Losangexpo 09

par Guillaume Laffly

19/10/09

Que ceux qui se rappellent le temps où, enfant, ils pouvaient aller chercher du tabac pour ses parents, être servi par un débitant cigarette, cigare ou pipe au bec, trônant devant un bel étalage, perdent, si ce n'est déjà fait, leurs illusions. D'abord, on ne sert plus les enfants. Ensuite, si le débitant fume, on peut lui coller une incitation à fumer sur le dos. Et enfin, la vente de tabac devient pour ainsi dire accessoire.

C'est que le tabac est très fortement taxé - c'est pour notre santé - et que le débitant, pour avoir une chance de s'en sortir, doit fournir ce que l'on appelle à notre époque des services -comme si le fait de vendre du tabac à des fumeurs n'était pas en soi un service. Le débitant moderne doit pouvoir vous fournir jeux, loteries, trucs à gratter - hormis le poil bien connu - cartes de téléphone, disques, bonbons, tickets de métro ou d'autobus, carnets de timbre, enveloppes prétimbrées, cartes à collectionner, films, musique, pochettes surprises, tagada tsoin tsoin, etc. ...

D'un côté on lui sert la vis, de l'autre on lui demande de s'endetter pour s'en sortir. Il a donc besoin pour cela de matériel. Losangexpo lui permet d'avoir tout cela à portée de main.

Thierry Melan ayant eu la bonne idée d'avoir son stand pour l'occasion, il nous avait demandé, à Kalabash, Sébastien, moi et quelques autres, de venir donner un coup de main. C'était je crois une fort bonne idée, puisque il était le seul pipier présent pour l'occasion.

Pour vous donner une idée, une fois passé le barrage à l'entrée, vous entrez directement dans "le village du cigare" - car si la cigarette est reine, le cigare a son village. A droite, les grosses sociétés attendent les débitants : boissons, petits fours, cadeaux à gogos. Plus loin, toute une partie que je n'ai que peu fréquentée, mais fort bien achalandée : meubles, vitrines, et toutes les joyeusetés dont je parlais plus haut.

Traversez le village du cigare, et là vous avez quelques bonnes surprises, c'est de celles-là dont je vais vous parler : la distributeur Pöschl, la jeune société Traditab, et bien sur le stand de Thierry.

Précision : le jeune homme, sur la première photo, qui mange et qui essaie de se cacher, c'est Sébastien, le frère de Thierry, qui anime le blog le Fumoir. Les écumes sont des Jademir, Thierry s'occupe dorénavant des réparations de ce fabricant.

Samedi, levé à ce qui correspond pour moi à l'aurore, j'ai la chance d'avoir comme premier interlocuteur un charmant monsieur, qui nous dit être à la retraite. Il est intéressé par les pipes, puisqu'il avait réuni une collection de mille Gambier. Nous parlons donc pipes, il me dit avoir tenu un tabac à Montpellier, rue de l'Université, et se souvient avec émotion de Pierre Morel, et de ses pipes. Pierre débarquait en moto, ouvrait sa valise, et le monsieur se rapelle avec émotion des Cobra de Pierre, regrettant qu'il n'ait plus trouvé d'ébauchon assez grand pour en faire. Je lui apprend que Pierre fait partie du groupe, et que la veille encore, nous causions. Je lui demande son nom, et lui promet d'en parler à Pierre. Voilà qui commence bien.

Sébastien a déjà fait un petit tour, et a parlé de nous au stand juste voisin, très joliment orné de feuilles de tabac. Thierry lui a bien sur parlé des mélange à rouler qui y sont présentés, les 1637. Ce stand est l'un des plus accueillants, simples et gentils. D'abord, ces gens du sud-ouest ne sont pas partis sans biscuits, et l'on boit et l'on mange très agréablement. Le directeur, Jérôme Duffieux, nous rejoindra aussi sur le stand de Thierry. Ce passionné a su s'entourer de passionnés, prêts à se lancer dans une aventure étonnante en France, de nos jours : regrouper des cultivateurs locaux, et proposer des mélanges faits à partir de tabacs de la région, cultivés selon des normes strictes. Ce qui est rassurant, c'est que d'emblée, toutes les personnes contactées ont voulu apporter leur pierre à l'édifice. Il y a un enthousiasme certain de leur part. Pari gagnant semble-t-il : les 1637 sont demandés, et pas seulement dans le sud-ouest. N'ayant pas goûté, je ne peux que confirmer les bons échos qu'il ya eu sur le forum. Ne sachant pas que Thierry lui a posé les mêmes questions que moi, j'apprends qu'il est bien question d'un mélange à pipe. Jérome Duffieux songe aussi à un emballage particulier, dont je ne peux rien dire pour le moment. Il m'apprend également que la coupe se fait en Belgique, et qu'au début, les coupeurs lui ont proposé d'ajouter un peu de Semois, reconnaissant que c'était bon, mais qu'avec du Semois, ce serait encore meilleur. Les cultivateurs de Semois sont comme les gens du sud, qui mettent de l'ail dans tout. Il me propose de sentir une pochette : cela sent le tabac ! Pas de fioritures, sans apprêt, du tabac ! Et oui, seulement sentir, Losangexpo est non-fumeur... Mis à part les fumeurs de cigare, qui ont semble-t-il un passe-droit, personne ne fume. Mais le meilleur est à venir.

Cornell & Diel

le stand Traditab

Samuel Gawith

Jérome Duffieux et Kalabash

J'apprends donc, comme Thierry avant moi, que Jérome Duffieux serait intéressé d'avoir des opinions de fumeurs de pipe. Cela pourrait l'aiguiller pour le futur mélange à pipe. Et il me parle de la proposition qu'il a faite à Thierry : comme il sait bien que la coupe des mélanges à rouler est trop fine pour nous, il propose aux membres de Fumeurs de Pipe et du Pipe-Club de Paris de faire faire une coupe plus large des mélanges proposés. A nous, une fois reçus, de les goûter, et bien sur de lui adresser en retour nos impressions.

Je n'ai pas cru me tromper en le remerciant de sa proposition au nom de tous, étant sur que pouvoir enfin goûter ces mélanges dans une coupe appropriée, et pouvoir ainsi participer à cette belle aventure, va en séduire plus d'un.

Pour fêter cela, petit tour dans le village du cigare. C'est classieux. J'assiste, pour la première fois, au roulage d'un cigare. Moi qui n'y connait rien, je trouve cela très beau. En voyant ce monsieur œuvrer avec des gestes lents, sur et précis, je pense qu'il doit soulever autre chose que des cigares, vus ses biceps. Si on obtenait des muscles comme cela en roulant des cigares, cela serait partout un sport national.

le village des cigares

Retour au stand de Thierry : les débitants qui s'arrêtent découvrent que l'on peut faire réparer les pipes de ses clients. Beaucoup connaissent des amateurs qui ne peuvent plus fumer telle pipe, et le regrettent. Un monsieur demande pourquoi se casser la tête, alors qu'on a des pipes pour une trentaine d'euros. Une dame ne veut pas croire que Thierry n'est pas établi à Saint-Claude. Un pipier hors Saint-Claude ?? Nous aurons un peu de mal à la détromper. En règle générale, et mon constat est confirmé dans des conversations avec des distributeurs, le débitant qui sait ce qu'il vend, qui s'y intéresse, et peut renseigner ses clients, est une espèce rare. Je regrette d'autant plus que Patrick Cornu n'ait pas fait le voyage.

Il faut dire aussi que le travail d'information, côté pipes et tabacs à pipe, est nul et inexistant, contrairement à ce qui se passe pour le cigare. Je ne dis pas que le cigare ne mérite pas cela, simplement que les amateurs trouvent plus facilement de quoi se renseigner, des débitants qui ont potassé la question. Et il faut bien le dire, la beauté des pipes, la grande quantité de mélanges et de goûts proposés aux fumeurs de pipes dans le monde, est quasiment inconnue. Il faudrait pour cela que soient présents plus de distributeurs et fabricants de mélanges pour pipe, qu'il n'y ait pas qu'un artisan pipier présent à cette manifestation. Le seul signal de la Confrérie - dont le but est de faire connaître et aimer le travail des pipiers sanclaudiens - était visible sur le stand de Thierry. Encore n'était-il pas gros, mais Thierry a fait avec ce qu'il avait. Encore une fois, ce sont ceux à qui cela rapporte le moins qui font le plus de travail.

une des vitrines du rayon Pöschl

Mais revenons à nos moutons : après avoir demandé, au stand Davidoff, s'il n'y avait pas de tabacs à pipes présentés, et entendu la réponse : "Oui, on en fait, mais bon...", je fais un détour par le stand Pöschl. Là aussi, Sébastien est passé, je suis donc annoncé. A l'inverse du rayon Davidoff, une dame charmante, intéressée, qui me dit que Sébastien lui a parlé d'un mélange qu'il serait bien de distribuer en France. En effet, la maison Pöschl, outre ses mélanges, distribue les Mac Baren. Le représentant de cette maison m'est présenté, et comme il ne parle qu'anglais, quoiqu'il comprenne ce qu'il entend dans un anglais laborieux, je lui parle par signe, et lui fait comprendre que le HH syrian latakia est une réussite. Et là, autre bonne nouvelle.

Mickaël, de la maison Pôschl, me prend en main, lui aussi serait curieux d'avoir des opinions de fumeurs de pipe. Et il me fait la même proposition : les membres de Fumeurs de Pipe seraient-ils intéressés de donner leur opinion ? C'est d'autant plus gentil de sa part, et là aussi c'est agréable de voir des gens curieux de l'opinion des amateurs, que c'est pour une société comme la sienne un peu compliqué. Il ne s'agit pas de faire cadeau d'échantillons, ce qui est interdit par la loi. Il va devoir acheter les mélanges en questions pour nous les envoyer. Il demande par contre, lui-aussi, un retour, des avis. Il va même jusqu'à me demander ce que nous voudrions en échange, il parle de chenillettes, je lui répond que tout est possible, mais que pour nous, être consulté par le fabricant est déjà très plaisant.

C'est la deuxième fois aujourd'hui que j'ai affaire à des gens disponibles et ouverts pour qui l'avis des consommateurs a son importance et son intérêt, et cela venant aussi bien d'une société à ses balbutiements que d'une société bien assise et connue. C'est un bain de jouvence !

Voilà, j'avais vu, et je vous ai parlé, à mon sens, du principal. Pour le reste, nous avons eu bien sur droit aux numéros de danse, aux animatrices en patin à roulettes. Quand je suis revenu dimanche, à peine entré, on annonçait que Clara Morgane allait faire des dédicaces. J'ai cru m'être trompé d'étage - mais non.

Même si nous pouvons avoir des motifs d'inquiétude, la preuve est faite : des gens s'intéressent encore à leur métier, à ce qu'il vendent, ce qu'ils distribuent, à ce qu'ils créent. Ne nous décevons pas les uns les autres.