Un pipe show en France : une utopie ?

par Guillaume

17/08/09

A Rheinbach, Achim Frank - et non pas Franklin, comme l'écrivent certains - nous avait parlé de l'éventualité d'un Pipe-Show en France. Il se faisait fort, nous disait-il, d'amener beaucoup de pipes, et quelques pipiers. Son enthousiasme est certain, l'idée est tentante, certes, mais est-elle réalisable ?

Certains d'entre nous se souviennent de la tentative ratée du Mondial de la Pipe, qui avait connu un échec, certes pas retentissant, puisque soigneusement caché. Certains avaient même argué qu'on ne pouvait connaître le nombre des visiteurs, par la faute des maisons sanclaudiennes, adeptes du secret. Il faut préciser qu'elles n'y étaient pour rien, un organisateur de manifestation est libre de donner ses chiffres. Mais les chiffres étaient mauvais. Pourquoi ?

Tout d'abord, il faut noter une méconnaissance des artisans pipiers, et des tarifs habituellement proposés pour avoir sa table dans un pipe-show. Et puis cette manifestation s'adressait surtout aux grandes maisons sanclaudiennes, et aux marques qu'elles distribuent en France. Ensuite, il n'y avait eu aucune publicité donnée à cette manifestation, pourtant hébergée dans les locaux d'une mairie.

Les écueils étaient donc :

-erreur de cible, pourquoi les fumeurs se seraient-ils déplacés pour voir les pipes qu'ils connaissent déjà ?
-erreur de prix
-l'absence de réclame
-un côté brouillon, certains pipiers apprenant, à leur grande surprise, qu'ils participaient à cette manifestation, alors qu'il n'en était rien.

Le plus regrettable dans tout cela, c'est qu'il me semble que ces erreurs étaient facilement corrigeables. Il y aurait donc pu y avoir une seconde édition, si les participants de la première n'avaient pas été échaudés.

Comparons, si vous le voulez bien, cet échec avec le pipe-show de Rheinbach, que les lecteurs connaissent un peu. Même d'ailleurs si ces deux manifestations n'ont rien de comparable, quand on y pense.

Le dernier pipe-show de Rheinbach a récolté des avis mitigés semble-t-il. Certains pensent que c'était raté, alors que Martin Reck nous disait, à la fin de la première journée, être très satisfait. Bien sur, Martin n'est pas la seule personne concernée.

Les réactions au compte-rendu étaient intéressantes :

Certains disent ne pas être intéressés pour se déplacer aussi loin pour voir des pipes qu'ils peuvent voir sur le net. Est-ce parce que certains pipiers s'étaient contentés, ou avaient du, par la force des choses, pour des raisons de délai, ne présenter que des pipes déjà visibles sur les sites ?

Les fumeurs qui affirment haut et fort que le net n'est pas pour eux, que rien ne vaut le plaisir de tenir une pipe entre ses mains avant de l'acheter... n'étaient pas venus.

Les personnes intéressées au départ ont été découragées par le manque de clarté : qui allait venir ? Que verrait-on ? Ce qui, les autres années, était précisé clairement, semblait là d'un flou absolu.

Si, sur le forum FdP, Gilles n'était pas parti à la chasse aux informations, en demandant directement aux pipiers s'ils seraient présents ou non, nous aurions eu du mal à en savoir plus. Ces informations ont d'ailleurs été reprises ailleurs, sous forme de "scoop", sans bien sûr citer les sources. C'est donc qu'il y avait une réelle demande d'informations sur le sujet, et que ces informations sont venues trop tard.

Les premières fois, les noms des participants étaient clairement affichés, au fur et à mesure.

Je dois penser aussi à mon côté "groupie", il faut croire. Voir, rencontrer, discuter, même laborieusement avec les artisans pipiers présents me semble valoir le déplacement. Mais ça n'est pas le cas de tout le monde. Il faut en tenir compte.

Il y a aussi la méfiance que peuvent avoir des pipiers accueillis ailleurs à bras ouverts envers le public français. Certes des choses ont changé. Mais l'étonnement de Trever Talbert racontant la visite d'un fumeur dans son magasin, à Herbignac, et celui-ci voulant acheter une pipe, prêt à mettre 30 euros... ce qui équivalait à la somme demandée par Trever pour un tuyau, n'est pas si loin.

Il y a peut-être aussi une petite méconnaissance du travail de certains artisans, voire même de certaines sociétés. Le gérant d'un magasin de pipes m'assurait récemment que pour avoir une belle Stanwell, il fallait y mettre 600 euros au moins.

On a donc affaire à un souci de public : le public français découvre depuis quelques années le travail d'artisans de talent, mais il ne faut pas se le cacher, il s'agit là d'un public extrêmement réduit. Achim Frank qui semblait penser que les plus de mille inscrits au groupe FdP feraient le déplacement est optimiste : il y a d'ailleurs pas mal de forums allemands, certainement plus d'inscrits que sur les forums français, on ne les a pas vu à Rheinbach.

La petite vidéo faite pour l'occasion a eu un peu plus de 250 visites en 6 jours. Avis donnés sur le forum ? Une trentaine ?

C'est que le participant à un forum, s'il arrive plein de fraîcheur, prêt à "échanger, discuter, parler, etc. ..." prend vite certaines habitudes. Il y a déjà des participants. Pourquoi dès lors participerait-il ? Il lit donc avec plus ou moins de plaisir et d'intérêt les échanges sur le groupe. Il lit avec le même intérêt et le même plaisir les articles proposés par d'autres membres du forum, mais ne donne pas son avis sur la question, encore moins propose-t-il ses services. Un des reproches que l'on entend parfois est "il est impossible de participer'. Il est vrai que l'on a pris cette mauvaise habitude de demander des explications, quand certaines déclarations nous semblent abruptes. C'est un peu ce qui doit faire évoluer les choses. Depuis peu, à la demande d'Erwin Van Hove, on trouve une Chronique des Fumeurs de Pipe. Voilà qui devrait contenter ceux qui se plaignent du fait que l'on ne peut s'exprimer, penserez-vous. Hors, cette rubrique a accueilli... 5 auteurs !

Qu'on ne pense pas que je noircisse le tableau, j'essaie d'être le plus pessimiste possible.

Il est à noter que si, alors qu'est présentée une pipe "design", il peut y avoir une trentaine de messages pour discuter du nom de cette pipe, la présentation d'une pipe artisanale peut se solder par un manque de réponses accablant. C'est que le pipier fait de belles pipes, et que pour paraphraser Voltaire, il fait de belles pipes, rien que des belles pipes, toujours des belles pipes...

Eh bien, il en est de même pour les manifestations pipières : on s'habitue à tout. Pourquoi faire le déplacement, alors que je pourrai me procurer des pipes de ces mêmes artisans sans me déplacer ? Pourquoi y aller, quand je suis à peu près sur d'avoir un résumé et quelques images ?

Car bien sur, il y a le déplacement. Ca compte. Mais je ne peux m'empêcher de penser que même si une manifestation se déroulait à Paris, ça serait encore trop loin. Et trop cher. Et puis bon... J'irai l'année prochaine... Et si ça n'est pas trop loin... c'est pas le bon jour...

C'est que la date d'un pipe-show doit, me semble-t-il, être étudiée avec autant de précautions que la sortie d'un film... Il faut penser aux autres pipe-show, au fait que les pipiers qui voudraient présenter quelque chose de neuf doivent avoir le temps de le faire. Il faut penser que cela doit se passer à une époque où les gens sont disponibles, ont de l'argent, et qu'il ne fasse pas assez beau pour qu'il soient partis à la campagne. En France, un 15 septembre, jour du dernier tiers, est à éviter absolument, de même qu'un 8 mai.

Reste deux questions, qu'il ne faut pas éviter : où ? et comment en parler ?

Où ? Car en France, nous marchons un peu sur la tête, c'est bien connu. Il est bien sur possible de réserver des salles en s'arrangeant pour qu'elles soient "fumeurs". Mais dans un pays où une revue consacrée au cigare se voit intenter un procès parce qu'un acteur connu déclare, en première de couverture : j'aime bien fumer un cigare, on se méfie. C'est que par dessus tout nos édiles ne veulent pas avoir l'air de ne pas s'inquiéter de notre santé. Quitte à trouver des excuses les plus bidons possibles, mais aussi pour éviter d'avoir sur les bras une association payée par nos deniers. A revoir pour l'occasion, Michel Serrault dans la Gueule de l'Autre, film de Pierre Tchernia tiré d'une pièce de Jean Poiret, expliquant comment on doit dire : Moi... j'aime le Peuple... Nos politiques nous aiment, ils nous protègent, malgré nous. Pas du chômage, pas des crises, mais ils s'occupent de notre santé. Ils le disent haut et fort, et le prouvent. Il faut donc trouver une salle prête à recevoir ce genre de manifestation, pour un coût minime, et si possible fumeur. Quadrature du Cercle. Salon de l'Erotisme ? Ok. Vous pouvez proposer des fouets, des sex-toys, de la vulgarité, la vidéo de "Change de trou ça fume" pas de soucis - du moment qu'il y a un rayon préservatifs... Salon des artisans pipiers ? Ohlala.... Ce serait pas des gens qui fument ???

Pour les lecteurs vivants à l'étranger qui ne comprendraient pas mes propos, qu'il se branchent donc sur le résumé journalier d'une émission de télé-réalité. Nous avons droit à des dialogues avec un maximum de cinquante mots de vocabulaire, la bêtise est là bien présente, les décolletés aussi, mais rassurons-nous : il y en a qui fument, mais leur cigarette est floutée ! Leurs popotins non, leurs dialogues non, mais ouf, on ne voit pas la cigarette... Drôle d'idée d'ailleurs, on ne voit plus que ça...

Comment en parler ? Bien sur, il y a les forums, les sites... mais bon, ça n'assure sans doute pas une fréquentation intéressante. Etonnant, me direz-vous, mais j'en ai parlé plus haut. Je me souviens que le jour même du Mondial de la Pipe, de passage à la Civette du Palais-Royal, je m'étais avisé qu'il n'y avait même pas une affichette chez eux. Un Mondial qui se veut incognito, bizarre...

Il y a aussi une désaffection certaine de la part des médias pour la pipe. Un hebdomadaire veut bien passer trois ou quatre pages sur le cigare, c'est chic. La pipe, c'est pas chic. Pas in. Pas dans le coup, voyons. Allez donc leur expliquer que certains amateurs se plaignent de ne pouvoir jamais être assez rapide pour acheter les dernières pipes d'untel... Ah, si Zino Davidoff avait fumé la pipe... !

Une visite sur un champ de mines peut donc ressembler à des vacances, à côté de l'idée même d'organiser un pipe-show en France. Certains ont d'ailleurs déjà donné un avis négatif sur la question. Et compte-tenu de ce que j'écris plus haut, je ne suis pas loin de penser qu'ils ont entièrement raison. C'est d'ailleurs ce qui rend l'idée si tentante....