Décondensation pour les non-outillés

par Mathieu Hirondelle

Nous avons tous dans nos tiroirs quelques vénérables « bruyère véritable » qui ne sont pas forcément des hérésies sur le plan esthétique mais pèchent par leur réalisation technique.

Ce sont ces pipes que l’on regarde toujours d’un air contrit lorsque se pose la question plusieurs fois par jour du choix de la pipe que l’on va fumer.

On les regarde toujours avec nostalgie en se demandant si aujourd’hui elles ne consentiraient pas à fumer sec parce qu’il fait soleil… et on en choisit une autre, pour ne pas être déçu.

En effet ces pipes ont tendance à nous gâcher la vie par une production copieuse de jus…le jus tant abhorré des fumeurs qui contraint à démonter la pipe fumante, à chercher le mouchoir en papier pour recueillir le liquide, à éviter de s’en mettre partout sur le pantalon fraîchement repassé…à remonter le tout pour recommencer quelques minutes plus tard : l’horreur.

Alors que faire, surtout si l’on n’est pas outillé comme l’auteur de la précédente contribution sur le sujet ?

Ceci peut s’arranger si on a non pas un, mais plus d’un tour…dans son sac.

Evidemment cela ne changera pas l’aspect de la pipe mais au moins elle deviendra un objet de fumage correct.

Le problème d’humidité dans une pipe peut provenir de plusieurs facteurs :

Ouverture d'un tuyau

Matériel :

L’opération va consister à "ouvrir" le tuyau c’est à dire limiter la production de condensation.

rénover une pipe

Bien souvent la réalisation des tuyaux pèche surtout par le «manque d’ouverture» aux deux extrémités.

  1. Le floc ou tenon présente une surface trop importante qui va créer un obstacle à l’entrée de l’air chaud dans le tuyau. Le flux d’air vient buter sur cette surface ce qui provoque automatiquement de la condensation. Si la tige est percée à quatre millimètres l’air doit se faufiler dans un conduit brutalement réduit à deux ou trois millimètres.
  2. Malheureusement le perçage de la lentille est souvent si petit que la lame d’un Opinel a du mal à entrer. Encore un rétrécissement qui va gêner le bon passage de l’air à la sortie du tuyau.
  3. L’opération va consister à créer un cône au niveau du tenon réduisant ainsi la surface sur laquelle vient buter l’air chaud en entrant dans le tuyau.
  4. La lentille va être élargie.

Réalisation

rénover une pipe

1 La première opération va consister à tourner délicatement la lame du cutter dans le floc afin de créer le cône. Ce n’est pas la peine de forcer l’ébonite va s’effriter doucement et la partie supérieure de la lame sert de guide.

rénover une pipe

2 Si vous avez opéré délicatement la surface du cône ne doit pas présenter d’aspérités. Il ne reste plus qu’à polir à la laine d’acier.

rénover une pipe

Voici le cône :

rénover une pipe

3 pour la lentille il suffit de l’élargir avec les deux côtés de la lame : un qui gratte, l’autre qui sert de guide. En procédant par aller-retour l’ébonite va s’effriter doucement, il faut changer régulièrement de côté afin de faire un travail régulier.

Voici la lentille une fois ouverte, avant une lame de couteau n’aurait pas pu passer.

rénover une pipe

Voici l’ensemble des tuyaux auxquels j’ai appliqué cette méthode :

rénover une pipe

De gauche à droite :

La Lacroix et la Dunhill présentaient un tenon inadapté à la mortaise et fumaient humide. Avec la modification plus d’apparition d’humidité systématique. En toute honnêteté la Genod de gauche me pose des problèmes mais c’est dû peut-être à la période de culottage.

Quant aux autres que j’avais délaissées, je les redécouvre.

En conclusion je dirais que l’on peut faire sûrement mieux mais j’ai quand même récupéré quelques pipes.

Pour réaliser le cône il est inutile d'insister énormément : il suffit juste de casser l'arête intérieure du tenon. Si les parois du cône sont trop importantes cela va créer une surface qui va recueillir l'humidité. C'est ce qui est arrivé à la Genod qui faisait de l'eau après l'opération. En enlevant deux millimètres du tenon et polissant à nouveau tout est rentré dans l'ordre.