Poèmes

Poème malgache


Si tu t'es querellé avec ton frère
Et que tu as envie de le tuer
Assieds-toi, bourre ta pipe et fume-la.

Ta pipe fumée
Tu n'auras plus envie
Que de lui appliquer une bonne correction.
Alors, assieds-toi, bourre ta pipe et fume-la.

Après cela,
Tu seras persuadé qu'une bonne explication
Règlera aussi bien la querelle
Alors, assieds-toi, bourre ta pipe et fume-la.

Ta pipe fumée,
Va vers ton frère
Et pardonne-lui.



Chanson pour les enfants l'hiver

Jacques Prévert
"Histoire", Editions Gallimard 1963


Dans la nuit de l'hiver
Galope un grand homme blanc
Dans la nuit de l'hiver
Galope un grand homme blanc
C'est un bonhomme de neige
Avec une pipe en bois,
Un grand bonhomme de neige
Poursuivi par le froid.
Il arrive au village.
Voyant de la lumière
Le voilà rassuré.
Dans une petite maison
Il entre sans frapper ;
Et pour se réchauffer,
S'assoit sur le poêle rouge,
Et d'un coup disparaît.
Ne laissant que sa pipe
Au milieu d'une flaque d'eau,
Ne laissant que sa pipe,
Et puis son vieux chapeau.



Georges Brassens

(1948)


Chibouque
Brûle-gueule
Bouffarde
Calumet
Il attendait toujours d'être dehors
Pour secouer la cendre de sa pipe.
Même dans les moments critiques,
Quand l'envie de fumer lui arrachait les tripes,
Au lieu de se conduire à l'instar des butors
Qui regardent les corridors
Comme de simples lieux de décharge publique,
Il attendait d'être dehors.

Notons vite d'ailleurs que, loin de donner tort
Aux dits butors
Pour leur conduite,
Il les excusait, magnanime,
En parlant d'une divergence de doctrine.
Cet individu-là valait son pesant d'or.
Personne, il va sans dire, ne tombait d'accord
Avec ses idées insolites.

Ses amis le considéraient comme un comique.
Ses voisins le montraient du doigt en riant fort.
Mais, indifférent aux critiques,
Sûr d'être en règle avec son for,
Il attendait toujours d'être dehors
Pour secouer la cendre de sa pipe.
Chibouque
Brûle-gueule
Bouffarde
Calumet.

Or, un matin que, fidèle à
Sa norme, il avait attendu d'être où l'on sait
(C'était « l'hiver et son triste cortège.
Les malheureux souffrent beaucoup du froid. »)
Froid de chien
Froid de loup
Chair de poule,
Il fut aperçu de la grippe,
Laquelle à califourchon sur un courant d'air,
S'en allait à la recherche d'une victime.

Miséricorde, le pauvre homme !

De but en blanc la grippe
L'agrippa,
Lui rompit d'abord bras et jambes
Et puis lui enfonça les côtes,
Tant et si bien qu'il trépassa
Pour ne pas dire qu'il cassa
Sa
Pipe.

Comme il avait quelque cousin
Employé aux pompes funèbres,
On s'occupa de sa dépouille :
Cercueil chêne ordinaire 980 francs
Poignées (l'une) 80 francs
Sel antiseptique (la boîte) 50 francs
Location drap mortuaire 50 francs
Porteurs pour le convoi (les quatre) 520 francs.

En route pour le cimetière.

Quand les quatre porteurs à cent trente francs pièce
Passèrent devant sa loge avec le cercueil,
La concierge eut une attitude abominable.

Sans doute on ne lui demandait
Ni d'affecter un air lugubre,
Ni de mettre son linge en berne,
Ni de renverser son balai,
Mais un minimum de tenue
Un visage un peu moins désinvolte. Bernique !

Non seulement elle pouffa,
Mais encore elle alla jusqu'à
Qualifier de sale type
Celui qui attendait toujours d'être dehors
Pour secouer la cendre de sa pipe.

Chibouque
Brûle-gueule
Bouffarde
Calumet
Une souscription est ouverte.
Pour l'érection d'une colonne commémorative
De cette conscience majeure.
Adresser les fonds à Monsieur Vilain, Notaire
Compte chèque postal Paris 108-14.



Dédicace

Jacques Perret


Pipe en bois ?
Pipe en terre ?
Je préfère
Comme il se doit
Ici bas et tant qu’à faire
À la Ropp dure
La Scoufflaire
Qui ne dure.
Dans les morceaux de la dernière
Les malins me porteront en terre
Je le devine
Au pied d’une vieille bruyère
Et lors il faudra bien que ma pipe posthume
Sombre combine
Je la fume
Par la racine.

jacques perret par jo merry


Jacques Martel


Les anciens qu'ataint d'humeur gaite
Il’ ont pas connu 1' chemin d fer.
Cest domrnag’, pasqu’’à jorné’ faite,
Ca fait rie en pus qu’ ça sang’ d'air.

Moi pour la dernié’ foué d’Sancerre,
Eun r’venant, j’avais décidé
D’prende l’tacot… ben, cré tonerre !
Ç’atait plein là-d’dans, plein, bondé.

J’monte, anqu’des enjambé’s d’cosaque
Il’ taint ben, qui tendaint les pieds,
Quinz’…coumm' des harengs dans n’un caque,
Pis encô', j' compt' pas les pagniers.

Vu que j’sés pas d’promié’ jeunesse
Pis que j’v’lais pas fé’ l’trajet d’bout
J’arrive à m’apouèser d’én fesse
Au long d’én’ grouss’ mé’… Tout d’un coup.

Ça flûte… on part à d’mi-vitesse…
A la prochain’ gâre où qu’arr’tons
I’ monte én gent’ petit’ bougresse
Qu’atait ben sarvi’ coumm’ tétons…

-En Berry, parsonn’ céd’ sa place –
All’tait dressée au mitan d’nous…
Y avait un soldat juste en face,
J’y dis : »Prends-la don’ su’ tes g’noux ! »

Avant qu’il aye l’temps d’réponde,
Ma fumell’ qui s'inquetait pas
Si ça fasait causotter 1’monde,
A s'assiéz' tranquill'ment su' 1' gàs…

J'avains fait p't-ête un kilométe,
Quand j' la vois, l' derrié' tormenté,
Mal campé', charchant coumment s' mette ...
Pis v'là qu'a s' leuve… « En 'vérité !

J' sais pas c' qu' v' avez qui m' chicote,
Qu'a dit au soldat tout bêtiot,
J' crés qu' c'est dans vout' poch' de culotte,
C'est pus dur qu'un manch' de coutiau »

L' gâs qu'atait pas fier de r'connaîte
C' que tout l' monde il avait d'viné,
I' d'vint pus roug' qu'én' guign' « C'est p't-ête
Ma pip' qu'a l' grous bout mal torné »

J'avais les g'noux cont' la drôlesse,
J'y dis : « Siézez vous don' là-d'ssus…
Point d' danger qu' ma pipe a vous blesse,
Moi, ça fait dix ans q j' fum’ pas.