Font-ils un tabac ? n°22

par Erwin Van Hove

12/08/13

McClelland, Honeydew

De gros morceaux de broken flakes dominés par l’acajou. Un nez aigre-doux typiquement McClelland avec son acidité volatile à la fois fruitée (prunes) et épicée. Un nez d’une belle profondeur qui doit plaire à quiconque n’est pas allergique aux caractéristiques odeurs du virginia fermenté de la maison américaine.

Les broken flakes ne sont absolument pas collants et s’effritent facilement. Par conséquent, l’allumage et la combustion ne posent aucun problème. Ni sur la boîte ni sur le site web de McClelland la composition de l’Honeydew n’est mentionné. Voici la seule indication : A subtly sweet, fragrant flake tobacco in the Irish tradition. Et c’est vrai : c’est doux mais sans être sirupeux et comme c’est le cas avec les mélanges dits irlandais, il doit y avoir un top casing. Je dis il doit y avoir parce qu’on le devine plus qu’on ne le décèle. Bref, c’est civilisé et subtil. Comme tabacs, il y a évidemment les fameux red virginias qui ont fait la gloire du producteur, mais aussi quelque chose de plus fort. Je ne serais pas étonné d’apprendre que le Honeydew contient également du burley et même du fire cured virginia ou du kentucky. En tout cas, c’est un tabac assez viril.

La composition est harmonieuse et agréable, mais pas vraiment complexe. D’ailleurs le tabac est peu évolutif. Conclusion : pour les fans des virginias de McClelland qui ont déjà essayé le 5100 Red Cake et le Blackwoods Flake, le Honeydew est une alternative valable. Pour les autres, il y a mieux.

Mac Baren, Stockton

Impossible de vous entretenir du Stockton sans renvoyer à mes articles sur le Club Blend et le Dark Twist : http://www.fumeursdepipe.net/ artfontilsuntabac20.htm. En effet, comme les deux autres, le Stockton est un roll cake découpé en curlies, fait à partir de feuilles entières de virginia récoltées à la main et de dark fired kentucky transformé en cavendish, le tout adouci au moyen de sucre d’érable cuit dans l’eau.

Visuellement, avec son beau partage entre les bruns des virginias et le noir du kentucky cavendish, le Stockton se rapproche plus du Club Blend que du Dark Twist. Le nez du virginia s’exprime sur le foin, mais ce sont les 40% de kentucky qui dominent avec leurs notes terreuses et légèrement fumées. Des odeurs naturelles qui n’ont rien à voir avec les traditionnelles sauces du producteur danois.

Il suffit d’entasser quelques curlies et de les rouler en cylindre et c’est parti. D’emblée, ce qui frappe, c’est l’équilibre réussi entre acidité et douceur. Le sucre d’érable est bien présent, mais sa douceur ne devient jamais sirupeuse, contrebalancée qu’elle est par des notes salées et par une acidité épicée et piquante. Les saveurs boisées et fumées du kentucky cavendish s’expriment avec retenue alors que ce sont les épices piquantes qui dominent en bouche et qui, ainsi, compensent le manque de vitamine N.

Mac Baren Stockton

En fin de compte, qu’est-ce qui différencie les différents membres de la famille Roll Cake ? Pour moi, le Club Blend est le plus rond, le plus équilibré et le plus savoureux. Le Dark Twist est le moins extraverti et le plus policé. Le Stockton est le plus acide et le plus épicé.

HU Tobacco, Imagine

Ce mélange de la série Original Warehouseblend est un ready rubbed flake brun et fauve fait à partir de différents virginias. Le nez peu extraverti est légèrement épicé et fruité avec des notes de citron, de verveine et de pomme séchée. Je m’attends donc à un virginia blend léger et estival. Je ne me trompe pas et comme je ne suis pas particulièrement fan de ce genre de mélange, dès les premières bouffées, je suis assez déçu. Remarquez que l’Imagine est bien fait parce qu’équilibré, mais pour moi il manque de profondeur et de goût. Certes, il y a des notes fruitées sur le citron et une couche de poivre, et il est vrai qu’il y a suffisamment de nicotine, mais tout ça reste assez superficiel. Il faut dire que le virginia ne mord point, que la combustion est parfaite et qu’à partir du dernier tiers du bol, les saveurs s’intensifient sans pour autant exploser. N’empêche, pour moi la frontière du subtile est franchie pour aboutir dans le domaine du fade et du sans grand intérêt.

Si vous aimez vos virginias étuvés, profonds et riches, passez votre chemin. Si au contraire vous affectionnez des virginias dans le style de l’Orlik Golden Sliced, vous pouvez y aller sans crainte. Moi, je ne l’aime pas pur, mais je l’apprécie davantage mélangé au Hadde’s Best Irish.

Dunhill, My Mixture 965

Manufactured in the EU under the authority of Dunhill Tobacco of London Limited. C’est clair : in the EU et pas in the UK, donc cette version du légendaire 965 a été produite par Orlik. Comme il me reste encore un stock de l’époque de Murray’s, c’est la première fois que j’essaie le classique anglais revu par les Danois. Ne vous attendez cependant pas à une comparaison détaillée des deux versions. Ca fait des années que je n’ai plus fumé de 965 et par conséquent mes souvenirs du Murray’s ne sont plus assez précis.

Du blond, du fauve, divers bruns et du noir. Un blend appétissant de ribbons divers basé sur une recette surprenante pour un anglais: à part le virginia, les herbes orientales, notamment du Macedonia bright, et le latakia chypriote, il y a également du cavendish brun. D’ailleurs, à cause de cette particularité, pour certains le 965 serait non pas un anglais, mais un Scottish blend.

Le nez du 965 façon Murray’s m’a toujours plu et je suis content de constater que j’apprécie autant celui de la nouvelle version : à l’opposé de la bombe à latakia, on est dans un registre raffiné et subtil avec des odeurs de cuir et avec des notes forestières de humus, de sous-bois, de feu de camp.

Le degré d’humidité du tabac encavé pendant cinq ans est parfait. Tout au long du fumage la combustion est régulière et facile. Première impression : les orientaux se mettent sur le devant de la scène pendant que le latakia sert de toile de fond. Le cavendish fait de son mieux pour édulcorer le caractère acide des orientaux, mais n’y réussit qu’à moitié. Vers la moitié du bol, le latakia se fait plus présent et s’exprime davantage sur le cuir que sur le fumé. Dans mes souvenirs, le Murray’s était plus viril, plus profond et plus intense. En tout cas, je ne me rappelle pas avoir été déçu par un manque d’ampleur et de saveur. Pourtant, c’est ce qui se passe au cours de chaque fumage. Certes, de temps à autre, je retrouve un flash d’équilibre entre les orientaux et le latakia, mais la plupart du temps j’ai l’impression que je suis en train de fumer non pas une légende, mais un anglais anodin et quelconque, manquant de colonne vertébrale et de chair, qui n’arrive pas vraiment à me combler, d’autant plus que la fumée me semble assez rugueuse et que l’acidité picotante domine en bouche.

J’avoue que ces derniers temps, mon amour des mélanges anglais et balkan se meurt. Est-ce la raison pour laquelle ce 965 n’arrive plus à me séduire comme avant ou faut-il conclure que cette nouvelle version n’est plus à mon goût ? Je ne saurais trancher tant que je n’ai pas retesté le Murray’s. Ce sera pour une autre chronique.