Cuxhaven 2004

le compte-rendu d'Alain Letulier et d'Erwin Van Hove

Il s'agissait de la deuxième édition de ce show, mais en fait, celui de l'année dernière s'était déroulé dans le jardin de Rolf Osterndorff et avait donc été plutôt anecdotique. Cette année, il se situait dans la Kurparkhalle, vaste salle où pouvait se tenir une belle exposition avec de nombreux participants et implantée dans un très beau parc.

C'était donc bien le premier pipe show européen, organisé à l'image de celui de Chicago, mais avec une dimension bien inférieure pour un début. La question était : les vedettes vont-elles se déplacer ? Hé bien, nous n'avons pas été déçus. La proximité du Danemark, terre où fleurissent les tout meilleurs artisans pipiers (plus d'une trentaine), était un élément favorable bien sûr, mais outre les Allemands, des Italiens, Portugais, Suisses et des pipiers de l’Europe de l’Est, quelques Américains et même un Néo-zélandais, n'ont pas hésité à faire le voyage.

Erwin a cité les vedettes, une dizaine, mais au total il devait y avoir une cinquantaine de pipiers présents ou représentés. Des artisans, oui, mais pas les grandes marques d'industriels. Que ce soient les Français, BC ou Chacom (qui n'avait qu'une toute petite représentation indigne de lui), ou Savinelli, Brebbia, Stanwell, ils brillaient par leur absence. Ils avaient dû laisser la responsabilité à leurs distributeurs allemands qui n'avaient trouvé aucun intérêt à cette manifestation. Nous étions donc entre artisans, spécialistes de la "haute couture" de la pipe. Nous espérons néanmoins qu'ils se feront informer de ce qui était exposé et des tendances nouvelles. Le public était-il majoritairement allemand et cela expliquerait-il la constatation que nous avons faite ? Ou bien le goût des fumeurs de pipe est-il en train d'évoluer ? Mais les pipiers traditionnels italiens (Viprati, Don Carlos, Cavicchi, Castello, Tom Spanu et Radice entre autres) n'attiraient pas malgré la beauté de leurs pièces. En revanche, lorsque Heiko Jahr et Per Billhäll apportèrent les dernières œuvres de Cornelius Mänz, ce fut la ruée.

Le vendredi et le samedi soir, l'organisateur avait invité tout le monde à une soirée chez lui. Nous n'y sommes pas allés, mais il paraît que nous avons eu tort, car ce fut une fête mémorable, terminée pour certains à 6 heures du matin ! L'année prochaine, nous prendrons nos dispositions en conséquence…

Il nous faut insister sur une particularité surprenante pour un habitué du microcosme sanclaudien : tous ces pipiers, en principe concurrents, allaient de stand en stand, discuter avec leurs collègues et s'échanger des trucs, astuces et tours de mains. Dans le même esprit, Bo Nordh, sommité de la pipe s'il en est, fit le tour de l'exposition dans son fauteuil, pour discuter avec chacun et commenter simplement les œuvres présentées. De l'avis général, il est rare qu'il se déplace ainsi.

Mais laissons donc la parole à Erwin, interviewé au retour, pour essayer de retirer la leçon de ce show.

AL : Erwin, qu'es-tu venu chercher à Cuxhaven ?

Erwin : Avant tout, des rencontres avec des gens que j'ai connus sur le web, et bien évidemment, voir des pipes.

AL : Et en ce qui concerne les estate pipes, tu souhaitais faire des échanges ?

Erwin : Oui, mais à ce niveau, ça a été une déception. Par contre, pour acheter, j'ai dû me retenir.

AL : Alors, au sujet de celles pour lesquelles tu as dû te retenir, est-ce que tu as trouvé une évolution dans les formes ?

Erwin : Non, il n'y a pas eu de surprise pour moi, mais peut-être parce que je suis régulièrement les évolutions sur le web. C'était plutôt une confirmation de ce que j'avais vu.

AL : Il faudrait alors faire une étude détaillée de l'évolution de ces 5 dernières années que tu as pu constater.

Erwin : En fait, on voit une évolution dans le nombre de pipiers, plus que dans l'esthétique des pipes. Presque chaque mois, on voit surgir un nouveau pipier artisanal.

AL : Quelles sont les personnes que tu as été heureux de rencontrer ?

Erwin : Ceux que j'ai été vraiment content de voir, c'était Martin Farrent, Rolando Negoita, Cornelius Mänz, Lee Von Erck et Tarek Manadily avec lequel j'ai eu les entretiens les plus intéressants. Celui-ci est, à mon avis, un des tout grands connaisseurs au monde, tant pour les pipes que pour le tabac.

AL : Ces shows semblent être le rassemblement d'un petit nombre de passionnés. Pour toi, quel est l'intérêt potentiel de ces manifestations pour le fumeur de pipe classique, moyen.

Erwin : Je crois que tu exagères lorsque tu dis qu'il n'y a que des collectionneurs, des passionnés. C'est vrai que c'est la majorité. Mais pour te donner une idée, j'ai vu quelques Belges, jeunes, qui ont autour de 5 pipes, dont les plus chères sont des Stanwell. Je crois que tous les gens qui s'intéressent aux pipes, même ceux qui ne peuvent pas se permettre d'acheter des pipes à 1 000 $, constituent le public potentiel, dans 5 ans, 10 ans, une fois qu'ils auront plus d'argent. Outre les vrais collectionneurs, le show a également attiré des gens qui venaient tout simplement pour rencontrer d’autres fumeurs de pipe.

AL : Quel est l'intérêt de ces shows pour les pipiers industriels ?

Erwin : A mon avis, il n'y a pas grand intérêt pour eux à être présents, parce que d'une part il y a les vrais collectionneurs qui ne s'intéressent qu'aux pipes d'élite, et d'autre part les autres viennent rêver et être confrontés à ce qui se fait de mieux au monde. Je ne crois pas qu'ils viennent là pour s'acheter une Stanwell ou une Peterson. En revanche, je crois qu'il est important pour les pipiers d'être là pour voir ce que font les autres. D'ailleurs, les plus légendaires des pipiers n'hésitent pas à aller voir ce que font des artisans qui ne sont pas encore dans "la compétition". Pour ceux-là, d'ailleurs, il est important de discuter et demander des conseils à ceux qui ont plus d'expérience, qui travaillent avec un degré de perfection supérieure.

AL : Est-ce que tu reviendras ?

Erwin : Oui, bien sûr.

AL : Est-ce que tu as regretté quelque chose à part l'absence d'échanges d'estate ?

Erwin : A part ça, non.