Bouffardes bavardes n°7

par Charles & Simon

14/04/14

Black House de Hearth & Home

Black House de Hearth & Home

Composition : Black Cavendish, Kentucky, Latakia, Orientaux, Virginies

Un fumé doux et résineux se dégage de la boîte, avec de la vanille, un côté crémeux, lacté, des fruits secs (pruneaux) en arrière plan. Un bouquet fin et complexe.

L’équilibre est excellent dès le départ : un fumé fin et résineux non dominant qui laisse s’exprimer les orientaux, sur un boisé là aussi fin, noble, le pain chaud, la vanille, un côté très (trop ?) légèrement épicé, ainsi que les virginies apportant une note sucrée, sur les fruits secs (abricots) et le miel. La fumée est résolument riche et complexe sur ce premier tiers, très agréable.

A la moitié de la pipe, le tabac évolue de manière appropriée vers des arômes plus sombres, moins suaves, sur un fumé salin tout à fait différent du fumé résineux du début mais toujours aussi fin, beaucoup d’épices avec une dominance de poivre noir et une touche de gingembre apportant un petit piquant, juste ce qu’il faut pour maintenir l’équilibre toujours aussi parfait.

Les orientaux continuent d’apporter une note de pain chaud, de boisé fin. Les virginies, plus en retrait, apportent de la rondeur à l’ensemble ainsi qu’une suavité en arrière plan.

La fumée est plus ronde, épaisse en bouche. Le maître mot de ce tabac est : équilibre. Que d’atouts ! Complexe, riche, évolutif. Cette évolution notable vers une dominante d’arômes salins et épicés est autant surprenante que réjouissante, avec une belle note suave, miellée.

Le dernier tiers, plus sombre, est torréfié, fumé (gras et salin), épicé (poivre noir et toujours le gingembre), avec de la noisette et du miel, et un léger côté terreux. Je décèle, sur certaines bouffées, une pointe vanillée rappelant le premier tiers, ainsi qu’une note chocolatée. Sur la toute fin, un goût de bouillon de légume apparaît. Surprenant.

Un tabac qui mérite sans aucun doute son prix gagné en 2011, réalisé par un blender de grand talent, avec des tabacs d’une qualité excellente.

Points forts : équilibre parfait, riche, complexe, évolutif, combustion parfaite
Points faibles : je serais tenté de dire aucun, mais il faut avouer qu’il n’est pas tout à fait roboratif

19/20

Un fumé fort, des épices, un virginie très présent, une touche de vanille et une fraîcheur sucrée sont autant de tentations qui caressent le nez.

Le latakia est subtil, doux, si bien qu’une touche sucrée et vanillée peut se marier avec des arômes boisés qui ne sont guère farouches. La fumée est suave, agréable et pourtant bourrée de saveurs à la fois puissantes et profondes.
En un tout aérien, léger, le sucre et les épices laissent penser à du miel.

Lorsque la chaleur s’équilibre, ce mélange prometteur gagne en puissance : il se montre torréfié, peut-être terreux, tout en préservant sa gourmandise. La présence nouvelle de poivre noir et de gingembre encourage la note sombre mais toujours subtile sublimée par un arrière-goût légumineux.

On pourrait penser que des notes d’aigre-doux piquantes viennent d’un ajout de perique. Une certaine fraîcheur – présente depuis l’allumage – est maintenant complétée par du sel qui nous fait passer de la forêt au bord de mer. L’évolution offre donc une transformation franche dès la moitié du fumage.

Tout ce qu’on peut attendre d’un mélange peut se trouver ici : rond, équilibré, roboratif, sucré, salé, complexe, profond, riche, évolutif, doux, puissant.

19/20

Cela va sans dire, ce mélange présente d’évidentes qualités, qui justifient nos notes élevées ainsi que nos commentaires élogieux. Il est difficile de lui trouver des défauts. En dehors de toute comparaison avec le célèbre mélange d’antan dont ce tabac est censé s’inspirer, et que nous n’avons jamais eu le plaisir de gouter, nous pensons qu’il pourrait s’imposer comme un classique. Il est déjà, en tout cas, un permanent de nos caves respectives.

Larry’s Blend de Hearth & Home

larrys blend

Composition : Latakia, Orientaux, Virginies

Le nez est dominé par un fumé riche, presque lourd, adjoint d’une agréable note de résine de pin séchée.

Les arômes à l’allumage, riches, confirment le nez. L’ensemble est complexe, équilibré, avec une très belle rondeur en bouche. Le latakia chypriote développe un fumé très suave et légèrement salin. Les orientaux délivrent un boisé très rond, avec beaucoup d’amplitude, presque crémeux. Enfin, les virginies apportent une suavité supplémentaire avec une note sucrée. Sur certains fumages, en fonction de la pipe choisie, un arôme de vanille, plus ou moins fugace, enrichit le tout.

Même si le latakia domine les premières bouffées, le tout est vite très équilibré, révélant en cela une main de maître dans l’art du blending. Je déplore juste que les orientaux, outre leur très belle rondeur, ne dégagent pas plus d’épices pour complexifier le tout.

Le tabac évolue : le fumé se fait plus gras, le boisé plus sombre, épicé (poivre noir, musc) répondant en cela à mes vœux, avec de la tourbe, et, toujours, une certaine suavité et un côté salin. Le tabac reste doux et rond, la puissance moyenne.

Le dernier tiers est essentiellement tourbé et épicé, fumé, toujours très rond. Le final est roboratif, non par puissance et pic nicotinique, mais par un palais pleinement rassasié du fait de la richesse aromatique du mélange qui ne faiblit pas tout le long du fumage.

Un permanent de ma cave, qui ne m’a jamais déçu.

Points forts : équilibré, riche, rondeur et amplitude en bouche, évolutif, complexe
Points faibles : pourrait être plus complexe et plus épicé sur le premier tiers, ainsi que sur le dernier

17/20

Le nez de cet anglais est très typé : un fumé de harengs et du sel. Un tableau qui peut montrer le calme comme la force de la mer.

Mais un mélange comme celui-ci peut surprendre, en l’occurrence par la différence nette entre le nez et la bouche.

Le démarrage est lent, mais une fois la pipe bien chaude, le tout se révèle non pas salin, mais gourmand par la présence de fruits confits et d’une touche vanillée. Changement radical de décors.

Quelques épices apparaissent : du poivre vert avec une teinte végétale, proche de l’odeur du chanvre à fumer, ou encore du foin frais. Evidemment, on ne saurait ignorer le fumé de feu de bois, bien balancé avec le reste.

Nous avons de la rondeur, et un bouquet d’arômes bien arrangé car équilibré. Le latakia reste dans son coin (ni trop présent, ni trop absent) et laisse la parole aux orientaux.

Mon principal reproche est le manque presque total d’évolution gustative.

14/20

Malgré nos points de désaccord (caractère évolutif, potentiel des orientaux, le ressenti sur le côté salin), on constate une similarité globale dans nos dégustations. En effet, nous ne ressentons les mêmes choses, mais pas forcément au même moment. Mis à part l’évolution, nous nous retrouvons sur la rondeur du mélange, particulièrement expressive, la complexité et la richesse des tabacs.

Royal Yacht de Dunhill

royal yacht dunhill

Composition : virginies

Une nette dominance de fruits rouges au nez, sur la confiture de groseille, la framboise, une pointe d’agrume (orange) ainsi qu’une légère verdeur en arrière-plan.

Le démarrage est un peu lent, les premières bouffées timides. Une fois lancée, la fumée délivre d’agréables mais toujours timides arômes, gourmands, sur la framboise, la groseille, avec un côté légèrement piquant, sur un fond boisé.

Le tout est bien rond en bouche, mais les arômes sont retenus, et à chaque fumage je n’arrive pas à me défaire de cette impression. Force est de l’admettre, il ne se dégage pas grand-chose de ce tabac. Tout juste se fait-il plus piquant et rond au fil des bouffées, mais reste peu expressif et désespérément linéaire.

D’une linéarité désarmante, ce tabac atone devient clairement ennuyeux. Il ne se prête à aucune dégustation tant il manque de consistance et qu’il se révèle extrêmement faible en arômes.

Il y a là un fond légèrement boisé et cendreux, une petite note d’agrume, de la paille sèche et un piquant dominant en bouche et au nez qui donne un peu de caractère à l’ensemble.

Le final est totalement inintéressant et encore plus resserré aromatiquement que le reste de la pipe, ne délivrant qu’un vague arôme cendreux teinté de piquant, à la limite du désagréable.

Un tabac sans intérêt et lassant, à fumer dans une pipe au foyer de faible dimension en occupant son esprit à autre chose.

Points forts : combustion, aromatisation douce qui n’est pas désagréable au premier tiers, légèrement gourmand
Points faibles : linéaire, qualité des tabacs, inexpressifs, manque certain de caractère, de richesse aromatique et de complexité, cross-over blend non avoué et raté

03/20

Cette boite sent le chocolat légèrement sucré, le caramel et le thé vert (frais et végétal).

Les premières bouffées n’ont aucune saveur, si ce n’est que les virginies sont légèrement chocolatés et un peu piquants.

Après un moment, une fois la chaleur répartie équitablement, se dégagent des senteurs de noisette, quelques épices sans profondeur et une légère rondeur.

Une partie des feuilles a du caractère et une saveur nicotiénée. Aux épices et au chocolat (oui, le chocolat reste) s’ajoute un fond résineux. Comme pour se faire pardonner de sa linéarité, le mélange se renforce doucement, se montrant terreux et roboratif.

A la longue, le fumage stagne et le manque cruel de complexité le rend ennuyeux.

10/20

Ce qui est frappant dans nos dégustations, bien que nous ne ressentions pas les mêmes arômes (quoique nous sommes en accord sur le piquant ainsi que sur le boisé), c’est que nos conclusions se suivent et nous en arrivons à penser que ce mélange est tout à fait ennuyeux. Simon trouve l’aromatisation agréable (sur le chocolat) et persistante, alors que Charles, percevant plutôt des arômes de fruits rouges, lui reproche sa dissipation rapide.

633 - Virginia Flake with Périque de Solani

Solani 633

Composition : Virginies, Perique

Un nez classique, sur les fruits secs (abricot), avec un côté légèrement caramélisé.

Le mélange déploie une belle ossature boisée, franche et ne manquant pas de caractère, accompagnée de trop rares et timides notes de fruits secs, et d’un aigre-doux présent avec équilibre et apportant tout juste ce qu’il faut d’épicé.

Sur certaines pipes, le tout a parfois manqué d’ampleur aromatique au départ, malgré un velouté agréable en bouche, l’ensemble manquant de fantaisie et de complexité au démarrage.

Toutefois, sur la plupart des pipes, les épices s’expriment d’emblée avec plus de présence, ce qui renforce le caractère de ce tabac, qui au demeurant n’en manque pas.

Et soudain les épices prennent la main, le tabac s’éveille, et à l’aigre doux qui gagne en densité, en piquant, m’évoquant clairement le gingembre, viennent du poivre noir et une note d’agrume (écorce d’orange amère). Le mélange conserve son ossature boisée et s’affirme avec plus de complexité, tout en préservant l’équilibre global.

Les dégustations révèlent une certaine puissance, la tabac est rassasiant, d’autant plus que les riches épices peuvent finir par saturer les papilles dans les foyers trop volumineux, trop profonds. A ce titre, le tabac est linéaire, seul écueil notable, mais ravira les amateurs de tabacs épicés (aigre-doux sur le gingembre et poivre noir ne faiblissent pas) et roboratifs.

Je recommande de le fumer émietté dans des pipes à foyer petits à moyens, c’est ainsi qu’il m’a semblé le plus plaisant, à toute heure.

Points forts : caractère riche et marqué, roboratif
Points faibles : linéaire, combustion

14/20

Un flake qui sent le pain d’épices et le sucre d’orge.

Directement, ce mélange est expressif : il offre un doux équilibre entre la profondeur des épices complexes, fins et une onctuosité sucrée, épaisse, ronde.

Le poivre est très présent. Les fortes notes boisées et fraîches font de cet ensemble un virginie/perique de bonne qualité, mais fort peu complexe. En effet, bien que disposant de toutes les qualités attendues d’un tel mélange, ce Solani ne surprend en aucune façon.

Nous pouvons dire que la construction est bonne. Il se fait doux, épicé, très légèrement roboratif, épais et pourtant pourvu de la légèreté des arômes sylvains.

Le virginie est peu sucré en bouche et pas floral pour un sou.

13/20

Nos dégustations concordent sur le fait que ce mélange est très typé, dans la mesure où les épices sont fortement présents (avec un coté poivré marqué). Simon trouve le démarrage plus suave, le tout plus doux et moins roboratif que Charles. Ce mélange n’ayant aucune spécificité par rapport aux autres virginie-perique, et bien que la qualité des feuilles soit bonne, nous ne le recommandons pas aux fumeurs à la recherche d’originalité.

Kajun Kake de Cornell & Diehl

kajun kake

Composition : Cavendish, Perique, Virginie rouge

Cela sent l’écurie à plein nez ! Paille, crottin de cheval, cuir, terre humide.

Là encore, nous avons affaire à un tabac de caractère, qui commence par délivrer beaucoup de cuir et d’épices (poivre noir) avec du piquant, de la terre, un boisé sombre en arrière-plan. Une petite bombe d’arômes dès les premières bouffées.

Le tout est savoureux et rond en bouche, bien équilibré, avec l’apparition d’une note suave à mesure que le tabac gagne en amplitude, sur les fruits secs. A l’évidence, un tabac fort en arômes, évolutif et complexe sur le premier tiers.

Au début du deuxième tiers, le périque reprend la main et assaille le palais de roboratives notes poivrées. Le cuir et les fruits secs complètent la palette aromatique, avec de sombres notes terreuses en fond.

Voici un tabac aux notes très riches que je conseille de fumer après déjeuner ou diner tant ses arômes sont forts, proches d’un cigare.

A partir du milieu de la pipe, quoique ceci soit variable en fonction de la taille du fourneau de celle-ci, les arômes tendent à se rétrécir vers moins de complexité, plus de linéarité, sur le poivre noir, dominant, adjoint d’un boisé sombre et de châtaigne grillée, amère.

Le final est linéaire et pleinement roboratif. Attention au pic de nicotine pour les palais les plus sensibles. Si vous aimez les tabacs épicés et ne manquant pas de caractère, goutez-le !

Points forts : richesse des arômes, roboratif, évolution et complexité de la première moitié de la pipe
Points faibles : saturation du palais en cas de fourneau trop grand, linéarité de la seconde moitié de la pipe, dernier tiers trop débridé en nicotine

14/20

Les effluves de boisé, de miel, de fruits secs et du fameux ketchup (tomate, caramel) de la maison font un nez agréable.

A noter que je conseille, après émiettage, de bien tasser ce Krumble Kake (que j’aime appeler « faux Plug ») dont l’allumage est rapide.

La fumée est aussi sombre que les feuilles, avec un départ sur un sous-bois épais et des épices. La combustion est très rapide, les bouffées sont positivement lourdes et rondes.

Ce boisé vient à se mêler à de la terre, saveur robuste mais nullement vulgaire, ni trop roborative. Cette chimie me rappelle la complexité d’un bon cigare cubain. Le mélange virginie/cavendish est bien équilibré, miellé, mais le périque reste en retrait, fort agréable. Je crois percevoir, derrière le poivre noir, un bon goût de fruits rouges et de baies sauvages.

Dans l’évolution, rien ne se perd : toutes les saveurs s’accumulent, formant un tout agréablement complexe.

Seul reproche, le virginie, en dépit de sa bonne qualité, n’est pas de premier choix.

14/20

Il est amusant de constater, et nous sommes en accord total sur ce point, que ce mélange se rapproche d’un cigare, tant au niveau gustatif qu’en ce qui concerne la richesse, la profondeur et la puissance des arômes. Quand Charles reproche une diminution de la complexité des arômes, ainsi que leur linéarité en fin de fumage, Simon vantera au contraire une ascension de richesse et de complexité au final. Nous conseillons donc ce tabac original et réussi.