Font-ils un tabac ? n°68

par Erwin Van Hove

13/03/17

Cornell & Diehl, Sansepolcro

Pfffff. On vous annonce à grands coups de marketing que le Sansepolcro est le fruit des improbables mais non moins bouillonnants ébats d’une plantureuse Southern Belle et d’un farouche macho rital. Vous voilà tout excité à l’idée d’une déroutante et exotique création inédite. Quand on vous sert ensuite un brave rustre campagnard qui ne se distingue en rien des autres braves rustres campagnards typiques de la maison, c’est bien évidemment la douche froide. Il m’arrive de débander pour moins que ça.

De l’opulent red virginia en provenance de la Caroline du Nord combiné avec de l’explosif kentucky italien, c’est le feu d’artifice garanti. Et pourtant, c’est le bide. Et la raison de cette débâcle saute aux yeux : ce soi-disant kentucky italien ressemble autant au tabac qui a fait la gloire du cigare Toscano qu’un champignon de Paris ressemble à une morille, qu’un chardonnay de Limoux ressemble à un Montrachet, qu’un Babybel ressemble à un munster fermier ou qu’un…vous voyez le genre. Où sont passés le goût intense et percutant, les puissantes saveurs torréfiées et la virile acidité de l’herbe transalpine ?

On m’aurait dit que le Sansepolcro est le nouveau VA/burley blend de C&D, je n’aurais pas été déçu. Parce que, figurez-vous, en soi ce n’est pas un mauvais tabac. Loin de là. C’est un mélange fort naturel dans lequel le red virginia édulcore juste ce qu’il faut le burley très sec, terreux, boisé, avec une légère touche de moisi et d’engrais chimique. Le résultat est strict, rectiligne, d’autant plus que la fumée n’est pas exactement du genre velouté. C’est un tabac discrètement épicé mais non poivré, assez viril qui a un côté franc et basique qui n’est pas pour me déplaire mais qui n’a rien d’enthousiasmant. Et absolument rien d’original.

En combinant du red virginia et du dark-fired kentucky qu’ils sont allés dégoter en Italie, Cornell & Diehl en est arrivé à produire un mélange qui goûte le burley très commun. Il n’y a pas de quoi être fier. Cela étant, tout ce battage publicitaire qui vise à faire passer le Sansepolcro pour un tabac exclusif, devient franchement risible et complètement déplacé.

Timm, No Name Gold

Pas de boîtes BCBG. Pas d’étiquettes au graphisme séduisant. Pas de noms racoleurs. Tous les mélanges de la série Timm No Name sont livrés dans des conditionnements strictement identiques : des pochettes de 50g ou des paquets de 200g de couleur blanche, le seul signe distinctif étant un autocollant rond en couleur. Ça fait carrément produit blanc. Le prix aussi d’ailleurs : €6,75 les 50g ou €24,90 les 200g, ça n’inspire pas exactement confiance à ceux qui croient dur comme fer qu’on en a toujours pour son argent. N’empêche que ce humble Gold suscite régulièrement des salves d’applaudissements sur le web. Ma curiosité est donc éveillée, d’autant plus que je ne risque pas grand-chose.

Le fabricant, Dan Tobacco, mentionne uniquement du golden virginia, mais aux dires de Tobaccoreviews, il y aurait également du burley. Quoi qu’il en soit, le No Name Gold est un beau flake doré dans lequel on distingue également du blond, du fauve et du brun. A noter que dans les paquets de 200g, les flakes ne sont pas coupés, mais livrés entiers. Peu compactes, les tranches se réduisent facilement en longs brins fumables. Quant à leur hygrométrie, elle est exemplaire. Le nez est peu intense, mais quand on hume longuement, on découvre à la fois une note médicamenteuse, du chocolat au lait, de la crème brûlée, des viennoiseries. A défaut d’être grandioses, les arômes ont pour vocation de ne déplaire à personne.

La fumée reprend le thème du nez. Ni herbeux ni fruité, voilà un golden virginia chaleureux qui explore un monde de saveurs réconfortantes : du chocolat au lait, du miel, du caramel au beurre salé, de la réglisse tissent une toile cohérente et gourmande. Le tout est soutenu par un fond solide et constant de sucres flatteurs et de revigorante acidité épicée. Je suis d’ailleurs sûr et certain que ces sucres ne sont pas entièrement naturels, mais je n’en suis pas mécontent. C’est ce qu’il fallait pour contrebalancer les acides et le piquant.

Ce n’est pas un mélange corsé, mais la puissante structure aigre-douce et la fumée goûteuse n’ont pas besoin d’une rasée de nicotine pour m’assouvir. Peu évolutif, le Gold arrive tout de même à retenir l’attention par une série de délicates variations et permutations. La combustion est facile et régulière et à aucun moment la fumée n’irrite la langue, ce qui est un exploit pour un virginia aussi bon marché.

Certes, il existe des VA flakes plus complexes, mais il y en a également beaucoup qui sont nettement moins bien faits. Je suis donc impressionné par la qualité de ce produit blanc au prix extrêmement modeste. 24,90 euros pour le paquet de 200 grammes, ça fait 6,20 euros les 50 grammes. C’est donné. Ca justifie même amplement un Gold Rush.

Mac Baren, Golden Blend

Le Golden Blend existe depuis 1952 et se vend bien. Cependant, ce n’est ni un grand classique connu de tous, ni un de ces mélanges autour desquels des fans purs et durs font du battage. Non, le Golden Blend est un Mac Baren passablement anonyme, un peu perdu dans le catalogue richement étoffé de la manufacture danoise. Manquerait-il de prestige parce qu’il se vend en modestes pochettes ? Ou parce que ni aro ni tabac naturel, c’est chair ni poisson ?

Fondamentalement c’est un burley blend, mais qui contient tout de même un petit pourcentage de virginia blond et qui a été très légèrement aromatisé au cacao. Les ingrédients sont pressés ensemble et transformés ensuite en ready rubbed uniformément brun. Ces brins ni collants ni humides n’ont rien de l’aro typique. D’ailleurs, le nez est fort discret. Si l’on décèle une note chocolatée, elle est moins perceptible que de modestes odeurs de fruits secs et de levure de pain. Côté arômes, le Golden Blend ne casse pas la baraque, mais ne peut offusquer personne.

En bouche, plus de fruits secs ni de pain. Là le Golden Blend révèle sa vraie nature. On retrouve le goût de noisette et de chocolat du burley, mais en version light. Les saveurs s’expriment en chuchotant et il n’y a pas suffisamment de vitamine N pour donner du corps à la fumée. Je reste donc sur ma faim. Remarquez que l’expérience n’est pas désagréable, mais j’aurais souhaité plus de franchise et d’énergie. Le fumage va son petit bonhomme de chemin, sans surprises. Pas évolutif pour un sou, le Golden Blend a donc du mal à retenir mon attention. A noter par ailleurs qu’il faut un rythme de tirage lent, sinon la fumée se met à mordiller la langue.

Pour moi, le Golden Blend manque de personnalité. Finalement, c’est peut-être cela qui a causé son relatif anonymat. Est-ce dire que c’est un mélange sans mérites ? Je n’irais pas jusque-là. Ça reste un burley blend respectable, même si les acides risquent de devenir agressifs si l’on ne prend pas garde. Mais si l’on compare ses qualités avec celles des compositions à base de burley de Hans Wiedemann, il n’y a pas photo. C’est en fait grâce à des mélanges comme le Golden Blend qu’on se rend compte à quel point les burleys de HU-Tobacco sont extraordinaires.

Mélangé avec du brun, ce burley anodin gagne en carrure et s’exprime avec plus d’assurance. Une combinaison qui marche.