Mythe et Mystère de la bruyère

par Nick Johnson, traduction de Jean-Daniel Chambaz

26/11/06

J'ai récemment lu quelque chose qui a résonné dans mon esprit. L'article, de Zachary Fiala, intitulé Le Chuchoteur de Pipe, a paru dans le Pipe Collector de juin 2005. Son argument était, essentiellement, que ni le camp des marques, ni le camp des bruyères ne peuvent vraiment prétendre détenir la vérité sur ce qui fait une bonne pipe. Ce qui fait une bonne pipe est tellement nébuleux qu'il n’y a probablement aucune vraie "vérité" à avoir.

Mais est-ce que ceci peut vraiment être correct?

Mon esprit, qui aime à penser concrètement, se rebellait à cette idée.

J'avance ce que je considère un argument incontestable, quoique mince, selon lequel la main du fabricant peut imprimer dans la pipe une certaine caractéristique qui en rend la fumée fétide ou fabuleuse, pour un fumeur particulier. Et je crois toujours que c’est ce qui se produit. Cependant, je trouve également valable l'argument qu'un certain attribut de la bruyère peut engendrer des pipes extraordinaires dans l'une ou l'autre direction - mauvaise ou bonne.

A l’évidence, ce n'est pas le grain d'une pipe qui en crée les qualités. Bien que le grain joue un rôle dans notre plaisir subjectif d'une pipe, il semble n’y avoir aucune relation entre les bonnes et les mauvaises fumeuses et leur grain respectif. Et de nombreux fumeurs peuvent en témoigner. J’ai moi-même eu de grandes fumeuses avec un grain médiocre, et de de pauvres fumeuses avec un beau grain.

Et laissons de côté, pour le moment, la précision avec laquelle la pipe a été travaillée. Et par là, je veux parler du forage du fourneau et de la tige. Un tuyau mal adapté peut sembler laid, mais si la jonction entre la mortaise et le tenon est bien faite, il peut remplir son rôle correctement. Je doute que l'un d'entre nous prétende, de façon générale, que les pipes mal fabriquées fument bien. Il y a naturellement des exceptions à ceci, mais je pense que l’on peut dire de façon certaine que les pipes les plus mal forées fument moins que bien.

Mais alors, qu’est ce qui fait qu’une pipe fume bien ? La bruyère y a-t-elle un rôle ? Si oui, quel attribut de la bruyère en est responsable ? La réponse courte est que je ne sais pas. Mais je parie que je connais une manière de le découvrir.

Qu’est-ce que la bruyère ? C’est du bois. Les fibres de cellulose sont conçue pour transporter de l'eau, liées entre elles par de la lignine, qui est décrite en tant que "colle de la nature". Mais qu'y a-t-il d’autre ? Assurément, il y a une myriade d'autres produits organiques, et peut-être même certains composés artificiels, qui restent dans le bois longtemps après son traitement. Ces composés provoquent probablement la couleur de la bruyère, sa texture, son parfum et peut-être son goût. Se pourrait-il que ces composés soient responsables d’un goût acide ou des pipes humides ? Mon soupçon est qu'ils le peuvent. Mais comment allons-nous le déterminer ?

Pour commencer, un grand nombre de pipes en bruyère devrait être rassemblées. Ces pipes devraient en plus être assorties selon leurs caractéristiques de fumage, bon ou mauvais; humide ou sec; doux ou acide. Des échantillons de bois de chaque pipe – oui, de la sciure - devraient être collectés. Ces pipes sont destinées à être sacrifiées au nom de la science. Ohhh humanité ! De ces échantillons, une analyse chimique devrait être faite. Alors des comparaisons de chaque préparation de pipe seraient faites. Ce que nous recherchons est une certaine sorte de modèle. La présence du composant A a-t-elle une corrélation avec une fumeuse acide? Et qu’en est-il du composant B dans les fumeuses humides? Y a-t-il une absence d'un certain composé particulier, ou d’un ensemble de composés, dans toutes les bonnes fumeuses ?

Mon argent indique qu'il y aurait une certaine corrélation.

Hélas, mon argent indique également que cette expérience ne se produira jamais. Qui, parmi nous, est disposé à se séparer de ses précieuses pipes? Pour les voir poncées et durement placées dans l’environnement froid et stérile d’un laboratoire, et pour ne jamais revenir à notre service. Je sais que je ne le ferai pas. D'ailleurs, je ne peux pas imaginer que cette expérience serait bon marché. Hormis les centaines, sinon les milliers de dollars perdus dans le sacrifice d'une collection de pipes, qui assumera les coûts du travail de laboratoire. Je suis fasciné par le sujet, pourtant je n’ai pas des moyens tels que je puisse envisager une pareille dépense.

En fin de compte, nous nous retrouvons exactement où nous avions commencé. Plein d’hypothèses qui sonnent raisonnablement, et privés de toute vérité effective. Tel est le mythe et le mystère de la bruyère.