Bouffardes bavardes n°17

par Charles, Simon & Gilles

10/03/17

Pour ce numéro spécial des bouffardes bavardes nous sommes encore une fois heureux d’accueillir notre compère Gilles Suisse dans nos colonnes, pour 6 dégustations à 6 mains (et combien de pipes ?), avec trois dégustations croisées de tabacs anciens et modernes.

De haut en bas, et de gauche à droite, nous aurons donc la dégustation de Charles, celle de Simon puis enfin celle de Gilles.

Bonne lecture à tous !

Sherlock Holmes « nouveau » de Peterson

Peterson Sherlock Holmes

Composition : virginies, burley

D’aspect, c’est un mélange très clair, avec du fauve et du blond. Le nez est essentiellement sur l’abricot sec bien sucré et la liqueur de groseille. Dès les premières bouffées, je sens que ce mélange est bien dopé en sucre et légèrement aromatisé (sur un léger arôme de fraise des bois), mais sans que cela soit mal fait ou désagréable. Je ne reconnais absolument pas le Sherlock Holmes ancien, autant le dire tout de suite. Les virginies et le burley utilisés ici sont complètement différents, plus légers, avec moins de caractère, moins de richesse aromatique, moins de typicité, beaucoup moins même… La qualité des feuilles utilisées ici me semble moins bonne, et l’ajout artificiel de sucre n’y change rien. Ainsi, cette nouvelle mouture n’est pas mauvaise en soi, mais bien plus fade que son ainée. Le registre est complètement différent.

Les virginies blonds dominent, sur un timide arôme d’abricot sec et d’agrumes (très citronné), et un léger piquant au départ. Le burley surtout me semble de piètre qualité sur ce premier tiers, atone, si ce n’est un vague arôme boisé, lui aussi très léger. Les arômes artificiels masquent avec difficulté la pauvreté des tabacs utilisés ici. Ceci étant, son caractère léger et linéaire n’est pas désagréable si on le prend pour ce qu’il est, au-delà de la comparaison avec le Sherlock Holmes ancien. Surtout qu’à compter de la seconde moitié de la pipe, le burley gagne un peu en corps et rend le mélange un peu plus intéressant. L’aromatisation décroit également. Les virginies blonds deviennent plus piquants, sans que cela soit trop désagréable, avec plus d’acidité en bouche. D’ailleurs le degré d’acidité est variable d’une pipe à l’autre, ainsi que le piquant des virginies blonds ; selon les cas, c’est plus ou moins plaisant… Comme je ne suis pas un inconditionnel de ce type de virginie blond, assez vert, jeune, de qualité moyenne, sur les agrumes et les fruits secs, je ne suis pas vraiment emballé. En tout état de cause, et même sur la seconde moitié de la pipe, le manque d’influence du burley est vraiment regrettable.

Au final nous avons là un très banal virginie blond, plat et avec peu de caractère, trop vert et trop piquant à mon goût. Encore une fois, ce mélange n’a rien à voir avec son ainé, ce qui est bien dommage… A noter que fumé dans une pipe dédiée au burley, ce mélange a déjà un peu plus de caractère et de profondeur, sans pour autant que cela transcende la dégustation.

Points forts : fraicheur des arômes d’agrume, combustion
Points faibles : manque de richesse, de corps, absence du burley, trop vert et trop piquant, linéaire

5/20

J’espère bien que le grand détective qui a fait rêver des générations ne fumait pas ce mélange.
Le nez est chimique, sur un sucré caramélisé, des fruits confits, de l’ écorce d’ orange, du chocolat, du citron, de la crème de whisky et du miel.

J’avais espoir que les odeurs synthétiques disparaissent au fumage, mais elles restent. Cette sauce apporte une sorte de saveur florale mal imitée et caramélisée.

Ma bouche est envahie de ce jus et cela agace.
L’expression des feuilles est presque inexistante, en dépit d’un choix de coupe plutôt large, censé préserver plus de saveurs. Si la dimension chimique avait été moins persistante, le mélange aurait pu s’exprimer à la moitié ou au second tiers.
Ca n’est pas le cas.

01/20

Peterson Sherlock Holmes


Les brins de tabac, coupés assez larges, vont du jaune clair au brun clair, donnant une impression de clarté uniforme. C’est assez peu commun comme aspect.

Au nez, il y a une odeur agréable qui rappelle le cake anglais aux fruits et aux agrumes.

A noter qu’il s’agit du tabac que je fumais quand je faisais mes classes militaires et que j’ai laissé longtemps de côté depuis. Chaque fois que j'ouvre la boîte et que j’hume cette odeur de confiserie anglaise, des foules de souvenir me reviennent. C’est un peu ma madeleine à moi.

Malgré cette odeur appétissante, je ne classerai pas ce tabac parmi les aromatiques « modernes ». Pour moi, c’est un tabac traditionnel qui semble parfumé « à l’ancienne », c’est-à-dire qui a un petit air de famille avec les anglais du type Lakeland, en moins fleuri mais en plus fruité.

S’il est composé en majorité de Virginie, je suis presque persuadé qu’il contient du Burley, car en cours de fumage, des saveurs de noisettes apparaissent.

Le grand avantage de ce tabac, c’est que sa saveur particulière perdure tout au long de la combustion, contrairement à la plupart des aromatiques classiques. Le mélange est assez doux tout en ayant une force certaine.

Son seul grand inconvénient, c’est qu’il n’évolue pas en cours de fumage.

Il reste très proche de mes souvenirs, en étant facile à fumer mais avec une bonne dose de puissance. Il se rapproche des autres mélanges à base de Virginie et avec un soupçon de quelque chose en plus que je fumais à l’époque, comme par ex. l’Enrinmore Mixture ou l’Indian Summer, mais en les surpassant sans aucun doute. Pour moi en tout cas.

13 (+originalité du goût, - manque d’évolution)

Il est amusant de noter que le manque d’évolution de ce mélange est soulevé par les trois dégustateurs. Il semble également que le burley se devine, mais qu’on ne le sente pas assez. Charles et Simon relèvent un sucré fort, une certaine aromatisation et une qualité de feuilles regrettable. Seul Gilles trouvera un certain plaisir à cette dégustation...

Sherlock Holmes « ancien » de Peterson

Composition : virginie rouges et oranges, tabacs du Brésil et Mysore d’Inde

Ce Sherlock Holmes est sombre, du brun au noir, à l’aspect terne typique des vieux tabacs. Au nez, des pruneaux séchés, légèrement vineux, de la cannelle, une odeur de vieux tabac aux arômes bien fondus.

Quand Gilles m’a envoyé ses généreux échantillons de Sherlock Holmes, de prime abord j’avoue avoir eu un préjugé assez négatif vu mes expériences passées avec la marque Peterson. Si le préjugé a été validé pour la version moderne, il a complètement volé en éclats pour cette ancienne mouture réalisée par Murray qui s’est révélée être délicieuse. Un petit bijou sublimé par le temps. Des tabacs d’une très grande qualité, un équilibre dans le mélange des feuilles, preuve d’une parfaite maîtrise de l’art du blending, et le temps comme allié précieux.

D’abord, il y a cet arome particulier des vieux mélanges de qualité, cette note douce et fanée. Puis vient cette belle et riche symphonie, encore une fois fondue et équilibrée : du pruneau séché avec juste ce qu’il faut de sucre, de la cannelle, de la vanille, un boisé tout à la fois riche et profond, sur l’acajou, du cuir venant donner une solide base à l’ensemble et une délicieuse et envoutante note d’encens. C’est un régal à chaque pipe, et je remercie encore une fois chaleureusement Gilles de m’avoir fait découvrir cette petite merveille.

Si je parviens à déceler l’apport des virginies rouges ou des feuilles indiennes, le tout est si cohérent et si bien fait qu’il serait inutile de disséquer chaque composant. Pour moi, c’est l’art du blending au point d’orgue : chaque élément s’efface pour former une partition qui s’élève au-delà des feuilles utilisées. En plus, moi qui adore les virginies rouges et ce type de note boisée, de cuir et d’encens, je suis gâté. Pour être pointilleux, ce mélange pourrait être plus rond, avec plus de mâche, mais les vieilles feuilles sont généralement plus sèches en goût et moins voluptueuses, apanage de la jeunesse… Ce qui est certain c’est que la grande richesse aromatique de ces feuilles fait pâlir les tristes et piètres composants de la version moderne, piquants, verts et étriqués. Nous sommes ici sur une autre planète. je lis un peu partout que la recette originelle date de 1880. Si l’on part de l’hypothèse peu probable que ce mélange était identique et tout aussi bon en 1880 que celui produit par Murray, ce qui est sûr est que les blenders de chez Kohlase & Kopp sont franchement mauvais et ne savent pas lire, car le nouveau n’a rien à voir avec cet envoutant et particulier mélange.

Je note une légère évolution au milieu des dégustations, vers plus de puissance et de caractère, un boisé qui gagne en profondeur, plus de cuir, et toujours ce duo virevoltant entre les notes suaves des virginies rouges, sur le pruneau (à la manière d’un vieil armagnac) et cette surprenante note d’encens. Riche, complexe, très agréable. A noter que la combustion est excellente.

Points forts : richesse, complexité, équilibre, tabacs de grande qualité, arômes fondus
Points faibles : léger manque de rondeur, linéaire

19/20

Ma déception surcroit : vieilli en cave, peu de choses changent, à commencer par le nez.

Il faut dire ce qui est : la sauce est moins présente. Elle laisse parler, bien que très partiellement, les composants naturels du mélange.

Il me semble que l’expression des feuilles est si discrète qu’il faut une certaine expérience et une grande concentration pour en deviner – plus qu’ en ressentir – les arômes.

Ainsi, nous avons un virginie très léger, fruité et boisé (virginies rouges), sans épaisseur ni volume … sans caractère.
Il est très estival et ne montre aucune profondeur, à croire que son rôle est simplement de boucher les vides aromatiques d'un jus synthétique.

Quant au Burley, il se dévoile sous un trait poivré, et renforce la puissance de l’ensemble, très relative. Son coté torréfié parvient à transformer le sucré chimique en crème caramélisée.

03/20

Peterson Sherlock Holmes


L’ancienne version était vendue dans une boîte plus belle, avec le profil de Mr Holmes.

A l’ouverture, c’est le choc. Le tabac a perdu sa couleur vive et a pris une teinte beaucoup plus sombre. Autant de changement en quelques dizaines d’années, ça semble à peine croyable.

Le nez a lui aussi bien sûr évolué. Le fruit est devenu beaucoup plus mûr, avec de la figue, de la mirabelle mais aussi un côté cacaoté. Bref, un goût tout simplement plus sombre et évolué.

Cette fois, je ne perçois pas le Burley mais uniquement de beau Virginia qui a pris de la bouteille avec le vieillissement. Tout est fondu, crémeux, harmonieux.

Comme la version actuelle, il n’évolue malheureusement pas en cours de fumage mais il garde ses parfums tout au long de la dégustation.

Il illustre à merveille la force tranquille. Un tabac suffisamment fort mais doux, simple car n’évoluant pas mais invitant à la détente. Le genre de tabac à fumer l’automne dans une véranda, face à un beau paysage.

Bien meilleur que la version actuelle ? Non, tout est une question de goût. La version actuelle délivre une saveur particulière qui a tout son charme. La version vieillie perd un peu de fraîcheur citronnée pour vous ouvrir les portes d’un monde de force mesurée. Disons que l’un est un tabac de printemps alors que l’autre est pour l’automne.

14 (+ harmonie des saveurs, - évolution)

Conclure ces trois dégustations est chose délicate, tant elles sont différentes. Charles et Gilles ont des conclusions similaires, en ce qui concerne l’équilibre et le manque d’évolution. Quant à la comparaison, Charles voit une réelle différence, Simon une bien plus relative, et Gilles appréciera les deux à leurs justes valeurs.

My Mixture 965 « nouveau » de Dunhill

Dunhill 965

Composition : latakia chypriote, orientaux, cavendish et virginie

Le mélange est plutôt sombre, avec beaucoup de noir et de fauve, des pointes beiges. Au nez, un fumé typiquement chypriote, et assez sec, sur l’âtre vide, domine nettement le nez, avec un boisé léger et de la mélasse.

La version moderne du 965 est on ne peut plus classique dans le genre mélange anglais. Un fumé domine les arômes, sur la créosote et la suie, sec et sans grande envergure. Les orientaux jouent les seconds couteaux, et me semblent assez peu expressifs, sur les marrons grillés avec une pointe de cèdre. Les virginies sont quasi inexistants sur ce premier tiers, avec une timide note d’agrume. En bouche, c’est amer et acide. C’est pas mal, ça se laisse fumer. Il n’y a rien de transcendant, les feuilles utilisées ne me semblent pas d’une grande qualité. Ce 965 manque d’ambition, d’atouts, de charme. Cette herbe chypriote, sombre et sèche, qui domine le mélange, aurait même tendance à me lasser si je n’occupais pas mon esprit à d’autres activités.

Le 965 moderne d’Orlik continue ainsi son petit bonhomme de chemin, linéaire à souhait. Le feu couve tranquillement et la créosote domine. Les orientaux restent peu expressifs, le virginie est tout simplement absent. Seule évolution notable : l’acidité monte en bouche.

Si le mélange reste excessivement léger et linéaire, invariablement, il se fait également moins latakié et plus oriental sur certaines pipes, dominé par un boisé léger avec un latakia en arrière-plan, sur une plate et sèche créosote. Sur ces pipes, le mélange était plus équilibré. Au final, le seul moment agréable que j’ai passé avec ce tabac a été en promenade, l’esprit occupé ailleurs.

Voilà un mélange anglais moyen, porté par un latakia chypriote plat et sans relief, des orientaux assez creux et un virginie absent. Globalement décevant et ennuyeux.

Points forts : coupe, combustion
Points faibles : linéaire, ennuyeux, sans profondeur, tabac de qualité douteuse, peu équilibré et trop léger

7/20

Le nez est très simple mais franc : du feu de bois, de la vanille et des épices.

On pourrait s’attendre à ce que les premières bouffées nous donnent l’ impression de mettre la tête dans la cheminée, mais un équilibre maitrisé surprend agréablement.
Comme un duel sucré / salé, le latakié partage son intensité avec un virginie suave et vanillé, tout en rondeur et en légèreté.
La précision de ce mélange nous fait parvenir toute la douceur sylvaine des virginies. Bien que le fumé soit en légère dominance, il ne s’impose pas et n’est pas vulgaire. Sa complexité fait rêver.

Dans la continuité de cet équilibre admirable, les orientaux apportent matière et saveurs, sans brouiller les arômes subtiles. Ebène, encens et poivre vert colorent donc cette mixture.

Je ne suis pas convaincu que le cavendish soit nécessaire, mais sa présence renforce l’élégant partage de saveurs.

Seul point regrettable : pas d’évolution notable, en dépit d’ une bonne qualité de feuilles de virginies. Un bon mélange anglais, dans la grande tradition.

14/20


Visuellement, il s’agit d’une typique mixture anglaise, c’est-à-dire un mélange qui va du jaune clair au noir, au passant par tous les types de bruns. Ça en jette !

Au nez, la première chose qui apparait c’est le côté fumé-épicé. Ca ne sent pas le gras de la suie d’un conduit de cheminée mais le sec d’un conifère qui brûle dans la cheminée. Caché tout en fond du feu, je perçois également quelques discrètes notes de framboise, comme c’est souvent le cas dans les tabacs de chez Dunhill.

Lors de la dégustation, ce qui me frappe c’est la douceur et la suavité du mélange. Pour sûr, le Cavendish qui compose cette mixture n’est pas étranger à cela. Les bouffées sont crémeuses, les différents composants se marient avec harmonie. Malheureusement, parfois, quelques notes un peu acides apparaissent en cours de route, signe d’un Virginie certainement pas assez mûr. J’aurai également apprécié que les orientaux soient moins timides.

Il s’agit d’un bon anglais qui a du goût mais qui est un poil trop BCBG, avec son Cavendish. En comparaison avec le Dunhill Apéritif qui est également un anglais contenant du Cavendish, je trouve ce dernier plus intéressant car les herbes orientales sont plus présentes, lui donnant plus de caractère.

12 (bon anglais mais trop sage)

Nous avons deux courants : Charles et Gilles qui trouvent à ce mélange une certaine acidité et un manque de caractère, de personnalité, une platitude en somme ; et Simon qui, au contraire, ressent un bon équilibre et une bonne qualité de feuilles.

My Mixture 965 « ancien » de Dunhill

Dunhill 965

Composition : latakia, orientaux, virginie

Un mélange sombre d'aspect, noir et beige. Au nez, du fumé, du cuir, du vinaigre et un arôme poussiéreux de vieux tabac. Ce My Mixture 965 par Murray a l'arôme particulier des bons mélanges anglais vieillis plus de 10 ans en cave, avec un latakia aux arômes légèrement passés et un fondu exceptionnel entre les différents composants qui lui donne beaucoup d'équilibre et d'élégance.

Le latakia est doux et très souple, sur un fumé tout à la fois riche et fin, quoiqu'un peu terne. Les orientaux sont d'une grande richesse, avec beaucoup d'épices (bergamote, poivre noir) et tendent à prendre de l'ampleur au fil de la dégustation, ce qui donne un caractère balkanique et étonnamment frais pour un mélange si ancien. Le contraste est d'ailleurs assez saisissant entre le latakia plutôt affadi par les ans et la vigueur des épices orientales, dans un tout extrêmement bien fondu. Les virginies (rouges si je ne m'abuse) apportent une petite note sucrée et de la rondeur, juste ce qu'il faut (sur les pruneaux secs).

Encore une fois, ce qui me frappe, outre l’évidente qualité des feuilles et la richesse du mélange, est l’harmonie entre les tabacs malgré les orientaux qui sortent un peu plus la tête de l’eau par rapport au latakia et au virginie. Riche, complexe, avec une belle profondeur aromatique, de la rondeur, des arômes fondus, ce mélange est vraiment bon et très agréable.

La finale est plus sombre et plus puissante, avec un retour en force du latakia, des épices toujours aussi vigoureux, frais et riches, de la rondeur. La puissance reste moyenne, et la richesse aromatique rend ce mélange pleinement roboratif. En bouche, l'équilibre entre amertume, sucre et acidité est parfait pour moi, tout au long de la dégustation. Un balkan exceptionnel.

Points forts : équilibre, richesse, complexité, profondeur, des orientaux de premier choix
Points faibles : un peu trop sec à mon goût, pourrait être plus rond

19/20

Onze ans de cave, cela commence à présenter un intérêt ! Le nez lui-même s’est complexifié : feu de bois, miel, épices, fruits secs, ketchup.
On peut déjà sentir que la personnalité du mélange s’affirme et se complexifie.

Concernant les virginies, la suavité de leur jeunesse laisse place à un crémeux masculin et onctueux, moins suave et vanillé mais davantage profond, boisé et rond. La puissance leur donne du caractère, de la force aromatique sans inconfort en bouche.

Le latakié est plus vif, et les orientaux plus prononcés, terreux et sauvages. L’encens, qui tarde à s’ affirmer quand ce mélange est jeune, apparait vite, signe de bonne maturité.

L’équilibre reste maître mot. Si chaque feuille a évolué à sa façon, si les nuances ne sont plus les mêmes, toutes les saveurs se fondent agréablement ensemble.

Mon reproche reste le même : la mixture n’est pas évolutive durant le fumage.

14/20


Visuellement, il s’agit toujours d’une mixture possédant une grande palette de couleur. Cependant, le jaune vif est absent. En fait, on dirait qu’il y a un filtre qui a été posé : le tabac ne brille plus mais a un aspect mat.

Au nez, le feu de cheminée a laissé sa place à une tout autre odeur, celle du pruneau fermenté. Très étrangement, en humant ce tabac, je l’ai immédiatement associé à du vieux St-Bruno que je possède. Oui, je sais, c’est complètement fou car ils ont une composition très différente. Je sais mais c’est comme ça.

En fumant, j’ai également retrouvé un peu de St-Bruno, avec du Virginie étuvé d’excellente qualité. Le fumé du latakia est quasiment absent en début de pipe. Il fait son apparition qu’en cours de route, sans jamais prendre le dessus mais en développant un très agréable côté sombre dans le dernier tiers du bol.

En vieillissant, il a perdu son côté latakié classique pour développer un côté de prune fermentée, avec beaucoup de rondeur et de profondeur. On n’est plus dans un anglais BCBG comme l’est la version actuelle mais on se trouve face à un vieux sage qui a plein de choses intéressantes à dire à celui qui prendra le temps de l’écouter. Un grand tabac.

17 (c’est un privilège de passer une soirée avec ce vénérable lord anglais)

Si les années ne font pas toujours les sages, elles peuvent faire de grands tabacs. Les trois discours sont globalement positifs, avec de bons retours sur les feuilles, l’équilibre et la profondeur. A l’unanimité, c’est un mélange de qualité.

Elizabethan Mixture « nouveau » de Dunhill

Dunhill Elizabethan Mixture

Composition : virginies, périque

Du blond aux sombres brins de périque, en passant par le brun, il y a là une jolie palette de couleurs. Le nez est sur les raisins secs, la confiture de rhubarbe et une odeur de moisissure propre au périque.

Il y a là une belle et bonne assise de virginies, plutôt dominée par les virginies rouges d’ailleurs, ce qui n’est pas pour me déplaire. Il me semble que cette base plutôt riche et classique (sur les raisins secs, pruneaux séchés) n’a pour seule vocation que de porter haut le périque utilisé ici, de bonne qualité et assez expressif, agréablement piquant sur certaines pipes dès le départ, sur l’aigre-doux, le wasabi. Alors que sur d’autres pipes le périque se fait plus calme et classique, moins piquant, sur un aigre-doux légèrement balsamique, ressemblant à la version Murray mais en plus fade. Sur certaines dégustations et étrangement, le périque prend assez rapidement de l’ampleur et finit par écraser les arômes plutôt suaves des virginies. Le nez trahissait une bonne dose de périque, le fumage le confirme : pour aimer ce mélange, il faut aimer le piquant de cette herbe spéciale qui joue plus ici qu’un simple rôle de condiment. Ca dépote. Ca vous écrase les nasaux. Ca vous donne une bouche torride. Si comme je le disais sur certaines pipes les virginies sont plus expressifs, c’est globalement le périque qui domine de manière inconditionnelle, avec parfois un vrai déséquilibre au plan aromatique, ce qui est dommage. J’aime beaucoup le périque, qu’il joue sa partition dans un registre plutôt aigre-doux, piquant ou poivré, mais ici je trouve que c’est parfois trop et qu’il est trop débridé, et par conséquent cela nuit à l’équilibre et à l’harmonie du mélange. Sauf, bien entendu, si vous avez envie d’une petite bombe à épices piquante à souhait (votre charcutier n’avait plus de merguez ? Votre traiteur japonais n’avait plus de wasabi ? Passez votre frustration et ouvrez donc une boite d’Elizabethan Mixture).

Arrivé à la moitié de la pipe, je ne sens aucune évolution notable si ce n’est un léger assombrissement des arômes. J’attends un retour des virginies… Que nenni. Cette déferlante épicée commence à me lasser et j’ai limite la bouche en feu. Arrivé à la finale, c’est la même histoire : du piquant à ne plus savoir qu’en faire, qui oblitère complètement le reste. Mes muqueuses saturées peinent à distinguer quoi que ce soit d’autre. Je suis clairement lassé et j’ai même un peu de mal à finir ma pipe, chose rare…

Mis à part des quelques dégustations au cours desquelles j’ai constaté un vrai déséquilibre, ce mélange est assez classique, dominé par le périque aigre-doux avec une base de virginies rouges (les virginies blonds étant absents au plan aromatique), sans rien d’exceptionnel, mais agréable, avec un petit boisé dès le deuxième tiers et un côté terreux sur la finale. Il est moins complexe que son ainé, à l’évidence, moins riche également, mais bon quand même.

Points forts : périque expressif, trop sur certaines pipes, classique et de bon aloi, combustion
Points faibles : parfois déséquilibré, linéaire et lassant

15/20

Le nez est un peu chimique, sur des fleurs ou un pot-pourri. On peut aussi sentir du bois, de la poussière, de la vanille et des épices.

En vue du nez, je m’attendais à être déçu après allumage, et pourtant …
On ressent dès le départ la qualité des feuilles, ainsi que la puissance du mélange. Je le conseille l’après-midi ou le soir en vue de sa roborativité.

La complexité est au rendez-vous, et n’attend pas pour se montrer. On sent vite un boisé complexe (virginies rouges je pense), de la terre, des épices, du cuir et des fruits à coque.

Je suis surpris, je dois dire, par la rusticité de ce mélange. Si les feuilles sont complexes, elles ne sont pas fines. On peut qualifier les arômes de bruts, de vrais, de puissants, mais pas de subtils, et pourtant cela ne vulgarise pas le mélange. Le virginie n’ y est pour rien, c’ est un périque généreux qui s’ exprime ici.

Il y a un potentiel intéressant, mais une maitrise très maladroite.
En ce qui concerne l’évolution des saveurs, cette mixture fait preuve d’ une parfaite linéarité. Dommage !

12/20

Dunhill Elizabethan Mixture


Voilà encore un tabac que je n’ai plus fumé depuis un bail. Je m’étais acheté une boîte lors de mes débuts et je n’avais pas apprécié ce tabac, qui chauffait très vite et me mordait la langue. En matière de Virginie, j’avoue que mon expérience était limitée surtout au Capstan, au Peterson Sherlock Holmes et au Marlin Flake, trois tabacs qui ne me posaient pas autant de problème que cette mixture élisabéthaine. L’occasion faisant le larron, puisque Charles m’a aimablement envoyé de l’Elizabethan actuel ainsi qu’une version longuement encavée, je vais pouvoir voir si mes désormais nombreuses années d’expérience en matière de fumage m’auront armé pour tourner autour de dame Elizabeth sans me brûler les ailes, au plutôt la langue.

Visuellement, il s’agit d’une belle mixture coupée juste comme il faut avec un joli éventail de couleurs. Au nez, on retrouve les saveurs propres à un bon Virginie, c’est-à-dire quelque chose qui se rapproche du pain tiède. Cependant, il y a une petite pointe de « vieux », je ne saurai le décrire autrement amené vraisemblablement par le Périque.

Le 1er fumage, sur le chemin du travail, fut une catastrophe : ça chauffe en diable et ça pique la langue, tout autant que dans mes souvenirs. Le second fumage, je le fais au calme, chez un ami, et là, c’est enfin tout autre chose : la bougresse ne mord plus et se montre même intéressante car elle confirme ses saveurs à froid, soit les plaisirs d’un assez bon VA/Per. Pour les autres fumages, c’est à chaque fois la même chose : elle chauffe et mord à chaque fois que l’on fume sans lui accorder toute l’attention nécessaire et elle offre ses charmes à chaque fois qu’on la fume dans un endroit détendu.

Il ne s’agit clairement pas d’un VA/Per facile d’accès. A rajoutant que le mélange n’est pas vraiment évolutif, vous aurez compris que je ne le trouve pas indispensable. Il y a sur le marché bien des VA/Per moins capricieux tout en étant au minimum autant gourmands. Je reste perplexe devant les 13 personnes ayant noté sur tobaccoreviews que ce mélange était leur tabac favori. Seraient-ils adeptes du piercing sur la langue…

5-10 (+ une certaine distinction dans les arômes, - tendance à mordre et à chauffer)

Vous serez prévenus, ce mélange a du caractère et ne convient pas à tous les palais. Pour certains, cette surexpression du périque sera gage de plaisir et de complexité ; pour d’autres, il signera un malaise que peut-être, comme l’a expérimenté Gilles, un endroit détendu parviendra à soigner.

Elizabethan Mixture « ancien » de Dunhill

Dunhill Elizabethan Mixture

Composition : virginies, périque

Cet Elizabethan a l’aspect terni des feuilles vieillies, avec une palette de couleurs large, du blond au noir du périque. Le nez me semble passé, comme un riche bouquet de fleurs oubliées ; il ne reste que quelques arômes fatigués de fruits secs (raisin sec).

Cette version réalisée par Murray est beaucoup plus calme et assagie que son jeune ersatz, sans doute grâce au temps mais surtout, me semble-t-il, par un art du blending bien mieux maîtrisé en ce sens que l’équilibre est ici bien meilleur.

Je ressens bien les arômes délivrés par le virginie blond (note d’agrume, acidité en bouche), plus d’ailleurs que le virginie rouge, légèrement plus discret (sur le raisin sec). Le périque épice le tout sans écraser les virginies, et donne une agréable complexité à l’ensemble, sur une note balsamique, puis après quelques minutes avec une note délicatement poivrée (poivre blanc) qui surgit.

Le premier tiers passé, le périque a trouvé une certaine vigueur qui le fait dominer au plan aromatique, sans toutefois faire preuve d’excès à l’instar de la version Orlik. Le dernier tiers est plus riche, plus poivré (poivre noir), plus piquant mais agréablement et raisonnablement, toujours balsamique. les virginies, plus présents au premier tiers, donnent un peu de rondeur au mélange mais sont dorénavant plus discrets, laissant au périque tout le loisir de déployer ses atouts. Ils ne disparaissent pas de la scène pour autant, toujours sur les agrumes et les fruits secs ; en bouche, ils se font à la fois acides et sucrés, avec un peu d’amertume.

Encore une fois, le mélange est bien équilibré, riche, complexe et agréable avec un périque qui ne manque pas de caractère malgré les années. Je n’ai pas cette sensation d’arômes bien fondus en un tout qui va au-delà de chacun des composants, mais les feuilles ont tout de même ce côté vieilli, tout en délivrant des notes pleines de vivacité.

Sur la final, je sens un retour des virginies, plus sombres, sur les pruneaux séchés accompagnés d’un joli boisé sur l’acajou, et un côté mentholé. Le périque porte un arôme très poivre noir et moins balsamique. Cette finale est aussi bien plus voluptueuse et ronde, riche et pleine, avec de la mâche. Evolutif et roboratif, ce mélange est pleinement satisfaisant.

Points forts : équilibré, riche, complexe, évolutif, roboratif
Points faibles : périque un peu trop débridé au deuxième tiers

17/20

Les odeurs dans la boite ne changent pas, même cette sauce fleurie de déodorisant ménager est restée à bord.

Après allumage, on retrouve ce caractère, cette puissance roborative qui ne faiblit pas, mais ne se complexifie pas non plus.

La typicité de cette mixture la maintien sur des notes terreuses, boisées et légèrement épicées. Le boisé est moins profond, et les virginies sont davantage acides.

Etrangement, la qualité des feuilles ne fait pas de doute (bien qu’à mon avis elles soient différentes), et je me demande pourquoi elles ne s’expriment pas comme elles le devraient.
Il y a un réel manque de profondeur aromatique, de finesse et d’évolution. Serait-ce une maladresse de blending du grand Murray ?

J’attendais au moins des virginies un semblant de maturité. On a l’impression au contraire qu’elles ont rajeuni. D’ailleurs, il me semble qu’ici, les virginies rouges évoluent mieux que les blonds.
Je ne suis pas tant déçu par le mélange en lui-même, mais par la partielle inaction du temps sur les saveurs.

11/20

Dunhill Elizabethan Mixture

J’étais tenté par voir des couleurs moins contrastées, sentir des arômes plus fondus et fumer un mélange plus complexe. Or, encore une bizarrerie de dame tabac, malgré les années, je n’arrive pas à déceler de différence entre les deux versions. Même en les fumant en même temps (deux pipes différentes et passage de l’une à l’autre), je ne sens pas de différence notable. Je peux donc faire un véritable copié-collé de mon texte sur la variante actuelle. Noter que dame Elizabeth ne peut qu’être flattée sachant que le temps n’a pas d’emprise sur ell.

J’en profite pour expliquer en quelques mots le sens de la note : 5-10. Si l’on tient compte de la part de fumeurs plus ou moins débutants additionnée avec ceux qui ne fument pas uniquement de manière très calme et dans un esprit analytique, la probabilité que le fumeur attiré par la boîte ronde, au nom attractif soit déçu est extrêmement grande. Le tabac sera décevant et ne vaut pas mieux qu’un piètre 5/20. Par contre, le fumeur averti qui aura pris le temps d’apprivoiser ce tabac et qui le fumera lentement dans une pipe au tirage parfait trouvera un certain plaisir dans une saveur typique d’un Virginie pimenté d’un zeste de Périque. Pour ce fumeur, le tabac vaut au minimum un 10/20, d’où une note finale qui couvre un large spectre.

L’action des années sur ce mélange est sujet à débat, puisque Charles notera une belle évolution, avec un périque moins agressif, bien qu’encore un peu ; Simon jugera l’évolution timide et décevante ; et Gilles ne verra aucune action des années.