ces nutriments est le sucre et l'amidon, et aussi longtemps que les plantes ont de l'eau et de la nourriture, elles vont continuer à faire leur travail.

Le "flue curing" des Virginias entraîne une mort relativement rapide des cellules. Les tiges sont suspendues dans des hangars chauffés où les feuilles vont se faner et jaunir en l'espace de quelques jours, et non de quelques semaines comme c'est le cas pour le séchage à l'air des Burleys. Ceci laisse plus de sucres intacts, et c'est de là que provient la douceur naturelles des Virginias. Mais nous devons l'apprivoiser lorsque nous le fumons, pour tirer le meilleur de ces magnifiques feuilles.

Lorsqu'on les fume doucement, une petite quantité d'humidité, un sous-produit naturel de la combustion, entraîne la douceur du tabac avec elle. Quelques-unes des molécules plus complexes sont libérées par la chaleur et sont transportées par la fumée elle-même. Le meilleur survient lorsqu'il y a un équilibre entre les deux, aussi est-il essentiel de tirer doucement.

Tirer à petites bouffées, en gardant le tabac juste allumé, est la clé d'un plus grand plaisir. Bien qu'il puisse être tentant de tirer plus fort pour essayer d'intensifier les saveurs, trop souvent, le contraire va survenir et, en même temps qu'une diminution de goût, il y aura plus de chaleur produite, et une fumée plus âpre va en résulter. A la place, ralentissez. Respirez avec la pipe. Laissez votre esprit se concentrer sur ce que votre palais ressent, et alors ces délicates saveurs vont devenir plus perceptibles, plus présentes.

Il y a une raison pour laquelle les Virginias sont souvent considérés comme les tabacs de fumeurs plus expérimentés. Prenez votre temps. Apprenez à ralentir et savourez réellement ce qu'ils ont à offrir, et avec le temps, ces fascinants mélanges vont commencer à se révéler à vous.

Ca en vaut vraiment la peine.