André Santini

une interview de Philippe Abiteboul

Après le pianiste de jazz Jack Diéval (Pipe Mag N°124) et le dessinateur Jacques Faizant (N°125) la Confrérie des Maîtres Pipiers et Pipe Mag poursuivent leurs rencontres en " prise directe" avec les plus célèbres ambassadeurs de la pipe, tous connus pour leur carrière et leur dévouement au service de notre passion commune. Tous se racontent au travers des parcours croisés de leur métier, du tabac et de leur intense complicité avec le bois et l'écume de leurs souvenirs.

Ces "interviews radioscopies" préparées par notre confrère et journaliste, Philippe Abiteboul, ont été enregistrées en vidéo et sont déposées au musée de la pipe à Saint Claude. Ce patrimoine à l'usage de toutes les générations témoignera, au présent et au futur, de la mémoire de la Confrérie.

Christine Grenard

Interview à la Mairie d’Issy les Moulineaux
30 décembre 2003

Philippe Abiteboul : André Santini, bonjour. Monsieur le député-maire, vous êtes l’un des plus fidèles défenseurs des fumeurs de cigares et des fumeurs de pipe. Vous avez accueilli en 2001, à Issy-les-Moulineaux, le championnat de fumeurs de pipe.

André Santini : Ce qui m’a impressionné d’ailleurs. Réussir à tenir plus de trois heures avec deux grammes… J’ai été fumeur de pipe avant, il y a longtemps.

Ph.A. : Donc vous imaginez ce que cela représente comme performance. Vous êtes également l’un des chefs de file de la défense des buralistes et vous étiez, il y a quelques semaines, encore, il y a quelques jours, à la tête de la manifestation nationale à Paris. Alors, le tabac, André Santini, c’est un plaisir, une culture, c’est un mode de communication et aussi hélas d’après vous, l’une des plus belles inventions fiscales ?

A.S. : C’est pire que ça. Avec les dernières mesures, on a largement dépassé la logique pétrolière. On doit avoir pour le pétrole 80 à 85 % de taxes pour l’Etat et pour d’autres collectivités mais pour le tabac, ça y est, on a atteint les mêmes eaux. Et aujourd’hui, quand les gens envoient des lettres d’engueulade, ils confondent le prix de l’eau avec la facture d’eau. Aujourd’hui, on ne livre plus de l’eau, cela ne représente plus que 40 %, on livre des taxes. On ne livre pas d’essence, on livre des taxes. On ne livre pas du tabac, on livre des taxes. Est-ce que vous vous rendez compte que dans ce pays, là où il y a plaisir, comme le tabac ou l’essence ou lorsqu’il y a nécessité comme l’eau, et bien, aujourd’hui, c’est l’état qui s’est installé. On devrait réfléchir un peu plus.

Ph.A. : En taxant et en surtaxant le tabac, le gouvernement qui touche le subside, ne risque-t-il pas de tuer la poule aux œufs d’or au nom d’une politique draconienne de santé ?

A.S. : Mais bien sûr. On prétend que c’est le prix qui est le seul élément dissuasif. Alors depuis quelques temps, vous avez du noter, ça y est c’est formidable, tout le monde se précipite pour acheter des patchs, on va chez les tabacologues, une espèce qui vient d’apparaître, n’est-ce-pas, pour suivre des traitements. Tant mieux si ça dure. Mais est-ce qu’il était nécessaire de tuer les buralistes pour tuer le tabac ? Voilà la question que j’ai posée. Ce réseau de convivialité, de proximité… 33 000 établissements répartis dans toute la France, au moment où on va fermer des bureaux de poste, on attaque également les buralistes. Ca me semble ahurissant.

Ph.A. : Est-ce qu’à moyen terme la France risque, André Santini, d’être partagée entre deux camps hostiles : les fumeurs et les autres. Deux camps inconciliables ?

A.S. : On sent une américanisation des mœurs. Je rentre des Etats-Unis. C’est affolant. Les fumeurs sont dehors, dans le vent, agressés. Même dans les rues de San Francisco, un abruti sudoripare en short vient vous dire « vous n’avez pas à fumer dans la rue ». C’est ahurissant ce racisme basique, cette arrogance des médiocres. C’est très fatigant. Eh bien en France, nous y arrivons. Sur la commune, je vois un grand pharmacien Johnson et Johnson qui se déclare sans tabac, ça ne me choque pas. Coca-Cola qui veut l’image du sport, ça ne me choque pas. Pour d’autres, je me pose des questions.

Ph.A. : Pour réconcilier les uns avec les autres, est-ce qu’il ne faudrait pas apprendre à mieux fumer ? Comme ce fut le cas dans les années 70, avec l’alcool et le vin. Aujourd’hui, les Français ont appris à consommer avec modération et surtout à consommer des vins de meilleure qualité. Est-ce qu’il peut en être de même avec le tabac ?

A.S. : C’est le slogan du club parlementaire des amateurs de Havane. Voyons, nous défendons cette pratique culturelle. Pour moi, un cigare c’est culturel, c’est la résultante d’une civilisation. Moi, je veux bien qu’on boive moins mais enfin, il y a toujours des problèmes avec les gens qui boivent en état d’ivresse où là, il y a un consensus absolu. C’est absolument scandaleux. Le risque du tabac n’est pas le même. Même si on fume dans une voiture, de moins en moins d’ailleurs, on pollue quatre à cinq personnes, on ne va pas au-delà. On ne met pas en danger avec les rumeurs de tabagisme passif, on ne met pas en danger la vie des proches. Je pense qu’il y a moyen de fumer beaucoup mieux.

Ph.A. : Est-ce qu’il faut mettre dans le même sac, comme le font les pouvoirs publics, le fumeur invétéré qui descend ses deux paquets de cigarettes par jour et la dame ou l’homme qui, après son café, un bon repas, va griller comme on dit, une cigarette ou allumer un bon cigare ou sa pipe pour le plaisir.

A.S. : Quand je défends le tabac ou les buralistes, je ne trie pas, mais c’est vrai que fumer trois paquets de cigarettes par jour, ça n’a rien à voir avec un cigare ou deux même si on nous reproche le budget que cela représente. Car cela a été la nouvelle mode utilisée par les lobbies anti tabac contre moi. J’ai répondu d’ailleurs que je préférais consacrer mon budget à acheter des cigares quitte à me vêtir avec des vêtements merveilleux achetés en solde chez un petit fournisseur de Paris et que quand mes collègues allaient chez les putes, j’ignorais si on leur faisait une réduction. Mais ça, on ne leur demande pas quel est le budget, à commencer par le journaliste qui me posait la question. Moi, je ne distingue pas. Car je ne voudrais pas avoir l’air de faire les gens d’en haut et les gens d’en bas. Mais, c’est vrai qu’il y a des gens qui fument qui sont des clopeurs. Je me demande quel goût ils trouvent. Là, ils ont atteint le stade de l’accro, de l’accoutumance. Alors que quand vous fumez la pipe ou le cigare, nous n’inhalez pas la fumée donc le risque d’accoutumance est moindre.

Ph.A. : Alors justement, la nocivité de la cigarette, tout le monde connaît. Le cigare ou la pipe méritait-il d’être brûlé et sacrifié sur le même autel que la cigarette ?

A.S. : Encore une fois, je suis très gêné. Cette fois en tant que représentant du peuple, de plaider un statut différent. Après tout, la guillotine quand elle tombe, elle ignore quel était le crime à l’origine. Moi, j’accepte mes responsabilités. Il y a des moments même, où je me demande si on ne pourrait pas demander aux fumeurs, comme aux alpinistes, aux skieurs nautiques, de prendre une assurance spéciale, pourquoi pas ? Puisqu’on nous reproche de creuser le trou de la Sécurité sociale.

Ph.A. : Vous allez donner de mauvaises idées aux pouvoirs publics.

A.S. : Mais je ne sais pas ! Ca nous emmerderait moins. J’en ai assez de recevoir des mails misérables, des appels téléphoniques de gens qui me donnent des leçons. Je n’ai pas à recevoir de leçons. Je suis un homme public, c’est-à-dire que je m’assume complètement. Je suis atteint d’une insuffisance capillaire, d’une surcharge pondérale, je m’assume. Par contre, je ne fais pas de thalassothérapie à outrance ou je ne me fais pas liposucer. C’est pareil pour le fait de fumer, j’assume ce que je suis. Donc, j’en ai marre de recevoir des lettres du genre qui ne me raconte pas le tiers de leur vie, mais qui me donne des leçons. Je ne sais pas si on pourra distinguer les deux. A un moment, on avait sauvé les cigares parce qu’il y avait une fabrique de cigares en France, la dernière d’ailleurs, qui a été menacée par les hausses. Je pense que la première mesure à faire, ce serait le dialogue.

Ph.A. : Sur quelles bases ?

A.S. : Mais que chacun s’explique. L’autre jour, j’ai fait une émission Mots Croisés avec Arlette Chabot. J’avais en face de moi, quatre anti tabac. C’était des médecins, tous des fumeurs repentis. C’était passionnant. Pourquoi avaient ils fumé ? Pourquoi s’étaient ils arrêtés ? Mais il fallait voir le ton des Ayatollahs. Chaque tête qui dépassait, hop !

Ph.A. : Les anciens fumeurs sont les pires adversaires des fumeurs ?

A.S. : Bien sûr ! C’est comme les anciens UDF.

Ph.A. : La pipe est symbole de sagesse et de réflexion, le cigare c’est celui de la fête et de l’art de vivre. Comment peut-on aujourd’hui défendre ces valeurs hédonistes ?

A.S. : Mais vous posez le vrai problème ! C’est qu’aujourd’hui, on ne veut plus de ces valeurs hédonistes. Aujourd’hui, la morosité est un signe d’intelligence, c’est le retour aux valeurs traditionnelles. J’ai l’habitude de dire : aujourd’hui on empêche les gens de boire, de fumer, de baiser, de manger. On les limite sur la route de plus en plus. Bientôt, ils ne pourront plus que péter. Et avec ce que je vois aujourd’hui sur les flatulences des bovins en Nouvelle Zélande, sur la couche d’ozone, je me pose des questions. Mais quel univers ! Moi, je suis pour un univers de responsabilité. Un univers où on se marre !

Ph.A. : Vous êtes rabelaisien, André Santini ?

A.S. : Pas rabelaisien, c’est un peu gros. Un peu trop, comme disent les gosses. Mais qu’on introduise un peu de vie, d’humanisme, de sourire.

Ph.A. : Il y a aussi l’effet pervers des vagues d’augmentations successives des taxes sur le tabac, l’effet boomerang sur l’économie et l’emploi, la situation précaire des producteurs de tabac. Il y au aussi les buralistes qui ont donné de la voix. Vous étiez d’ailleurs à leurs côtés lors de la manifestation nationale à Paris, il y a quelques jours. Ces mêmes buralistes pourraient se faire entendre lors des prochaines échéances électorales et les politiques pourraient modérément apprécier. Vous y croyez vous, à ce poids électoral ?

A.S. : Il y a certainement un poids électoral. 33.000 buralistes qui reçoivent 11 millions de clients par jour. Il n’y a pas pire ou il n’y a pas mieux. Moi, je les défends parce qu’ils représentent un univers de convivialité. Dans les villages, on commence par fermer l’école, on ferme la Poste, et après c’est le tabac qui disparaît. Le tabac, au contraire, peut être un lieu de vie. C’est un lieu qui peut assurer la poste, le distributeur automatique de billets. Il peut rendre plein de services. En tout cas, le jour où il ferme, il n’y a plus de village, c’est très clair. Il y a même des villages où on subventionne. Nous, avec ce bon réseau qui a assuré le passage à l’euro. Les héros de l’euro, c’étaient les buralistes. Pourquoi n’est-on pas passé par les banques ? On est passé par les buralistes pour distribuer les sachets d’euros. Comme par hasard ! Et quelques temps après, on les jette ! Allez, dehors ! On va tous vous ruiner avec les frontaliers. Je pense qu’on est en train de créer un univers extrêmement désagréable, oppressif, morose et politiquement, les buralistes dans certains endroits, vont être capables de s’organiser et ça rappelle un peu les chasseurs. Ils ont sucré leur groupe.

Ph. A. : Vous serez le Saint-Josse de la pipe et du cigare ? (NDLR : André Saint-Josse Président du Mouvement Chasse-Pêche-Nature & Tradition)

A.S. : Non, mais candidat en régionales, je n’oublierai pas les buralistes. En toute sincérité, mon père était bistrot. C’est vraiment un milieu que j’ai connu. Il n’a jamais réussi. C’était très dur après la guerre, ça c’est un peu relâché. Mais il faut des conditions très strictes pour obtenir une licence. J’ai vécu cette vie, comme une bonne part des buralistes. Cette vie où on se lève à 6 heures du matin, on se couche à minuit. On a les gosses à élever, la femme qui travaille bénévolement sans protection sociale. Et ceux qui les oppriment le plus, ce sont les 35 heures, ceux qui ont un statut extraordinaire, qui sont protégés, et qui donnent des leçons de morale !

Ph.A. : Vous pensez qu’un jour, ces gens-là feront la révolution ?

A.S. : Pas la révolution mais…

Ph.A. : La révolution par les urnes.

A.S. : Aujourd’hui, ce qui est inquiétant, c’est le vote extrême. Extrême droite, extrême gauche et l’abstention. On va de plus en plus vers l’abstention. Je suis inquiet de cette disparition de l’esprit civique.

Ph.A. : Pour l’avenir, comment conserver aux amateurs de pipe et de cigare, des espaces de liberté ? Est-ce qu’il faut revenir aux fumoirs du 19ème siècle, avec des lieux où l’on peut se rassembler et se sacrifier au culte du tabac ? On va finir par se réfugier dans des sectes, non ?

A.S. : Oui, mais quand vous parcourez certains aérodromes du moment, vous avez des petites cases vitrées où vous fumez comme dans un aquarium. Je citerai Singapour. J’ai été très choqué. Alors là, les ayatollahs sont à la manœuvre ! Je pense qu’on doit pouvoir trouver des formules acceptables. Moi-même avec le cigare, je sais bien que dans un restaurant, quand j’allume un cigare je choque. Je vais dans les restaurants où on prend le cigare. Je me mets dans un coin où je ne gênerai pas trop, car le cigare c’est pire que la cigarette. Puis j’allume le cigare vers 14 heures, 14 heures 30… quand quelqu’un arrive dans un restaurant et qu’il commande un hors d’œuvre à 14 heures 30, je ne sais pas si c’est moi qui viole les règles du savoir-vivre ou cette charmante personne ? Pour une entrée, c’est un peu tard…

Ph. A. : Vous faites toujours attention à votre environnement avant d’allumer un cigare ?

A.S. : Evidemment. Quand vous vous assumez, vous avez beaucoup moins de problèmes. Les gens vous disent : mais bien sûr, je pensais que vous alliez le faire mais en plus, vous me le demandez… Merci Monsieur. Bien sûr, fumer un cigare au milieu de gens qui ne fument pas, c’est quand même très dur.

Ph. A. : Comment les fumeurs de pipe dont vous êtes, puisque vous faites partie de la Confrérie de Saint-Claude, et comment les fumeurs de cigare peuvent-ils unir leurs efforts, agir dans le même sens et devenir des opposants aux oppresseurs de liberté ?

A.S. : Les fumeurs de pipe nous apparaissent un peu comme des aristos… c’est un peu l’élite des fumeurs. Moi, j’ai été fumeur de pipe et j’ai toujours une dizaine de pipes de la grande époque, en bruyère… Je retrouve la même sensation culturelle.

Ph. A. : De culte aussi, parce que c’est culturel et cultuel.

A.S. : Bien sûr. Mais le problème pour la pipe, c’est le transport ; entre le tabac, le cure-pipe, ça fait beaucoup de monde dans les poches. Les cigares, on peut en transporter un ou deux. On a de plus en plus d’étuis encore que, ils sont de plus en plus armaturés, donc un peu encombrants. Je ne sais pas comment convaincre les gens de l’aspect culturel mais c’est vraiment, très sincèrement, l’angle d’attaque. Il faut expliquer aux gens que fumer un cigare – d’abord, on en fume peu – c’est quelque chose, une résultante. Un philosophe disait « c’est une histoire d’amour et on sait qu’elle va se terminer ». C’est très joli. Elle va se consumer mais on sait que ça va durer une demi-heure, trois-quarts d’heure, même une heure et demi. Pour un corona, c’est beau quand on sait qu’une histoire d’amour va se terminer.

Ph. A. : Et il y a une progression car on sait qu’un cigare n’a pas la même saveur au début et à la fin.

A.S. : Oui. J’ai eu une étude intéressante d’un professeur que je remercie beaucoup qui m’a expliqué que le fait d’augmenter le prix du tabac, contrairement à ce qu’on disait, a déjà été expérimenté en Angleterre. Et comme la cigarette coûtait cher, les gens fumaient jusqu’au bout. C’est-à-dire à l’endroit qu’on appelle, nous, dans un cigare, les trois parties : le foin, le divin, le purin. Eh bien, il y a des gens qui fument que du purin maintenant. C’est-à-dire le maximum de goudron et de nicotine rassemblés, dans la fin du cigare. Alors, quand on dit « augmentons le prix des cigarettes, du tabac en général, on aura moins de fumeurs, c’est certain. Ils seront morts avant de payer.

Ph. A. : Il y a aussi des chiffres qui ne trompent pas. Chez les buralistes, les commandes sont en chute libre, moins 40 % en moyenne en novembre 2003, par rapport à la même période l’an dernier. C’est la fièvre des hausses de taxes qui a eu raison des fumeurs.

A.S. : Ah oui, certainement. C’est en tout cas un effet passager. Alors le gouvernement l’a senti puisque après avoir dit, c’est l’augmentation du prix qui va dissuader les gens de fumer, il a compris qu’en janvier, il fallait étaler un peu et il s’est tourné vers les fabricants de cigarettes. J’ai entendu avec amusement, qu’on allait vendre des paquets de 19 cigarettes. Ca me rappelle un peu la logique des 35 heures. Si en créant un système à 35 heures, on a moins de chômeurs, avec un système à 0 heure, il n’y aura plus un chômeur du tout. Je pense qu’il faut aller jusqu’au bout. Et il faut aller au paquet de zéro cigarette. Vous-vous rendez compte, les gens viendraient et achèteraient pour 8 ou 10 euros, un paquet vide ! C’est pas génial ? Il y a quelqu’un en Forêt noire qui vendait des canettes d’air. On achetait la canette, on se la mettait là (sous les narines) et ça sentait bon. Alors là, je crois que dans le Guinness de l’arnaque, nous allons avoir un gouvernement merveilleux !

Ph. A. : C’est une nouvelle mouture des habits neufs de l’Empereur que vous nous racontez, là ?

A.S. : Oui, c’est ça. Mais n’oubliez pas qu’à la fin du conte de Grimm, le roi est nu !

Ph. A. : Pour terminer, André Santini, qu’est-ce que vous fumez aujourd’hui ? Quels sont vos plaisirs particuliers en cigare puisque c’est votre dada ?

A.S. : Mon préféré, c’est Jean-Paul Kaufman qui me la fait découvrir, grand amateur de cigare, qui est un type délicieux. C’est le Sir Winston de chez Woodman. D’abord, j’adore Winston Churchill dont je suis la réincarnation, c’est bien connu. En plus, le cigare est très fin. A l’origine, j’étais au Partagas pour les Italiens, puis au Bad de Sir Winston ou au Monarque. Le Monarque est aussi très agréable. Et je viens de découvrir le San Cristobal. Je ne sais pas s’il est récent ou pas, je ne m’intéresse pas à cette actualité. De temps en temps, c’est mon marchand de cigares qui me dit « je viens de recevoir ça, vous devriez essayer ». Et quand je vois ces magnifiques civettes, petites ou grandes, quand je vois écrit « civette », j’y vais pour encourager les buralistes. J’ai inauguré une petite civette sur la commune, c’est original, n’est-ce-pas ? Et il y avait beaucoup de monde. Ils étaient heureux que je sois présent. Ils se sentent tellement mal-aimés et je crois que ces cigares-là ne sont pas dans toutes les civettes, parce qu’ils manquent de débouchés. C’est une façon de rappeler que c’est un acte total. Tous les sens sont mis en éveil avec le cigare. Ou avec la pipe. On retrouve le sens tactile, olfactif, on sent avant…

Ph. A. : Et tous les préparatifs, le cérémonial…

A.S. : Bien sûr. C’est presque la cérémonie du thé.

Ph. A. : Encore une question. Je la reformule. Est-ce qu’on va retourner vers les fumoirs ?

A.S. : Ah oui ! Je n’ai pas répondu à votre question. Vous-vous rappelez quand Victoria est morte, son mari a dit : Messieurs, maintenant, vous pouvez fumer. Même à Buckingham, on ne fumait pas parce que Madame ne le souhaitait pas. Mais, il y avait quand même des pièces, le fumoir, vous l’avez dit. C’était les hommes qui y allaient. Ils y allaient en smoking, c’était la tenue qu’on mettait pour fumer. Smoking. Peut-être qu’on pourrait rétablir cette étiquette, c’est mieux que « fumerture ».

Ph. A. : Fumer vu la vague de hausses des taxes, ça va devenir un luxe ? Le cigare, la pipe, la cigarette vont être réservés aux riches maintenant ?

A.S. : Ah je le crains ! Vous savez hélas, ce sont les pauvres qui fument le plus. Donc, on va les précipiter encore davantage parce que je ne les vois pas arrêter de fumer demain. Il ne leur reste plus que ça. C’est comme quand on dit aux pays sous-développés : arrêtez de faire des enfants. Je crains fort que tout cela ne semble pas une grande réflexion. Je reviens à mon idée de rencontres, d’états généraux, de réflexion, de longues concertations pour qu’on se rappelle que mieux vaut convaincre que contraindre. Cela n’a jamais rien donné.

Ph. A. : Demain, sous quelles formes les rencontres entre fumeurs pourront-elles s’opérer ? Est-ce que cela va faire partie de votre campagne électorale dans quelques semaines ?

A.S. : J’en parlerai forcément. Je vois bien le nombre de gens dans la rue qui me disent « défendez-nous ». Vous-vous rendez compte, bientôt, on est presque les chrétiens des catacombes ! J’ai un peu honte. Franchement, c’est un climat désagréable et moi, ce n’est pas du tout ma façon de voir la France. La France, la démocratie… après, il y a un débat qui sort, c’est un truc répressif, négatif. Je suis un laïc, je le dis en toute cordialité, mais qu’on utilise cette notion comme ça… Mais dites-moi, qu’est-ce qu’il y a de drôle depuis quelque temps ? A part la suppression de la Pentecôte. Tous les jours, il y en a une qui tombe et elle est plutôt négative. Moi, je suis pour un peu de vie, un peu de joie, un peu de respect de l’autre. Un de mes collaborateurs qui a trois enfants me disait : « nous avons invité nos voisins, un couple âgé, ils n’ont pas d’enfants. C’est bien ça, spontanément, on invite les voisins d’à côté, qui ne sont pas pauvres d’ailleurs… pour l’apéritif… Voilà l’univers que j’aime bien, un univers où on invite les autres pour l’apéritif. Sur ma ville, il y a trois réveillons organisés et ça marche très bien, c’est plein parce que c’est un petit prix.

Ph. A. : Demain, donc, on verra des organismes apparaître, fleurir pour défende les fumeurs de tabac, les fumeurs de pipes ?

A.S. : Peut-être…

Ph. A. : Vous en serez ?

A.S. : Oh je verrais. J’affiche la couleur, je préside le club des parlementaires amateurs de Havane… mais je ne suis pas pour la secte. Actuellement, je trouve qu’on va trop fort. On nous matraque tous les jours, on nous montre du doigt, on parle des bourreaux de tabac, on nous désigne comme des gens légers qui fument un Smic par mois… n’importe quoi ! Alors franchement, reprenons-nous. Redevenons Français !

Ph. A. : André Santini, je vous remercie.