Ni sur le site web de Schneiderwind ni sur la boîte de tabac je ne trouve la moindre information sur la composition du blend. Une pratique incompréhensible. Par contre, le texte de présentation souligne fièrement le fait que les tabacs n’ont pas été aromatisés et qu’ils ont été mûris dans des fûts en bois de cèdre.
Je découvre un ribbon cut parsemé ici et là de petits curlies. Beaucoup de blond, de fauve et de brun clair, mais également quelques fragments noirs qui indiquent la présence de cavendish. Surprise : contrairement à mon attente, je ne décèle pas d’odeur de boîte à cigares. Par contre, vu qu’il décèle une odeur de caramel et des fragrances fruitées un tantinet trop évidentes, mon pif se demande si vraiment le tabac n’a pas été aromatisé.
Je m’attends donc à un mélange typique du style germano-danois et c’est effet ce que je découvre dès les premières bouffées. Pas de oumpf, un goût d’aro léger qui combine les arômes du nez avec un épicé civilisé, une personnalité mièvre et sans grand intérêt. D’accord, ce n’est pas le genre d’aro qui m’horripile, mais c’est sans conteste un mélange qui n’arrive pas à me procurer du plaisir puisque d’une part il manque de pureté et que d’autre part il me fait bâiller, d’autant plus que le goût reste constant du début à la fin. Bref, chaque fumage finit par relever de la corvée.
Et la conservation du tabac dans du bois de cèdre dans tout ça ? Franchement, je me demande pourquoi les bonnes gens de Schneiderwind estiment qu’elle mérite davantage que la composition d’être mise en avant puisque l’arôme de cèdre m’a complètement échappé.
Reste à savoir qui au juste s’enthousiasme devant ce genre de produit ni chair ni poisson. Je suppose que la discrète aromatisation ne comblera ni le fana pur et dur d’aros, ni l’adepte de mélanges naturels. En tout cas, pour moi c’est l’un de ces tabacs qui ne manqueraient à personne s’ils venaient à disparaître du marché. Sitôt fumé, sitôt oublié.
Etabli à Izmir, Gladora a approvisionné le marché local pendant des décennies avant de s’aventurer au Japon et en Russie. Depuis que Delta Baco en Espagne et Kopp Tobaccos en Allemagne se sont mis à importer et à distribuer deux latakia flakes et un oriental flake, les habitants de l’Union européenne sont enfin en mesure d’essayer ces exemples de la tradition du blending ottoman.
Avant de passer à la dégustation, il convient de mentionner deux faits remarquables. A commencer par l’origine des ingrédients : non seulement les tabacs orientaux mais aussi les virginias proviennent de diverses régions de Turquie et plus précisément de champs qui appartiennent à l’entreprise. En plus, il est à noter que, contrairement aux attentes, les trois flakes de la série Pesse Canoe ne sont pas des mélanges qu’on peut qualifier de naturels vu qu’au cours du processus de fabrication les tabacs sont édulcorés et aromatisés au moyen d’additifs comme le miel, la mélasse, la figue, le raisin ou la prune. Je dois dire que je commence à me méfier.
Pourtant il est évident que Gladora a tout fait pour nous proposer un produit de luxe. Aussi le conditionnement est-il fort soigné : boîte noire et or avec un pratique couvercle à charnière, le plus solide écrin en carton doré que j’aie jamais vu, pile de flakes parfaitement alignés.
Les tranches sont larges et épaisses comme on en trouve dans le Lakeland. Comme elles sont passablement sèches, il est cependant facile de les émietter. Le nez est franchement déroutant vu qu’il ne rappelle en rien les arômes d’un oriental classique. Il est à la fois assez discret, fort complexe et incroyablement évolutif puisqu’à chaque aspiration il semble différent. Il a un côté terreux et boisé, des accents floraux et surtout une variation de fines odeurs fruitées qui, loin d’être constantes, s’alternent. Ainsi il m’est arrivé de sentir du citron, du raisin, de l’abricot, de la framboise et de la vieille prune. C’est un nez intéressant et original qui évite le piège de l’aromatisation caricaturale et qui forme un tout harmonieux. Il permet d’appréhender la différence entre une aromatisation aux ingrédients naturels et le sauçage chimique pratiqué dans les aros typiques.
Il ne me faut que quelques bouffées pour en arriver à une conclusion : si vous cherchez un classique oriental blend, passez votre chemin. Elles sont bien là, les saveurs orientales, mais elles se combinent avec des saveurs fruitées. En vérité je retrouve tous les éléments du nez avec en plus une dose de poivre. Quant aux fruits, s’il m’arrive de percevoir par instants de la poire, de la prune ou de la framboise, c’est tout de même le côté citronné du virginia qui s’avère le plus constant. Si d’une bouffée à l’autre le tabac nous offre ces variations, il n’est pas pour autant vraiment évolutif.
Ce n’est pas un tabac difficile. A condition d’avoir bien émietté les flakes, il se consume sans nécessiter des rallumages répétés et comme il ne mord nullement et qu’il ne roule pas des mécaniques, il convient même aux fumeurs peu chevronnés.
Malgré mon manque de sympathie pour les mélanges aromatisés, je dois dire que ce flake turc, je l’ai fumé avec un certain plaisir. Et parfois même avec un plaisir certain. Certes, il ne joue pas dans la cour des authentiques mélanges orientaux, mais il étonne par son originalité et il est incontestablement bien ficelé. D’ailleurs j’en rachèterai.
Je suis persuadé que l’avenir de Gladora s’annonce prometteur vu que Per Jensen, l’ancien blender de Mac Baren, a annoncé dans une interview qu’il va travailler pour l’entreprise turque.
Pour terminer, une mise en garde : toute sympathique qu’elle soit, la boîte à couvercle à charnière ne protège pas le tabac de l’assèchement. Pour le conserver dans de bonnes conditions, il faut donc un récipient plus efficace.
Je vous le garantis : en 50 ans de fumage de la pipe, je ne suis jamais, mais alors jamais tombé sur un tabac à l’odeur aussi répugnante. A l’instant où j’ouvre la boîte, ma femme qui ne bronche jamais devant les relents produits par mes boîtes et mes pipes, et qui est pourtant assise à deux mètres de moi, s’exclame : C’est dégoûtant. Ça sent la diarrhée ! Plus fort : quelques jours plus tard, j’en profite que ma moitié se trouve dans le couloir pour rouvrir la boîte dans le salon. A peine est-elle ouverte que j’entends une voix irritée : C’est pas vrai, ça sent encore la m… ! Il ne faut pas en conclure que c’est une réaction individuelle due à quelque intolérance personnelle. Tenez, ma fille ouvre la portière de ma voiture pendant que j’allume une pipe bourrée de Windjammer. Immédiatement elle me regarde d’un air dégoûté et s’écrie : Qu’est-ce que tu as fait ? Ta bagnole sent la m… !
Moi, je ne suis pas d’accord avec elles : pour moi, ça sent clairement le vomi.
Je lis sur la boîte que le Windjammer est un navy flake classique composé de virginias, de burley, de black cavendish toasté et d’une bonne dose de perique. Cependant, les descriptifs des commerces en ligne mentionnent également l’ajout de rhum. Il suffit d’ailleurs d’enlever le couvercle pour découvrir à l’instant une odeur d’alcool qui s’entremêle avec de putrides relents de perique. Le tout est incroyablement pénétrant et écœurant. Ça promet.
En humant plus attentivement, je découvre également du fruité et le terreux du burley, mais ces arômes sont écrasés sous le poids du perique et du rhum. Et dire que j’ai toujours considéré Greg Pease comme un maître de la subtilité.
Les broken flakes ont une taille qui permet un bourrage sans triturage préalable. Dès que le tabac est allumé, je retrouve le déséquilibre du nez : le couple rhum/perique s’exhibe vulgairement et produit une saveur qui me dégoûte autant que le nez. J’ai donc vraiment du mal à terminer mes pipes.
Je laisse le tabac se reposer pendant quelques jours pour éliminer toute trace de réduction. L’apport d’oxygène tempère quelque peu l’intensité de la puanteur, mais fondamentalement l’odeur reste nauséeuse et me rappelle désormais le gibier fortement faisandé et le parmesan en poudre que j’associe depuis ma tendre enfance à l’odeur de vomissures. En plus, je ressens une overdose d’alcool et de sucre, ce qui rend le tout encore plus lourd.
Ce n’est que dans le dernier tiers de la boîte que j’arrive à prendre un certain plaisir au fumage. La fétidité est moins percutante et en bouche l’excès d’alcool, de sucre et de perique putride font place à des saveurs plus classiques de VA/perique. N’empêche que de temps à autre je continue à déceler un flash de parmesan style Miracoli, ce qui me gâche à l’instant mon plaisir.
Sur Tobaccoreviews le Windjammer reçoit une cote plus que respectable. D’ailleurs personne ne relève ni la pénétrante puanteur ni le goût infect. Vu les réactions de ma femme et de ma fille, je ne peux pas conclure que mon dégoût soit causé par une allergie personnelle. Je ne m’explique donc pas les applaudissements sur Tobaccoreviews. Serait-il possible que je sois tombé sur une boîte au contenu avarié ?
Si des avis si opposés vous ont rendu curieux au point de vouloir essayer vous-même, sachez que c’est à vos risques et périls.