Test Ailarov

par Guillaume Laffly

18/11/09

Alors que je passe mon temps à vendre mes pipes ces temps-ci, il va sembler bizarre que je présente le test d'une pipe de Sergeï Ailarov. Mais je n'y suis pour rien. Cette pipe m'est arrivée toute seule. Enfin, pas vraiment toute seule, quelqu'un l'avait aidée. Ce bon génie trouvait que j'avais un peu trop de pipes sablées en ma possession - il est vrai qu'elles sont encore majoritaires, et qu'il me fallait tout de même une belle lisse.

La surprise a été totale, puisque cette pipe était soigneusement protégée par une boîte de cigares. Et j'ai découvert cette pipe, presqu'un brûle-gueule, elle mesure onze centimètres. En règle générale, je n'hésite pas à bourrer une pipe neuve. Et bien, comme pour les Cavicchi dont j'avais parlé dans ces pages, j'ai presque du me forcer. Pourquoi ? Parce que le fourneau, je parle bien de l'intérieur, était superbe. Il y a dans ces cas-là un geste qui peut sembler stupide, ou maniaque, je ne peux m'empêcher d'y passer le doigt. Cette pipe est aussi douce intérieurement qu'extérieurement.

Le bon génie me signale que le fourneau, quand on y porte le nez, dégage une odeur de noisette. Pour tout dire, je n'aurais pas reconnu la noisette, mais c'est sans doute que si mon nez est large, il n'est pas aussi sensible. Mais il est vrai qu'une odeur particulière s'en dégage.

Cette petite bobonne tout en rondeur vient se lover dans votre main comme si elle voulait s'y cacher. Et une fois en bouche, elle tient ses promesses : vide comme bourrée, l'aspiration est extrêmement facile.

A l'abordage, si j'ose dire : fumons, un coup, fumons en deux. D'office, après un essai au virginie, puis virginie/perique, je sais que cette pipe ne connaîtra pas les latakia. Il me semble que très rares sont les pipes qui ne s'accordent pas avec les latakia, alors qu'avec les virginie, ou virginie/perique, c'est plus rare. Il ne faut donc pas gâcher l'occasion.

Comme il est très difficile de regarder cette pipe en la fumant - elle ne pèse que 52 grammes, on ne voit pas la nécessité de la prendre en main - elle reste pour l'instant sur mon bureau, devant l'écran. Les photos vous en donnent déjà une idée. On comprend en la regardant qu'Ailarov ne tient pas en l'air quand il parle de concision, d'harmonie et de simplicité. Finalement, cette pipe, cette forme, c'est la simplicité même. Et c'est là le plus difficile, en faire juste assez, mais pas plus.

Il n'y a qu'une seule chose que vous ne pouvez voir sur ces images, c'est que cette pipe se teinte déjà, au bout de quelques fumages seulement.

Alors, me direz-vous, aucun défaut ? Eh bien si, un petit. Si l'ouverture du bec ne pose aucun souci, il semble qu'il y ait un petit souci au perçage de la tige. En effet, si j'utilise une chenillette dure, je suis obligé de la tourner sur son axe pour arriver au fourneau. Par contre, et c'est pour cela que je parle de petit défaut, avec une chenillette "molle", aucun souci. Et j'en profite pour préciser de suite que cette pipe ne crée aucune humidité, la chenillette ressort impeccable.

Voilà, cette pipe m'a surpris au début, c'est ma plus petite, mais elle tient sa place comme une grande. Les derniers fumages confirment mes premières impressions.

On a parfois l'impression que chez certains surdoués de la forme, le côté technique est considéré comme accessoire; Qu'importe l'ivresse, pourvu que le flacon soit beau.

Et bien, ça n'est certes pas ce que l'on peut reprocher à Ailarov : s'il a vraiment un sens de la forme - j'allais parler d'épure - cette pipe se fume avec grand, grand plaisir.