Un moulin à flakes

par Jean-Daniel Chambaz

26/07/10
moulin flake

Voici la bête terminée

Fumer un tabac sous forme de flake est un plaisir pour nombre d'entre nous. Pour moi, si la présentation et le fumage de ce genre de tabac ne présentaient pas de problème, il en était tout autrement de sa préparation.

Je me faisais mal aux articulations des pouces, à force de vouloir l'émietter. Je n'ai jamais conçu pouvoir le fumer tel quel, grossièrement déchiqueté et directement bourré dans le fourneau. A mes yeux, et c'est un avis tout personnel, l'avantage d'un flake, c'est sa compacité: beaucoup de tabac dans un petit volume, comme l'appréciaient les marins. Mais j'apprécie de bourrer un tabac bien émietté, d'où un petit problème à résoudre…

Première approche, après l'émiettage à la main, peu concluant à mes yeux, une espèce de boîte ronde, en bois, hérissée de clous. Le fond et le couvercle tournent, et les clous séparent les brins de tabac. Primitif, simple et bon marché. Les amateurs d'herbes particulières s'en servent pour les moudre avant de les intégrer dans le tabac à rouler. Et donc, je me rends dans un magasin spécialisé dans ce genre d'articles, et y achète une telle boîte. Essais concluants, mais pitié pour mes mains! En plus, ce n'est pas particulièrement rapide, comme méthode. Je vais donc acheter le modèle extra-large, qui va déjà un peu mieux. Mais qui dit plus gros dit aussi plus gros diamètre, et nécessité de plus de force. Là, je cale. Ca devient vraiment fatigant de préparer le tabac pour ma pipe, dans ces conditions, sans compter les articulations qui grincent…

Grattage de crâne, petite réflexion, et voilà ce que ça a donné. Au final, je me suis dit qu'une manivelle devrait apporter un peu de facilité à l'opération. Par analogie, je me suis mis à repenser le système du bon vieux moulin à café manuel, et l'ai adapté à la fonction. Un moulin à café travaille en broyeur, mon moulin à flakes le ferait en mode cardage, plus ou moins.

J'ai conservé l'axe vertical. Je peux ainsi profiter de la chute du tabac à travers le mécanisme, et le récupérer tout en bas, dans un tiroir. Simple et efficace. La manivelle actionne directement un bout de barreau de bois hérissé de pointes en acier. Autour du barreau, et solidaire du corps du moulin, il y a un cylindre, lui aussi hérissé de pointes en acier, disposées en alternance avec celles du barreau. Au dessus du cylindre, un entonnoir. Il suffit de verser des petits morceaux de flake dans l'entonnoir et de tourner la manivelle. Le tabac passe au travers et tombe émietté dans le tiroir. Deux inconvénients à ce système, auxquels je réfléchis actuellement :

- ce n'est pas très rapide, mais ce n'est pas le but recherché. Il ne s'agit pas de faire de la production industrielle…

- le passage du tabac laisse de nombreux brins dans les peignes, et il faut aller le nettoyer avec une aiguille à tricoter ou quelque-chose de similaire pour le libérer complètement. Ceci afin d'éviter de mélanger des flakes d'une mouture à l'autre.

moulin flake

On voit ici les pointes en acier. Celles de droites sont arrangées pour attraper le tabac et alimenter ainsi le moulin. Cinq ou six pointes rapprochées suffisent à cet effet.

moulin flake

Détail sur le haut du tambour et la manivelle

Conception / construction

Pour ceux que ça intéresse, voici quelques données :

Outillage

Il faut un tour, et si possible une perceuse à colonne. Scie à métaux, scie-cloche, limes, papiers de verre, touret à polir, matériel de filetage, serre-joint.

Fournitures

J'ai utilisé du bois, sous forme de divers contreplaqués tout simples. Un bouton de tiroir pour le tiroir à tabac, du "fer" plat et de la barre en inox pour toutes les parties métalliques en contact avec le tabac, ainsi que des vis inox, sauf les deux sous le mécanisme, introuvables dans ces dimensions. Un morceau de barre en laiton, pour faire le palier de l'axe du rotor, ceci pour éviter d'avoir à lubrifier ce point de frottement. Des écrous et rondelles, en inox aussi.

Il faut tourner: l'axe du tambour, le tambour, l'entonnoir, la bague en laiton et la poignée de manivelle.

Toutes les pièces en bois peuvent se commander déjà coupées aux dimensions, ce qui simplifie les choses.

moulin flake

La sortie du tabac. On voit la bague laiton. L'axe du tambour n'est pas au fond, pour la faire mieux ressortir. Les rétrécissements évitent de stocker trop de tabac sur les fers plats.

moulin flake

Vue du haut de l'entonnoir. On aperçoit les pointes en acier sur le cylindre et sur le tambour.

Construction

Il n'y a pas de plan: je l'ai réalisé de tête. A chacun de faire avec les matériaux qu'il a sous la main.

La boîte et le tiroir ne posent pas de problème particulier.

Le cylindre est composé de plusieurs carrés de contreplaqué, percés au diamètre avec une scie-cloche puis collés les uns sur les autres et mis sous presse pendant le séchage de la colle.

Il faut ensuite le tourner pour obtenir le cylindre.

Idem pour l'entonnoir. Les carrés sont de grandeurs différentes, mais percés au même diamètre de base, celui du cylindre. On obtient donc une sorte de pyramide avec des degrés, que le tournage va faire disparaître. Le diamètre intérieur se fait aussi au tour.

Tourner la bague laiton 1/100e plus grande que le trou dans lequel elle doit se loger, et la monter à l'aide d'un étau. On peut aussi l'ajuster et la monter à la Loctite.

Et le résultat des courses :

moulin flake

Il s'agit de Stonehaven, un flake d'Esoterica, après mouture.

"…elle fait un rr de première qualité, simplissime à bourrer…" pour citer un membre du forum qui a testé le produit fini. Je suis d'accord avec lui ;-)

Pour tout renseignement, je suis à votre disposition, conscient que les explications ci-dessus sont assez succinctes.

Et non, je ne déposerai pas de brevet.