Les sociétés anglaises de tabac

Flammes et Fumées

Noël 1959
Flammes et fumées sociétés anglaises

On fume deux fois plus en Angleterre qu'en France. Les trois-quarts des hommes (72 % exactement), près de la moitié des femmes, 40 % (en France 17 %) sont fumeurs. On fume en travaillant, dans la rue, au cinéma. "Est-ce parce qu'on y mange moins et plus mal qu'en France ?" se demande un observateur français - certainement partial - de la vie anglaise.

Fort de l'enseignement de Montesquieu, ne pourrait-on pas expliquer cette habitude par l'influence du climat ou par l'insularité du peuple britannique ?

C'est un fait qu'à l'égal du thé, du gin, du club ou du cricket, la cigarette fait partie intégrante du mode de vie anglais qu'on observe à l'intérieur des Iles Britanniques ou dans les territoires au-delà des mers ayant maintenu l'allégeance à la Couronne. Le parfum épicé du tabac de Virginie accompagne les migrations des peuples de civilisation anglo-saxonne.

Les cigarettes anglaises connues en France sont celles dont les marques sont importées par la Régie française. Elles ne donnent qu'une faible idée de la diversité des présentations et de la prolifération des quelque 7 000 marques différentes offertes aux Anglais.

L'industrie du tabac en Angleterre demeure encore un domaine assez secret en raison d'une discrétion naturelle qui est un trait marquant — et un péché mignon - de nos amis d'Outre-Manche. Grâce à l'aimable collaboration (j'allais dire complicité) de quelques grandes sociétés anglaises de tabac et du journal "Tobacco" - que nous nous plaisons à remercier ici — il a été possible de soulever un coin du voile.

Les quelques pages qui suivent n'ont nulle prétention à l'étude scientifique. Elles ne visent qu'à évoquer, dans une perspective historique, et à l'aide d'un minimum de chiffres, la naissance et le développement de l'industrie anglaise du tabac, si profondément différente, dans son originalité et sa diversité, d'une industrie née dans un régime de Monopole, comme c'est le cas en France.

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Petite histoire du tabac en Grande-Bretagne

Dès le XVIe siècle on fabriquait en Angleterre, comme dans le reste de l'Europe, tabac à mâcher, à priser, à fumer. Plus tard (au XIXe siècle) on y confectionna le cigare et enfin à partir de 1857 on commença à rouler des cigarettes à la main. Mais il s'agit d'une activité qui reste encore artisanale et familiale.

C'est l'utilisation de la première machine à cigarettes en 1881 qui marque véritablement l'avènement d'une industrie du tabac en Angleterre, lié, comme on le verra, au mode de gestion par société anonyme.

Depuis cette date elle a pris une extension très importante. Les Britanniques ont dépensé en 1958 près de 8 % de leurs revenus pour l'achat de tabac (contre 4,1 en 1938). D'autre part, les recettes provenant des droits sur le tabac ont procuré à la Trésorerie du Royaume-Uni 736 millions de livres sterling, soit près d'un tiers des recettes totales des douanes et des droits indirects et près d'un septième des recettes totales de l'Etat, soit 13 0/0. (Rappelons par comparaison que le Monopole français participe au budget des recettes pour 5 % environ.)

On ne peut bien comprendre ce développement extraordinaire que si l'on jette un regard — même rapide — sur l'histoire du tabac en Angleterre.

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Sans remonter jusqu'à William Drake, un des premiers marins qui rapportèrent le tabac des plantations de Virginie, possession anglaise, il faut mentionner le nom de Sir Walter Raleigh qui, en 1586, mit à la mode l'habitude de fumer à la Cour de la Reine Elisabeth I (tandis que Jean Nicot, ambassadeur de France au Portugal avait, dès 1560, fait connaître à la Reine Catherine de Médicis le tabac à priser). En ce temps-là, fumer était encore une pratique réservée à la "high society" comme monter à cheval, ou chasser. C'était un plaisir coûteux : le tabac était vendu contre son poids en argent. Aussi les gens du peuple pratiquèrent-ils des mélanges avec divers ingrédients pour fumer à meilleur compte. On trouve une recette de cette adultération du tabac dans le "Bartholomew Faire" de Ben Johnson.

A la fin du XVIe siècle on fumait partout la pipe et même au théâtre. Le tabac était vendu dans les tavernes, les épiceries, et chez les apothicaires. On attribuait en effet au tabac de nombreuses propriétés curatives (contre les maux de tête, l'influenza, les rhumatismes, etc... et même la concupiscence).

En 1665, lors de la Grande Peste, les Anglais étaient si peu convaincus de la nocivité du tabac que les collégiens d'Eton devaient fumer obligatoirement tous les matins sous la surveillance d'un maître faute de quoi ils encourraient la peine du fouet.

L'engouement pour le tabac devint tel en Angleterre que le roi Jacques Ier, après avoir élevé les droits d'importation, institués par Elisabeth I, de 2 à 6 d. par lb (*), publia un pamphlet violent contre le tabac, le fameux "Counterblaste to tabacco". Il imposa une licence aux détaillants, interdit la culture du tabac en Angleterre, et limita les plantations en Virginie. Edits, lois et persécution échouèrent : les fumeurs anglais se révoltèrent, les importateurs de tabacs en feuilles de Bristol organisèrent la contrebande. Non seulement Jacques Ier ne réussit pas à extirper "l'indian vice" chez ses sujets, mais dès 1624 il accordait à Londres un privilège d'importation et aux marchands de Bristol un statut commercial.

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Devant l'échec des persécutions contre les fumeurs, le Roi prit enfin le sage parti d'Elisabeth I : tirer argent de ce qu'il considérait comme un vice diabolique pour contribuer à garder le Trésor Royal.

Les fabriques de tabac se développèrent en conséquence et, au milieu du XVIIe siècle, on vit apparaitre les premières marques de fabrique sur les emballages des tabacs à priser, à mâcher ou à fumer : "Black boys", "Virginia Men", "Red Indians", "Tobacco Rolls", "Higlanders". A cette époque apparurent également les "London coffee houses", rendez-vous intellectuels et galants où l'on buvait et l'on fumait plus que de raison.

Le cigare se répandit en Grande-Bretagne à la suite de la "Peninsular War" (1808-1814) durant laquelle les soldats de Wellington firent la connaissance des vitoles au contact des guerillos espagnols. Ils continuèrent à en user de retour dans leurs foyers malgré l'hostilité de leurs femmes qui les poussaient sous le manteau de la cheminée ou à la cuisine, lorsqu'ils n'étaient pas obligés de se réfugier dans l'étable.

Le mot cigarette fit son apparition dans les dictionnaires en 1842. Charles Dickens l'utilise en 1844 et parle dans "Little Doritt" d'un personnage qui roulait les cigarettes dans des carrés de papier.



Les fabricants de cigarettes

C'est encore à l'occasion d'un conflit que les soldats anglais rapportèrent la cigarette du continent sur leur île. C'est en effet sous les murs de Sébastopol en Crimée que les soldats turcs et français apprirent à rouler les cigarettes à leurs compagnons d'armes britanniques (1854-1855).

Ces derniers rentrés en Angleterre demandèrent des cigarettes. C'est alors que Robert Gloag, un Ecossais, ex-officier payeur des forces turques en Crimée eu l'idée de tirer bon parti de ce nouveau débouché. Il créa dès 1857 une manufacture à Walworth, qui fabriquait des cigarettes gros module (longues comme deux fois et demie leur grosseur), en Lattaquié fort, de papier couleur paille et munies d'un bout de paille ou de carton.

L'exemple de Gloag ne tarda pas à être suivi par deux Grecs qui s’établirent à Londres et firent venir des Russes les seuls habitués à confectionner des cigarettes à la main.

De nombreux autres imitateurs se lancèrent dans cette activité lucrative et proposèrent au public de grandes variétés de cigarettes fantaisistes : bouts télescopiques ou sucrés, cigarettes colorées et parfumées, etc... La plupart de ces fabricants sont oubliés depuis longtemps.

D'autres pionniers plus sérieux ou plus chanceux se mirent à l'ouvrage, W. D. Wills, en 1871, commença à fabriquer, toujours à la main, des "Bristol" en Virginie "flue-cured" qui remportèrent un vif succès et furent à l'origine de l'engouement des Anglais pour la cigarette. En 1881, il expérimenta la première machine à cigarettes "Bonsack" (du nom de l'étudiant américain de 19 ans qui l'imagina). Cette machine qui fabriquait 200 cigarettes/minute (à tubes préformés) opéra une révolution dans l'industrie de la cigarette. Cinq ans après, Wills possédait 11 machines qui inondaient le marché de cigarettes flue-cured Virginie.

John Player, en 1877, exploitait une petite manufacture dans le faubourg de Nottingham. Il fit venir d'Amérique une machine "Baron" (nom de l'émigré russe aux U.S.A. qui l'inventa) et prit d' heureuses initiatives commerciales : conditionnement du tabac en paquet de poids et qualité définis, appositions de la signature et de la marque de fabrique "Trade mark - Nottingham Castel". En 1888, il décora son paquet de cigarettes, toujours "hand made", de la fameuse tête de marin barbu encadrée dans une bouée. En 1900, il lança l'étui à tiroir en carton qui devait devenir la présentation standard de la cigarette anglaise dans le monde entier.

Carreras s'établit dans le West End de Londres avec la machine Baron et surclassa pour un temps tous ses concurrents.

Cependant, Lambert et Butler se firent connaître par la "Perfect cigarette" à bout en bois et Cope par un nouveau mode de publicité qui fit depuis fortune, le slogan :

Nos cigarettes sont faites par de jeunes et jolies Anglaises dans une fabrique modèle.

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Un autre slogan célèbre et toujours vivant est le "Player's please" qui en anglais a deux sens : "Des Player's s'il vous plaît", et "Les Player's plaisent".

sociétés anglaises de tabac Le succès de la fabrication industrielle des cigarettes multiplia les fabricants qui se livrèrent une concurrence de plus en plus vive. Gloag eut l'idée d'insérer dans ses "Citamora" une première série de cartes illustrées, représentant des actrices célèbres. Quelques années plus tard, on put dénombrer plus de 3 000 séries de cartes que des collectionneurs s'arrachaient à prix d'or. Le commerce de ces cartes à travers le monde, prit une telle extension qu'il émût les moralistes estimant scandaleux que des "femmes à gorges avantageuses et aux jambes luxurieuses" pussent ainsi être exhibées sur des cartons.

Au cours de l'ère victorienne, l'Angleterre prenait la tête de la révolution industrielle. "Le fer et le charbon, ces nerfs de l'industrie", (Robert Peel) donnaient aux manufactures anglaises de grands avantages sur leurs rivales. Pour s'agrandir et se développer les manufactures de tabac furent obligées de se plier à la loi de concentration industrielle et financière. De nombreuses entreprises familiales inaptes à l'adaptation disparurent. A l’opposé d’autres se transformèrent en sociétés anonymes, telles Wills, Wild Woodbine, Capstan Navy Cut, Gold Flake, The Three Castles, etc. …

L'histoire de Player’s est à cet égard instructive : désireux de construire une nouvelle fabrique, J. Player acquis suffisamment de terrain pour en bâtir trois (**); il en loua deux, en attendant l'avenir, à des fabricants de dentelles. En 1898, trois fabriques de cigarettes occupaient 1 000 ouvriers et ouvrières. La petite manufacture de Nottingham n'en employait que 150.



La guerre du tabac

sociétés anglaises de tabac La concentration de l'industrie anglaise des tabacs a été considérablement accélérée par l'irruption brusque des fabricants américains sur le marché anglais, qui provoqua la fameuse "Tobacco war".

Tout imbue des avantages et de l'avance qu'elle avait sur ses rivaux, la nouvelle aristocratie industrielle anglaise qui remplaçait peu à peu la noblesse terrienne, ne vit pas nettement le danger que constituait, pour elle, le développement des industries américaines. Or, dès 1880, le monopole minier britannique était menacé. D'autre part, les bases et l'économie industrielle commençaient à se modifier conférant de plus en plus d'importance à la fabrication en grande quantité pour un vaste marché.

En 1901, le "Tobacco World" anglais sonna l'alarme en annonçant à ses lecteurs la constitution d'un "Cigarette Trust" à New Jersey (U.S.A.) qui, sous le nom d'"American Tobacco Co" groupait les principaux fabricants de cigarettes des Etats-Unis.

La même année, le nouveau trust manifestait un dynamisme inquiétant : William Duke, son président, débarqua en Angleterre pour racheter une vieille affaire à la famille Ogden au prix fabuleux pour l'époque de £ 1 165 107. L'intention manifeste (***) du président était de contrôler tout le commerce anglais du tabac. La riposte fut appropriée à la menace : les principaux fabricants anglais Wills, Players, Ringer, Lambert et Butler, Churchman, Abdulla, Stephen & Mitchell fusionnèrent pour constituer I'Imperial Tobacco co (of Great Britain and Ireland) Ltd.

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La guerre du tabac était déclarée... mais presque aussitôt les dirigeants de New Jersey réalisant que leur offensive avait fait long feu, après avoir subi des pertes sensibles sur leurs affaires du Royaume-Uni, prirent le sage parti de s'associer au lieu de se battre. Ce fut, selon la revue anglaise "Tobacco", la défaite de "l'envahisseur américain". En octobre 1902 un arrangement intervint : L'American Tobacco se retirait du marché intérieur britannique. L'Imperial Tobacco et l'American Tobacco fondaient une nouvelle société sous la raison sociale Bristish-American Tobacco Co Ltd (****).

Cette dernière achetait les droits des marques de chacun des groupes primitifs pour tout le commerce extérieur à la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord et aux Etats-Unis.

Elle devenait ainsi détentrice, en dehors des territoires de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et des Etats-Unis, de marques très connues qui appartiennent respectivement à l'intérieur de ces pays à l'Imperial Tobacco et à l'American Tobacco telles que Players, Wills, Churchmans, Pall-Mall, Lucky Strike.

A l'Imperial Tobacco, grossi de Ogden & co, revenait le "home trade". Il est intéressant de préciser que la B.A.T. a des capitaux et des administrateurs distincts de L’I.T. Une certaine interpénétration marquant l'association anglo-américaine des 1ères années, a disparu aujourd'hui.

Si l'I. T. reste actionnaire de la B.A.T., l'American Tobacco a cédé ses actions à la B.A.T. en 1911.

Il ne subsiste plus aucun lien financier ou autre entre la compagnie américaine et les deux grandes compagnies anglaises.

La B.A.T. a son siège social à Londres.

Le tabac et Ia guerre

Durant les deux conflits mondiaux, le tabac, auxiliaire indispensable au moral du combattant, fut mis sur le pied de guerre ("on a war footing"). Alexander Maxwell, préposé au ravitaillement de la Grande-Bretagne en tabacs en feuilles en 1940 fut anobli pour services rendus à la nation.

Ainsi du cigare de Sir W. Churchill à la "De Reszke Minor" de la W.A.C., le tabac anglais fut officiellement admis à l'honneur d'avoir contribué au succès de la bataille d'Angleterre.

La guerre consacra le triomphe de la cigarette : alors qu'en 1900 les 4/3 du tabac vendu était du scaferlati et autres produits à priser et à mâcher, cette proportion passait à la moitié en 1918. En 1945, elle se renversait et les 4/5e du commerce du tabac du Royaume-Uni était constitué par les cigarettes.

La guerre de 1939-1945 eut pour résultat important de rendre pour moitié l'approvisionnement du Royaume-Uni en tabacs indépendant des Etats-Unis. Ce sont les pays du Commonwealth qui, désormais, complètent la fourniture-pays sur le sol desquels des plantations, usines, entrepôts, laboratoires ont été créés par les grandes sociétés.

Une autre conséquence de la guerre a été l'accélération du mouvement de concentration industrielle, qui s'est traduite par des fusions d'affaires petites ou grandes ou par l'absorption de petits fabricants par des groupes de sociétés.

Tout récemment l'ancienne maison Carreras s'est associée à la jeune Rothmann of Pall Mall, le nouveau groupe s'adjoignant peu après la Rembrandt, Sud-Africaine.

Par ailleurs la concurrence anarchique entre les industriels, qui s'était manifestée dans le passé par des batailles de cartes illustrées, a fait place à une organisation progressive du marché du tabac, facilitée par la constitution de la Tobacco Trade Association.



Physionomie actuelle de l'industrie du tabac

Au terme de cette évolution, la structure actuelle de l'industrie du tabac en Grande-Bretagne, présente une juxtaposition d'entreprises de dimensions et d'importance extrêmement diverses.

Les deux grandes sociétés dont la naissance vient d'être évoquée se partagent l'ensemble du marché mondial : l'une l'Imperial Tobacco Ltd qui fabrique seulement pour le "Home Trade", l'autre s'est adjugé la totalité des marchés extérieurs, bénéficiant de la position dominante à l'égard des exportations.

L’Imperial Tobacco assure à lui seul les ¾ de la production de cigarettes vendues en Grande-Bretagne et en Irlande du Nord. Il occupe 46.000 employés et a réalisé en 1958 un chiffre d'affaires de plus de 800 milliards de francs.

La British American Tobacco fabrique et vend les mêmes marques que l'Imperial Tobacco, mais à l'étranger et dans le Commonwealth. Son importance économique et financière est sensiblement plus grande que celle de l'Imperial Tobacco, puisque avec ses 100 000 employés, elle a atteint, la même année, le chiffre d'affaires (estimé) à 3 560 milliards de francs. Rappelons à titre de comparaison, que le S.E.I.T.A. n'arrive pas à la moitié de ces chiffres avec ses 15 000 agents et son chiffre d'affaires de 300 milliards.

De concert avec les grandes marques américaines, ces deux groupes exercent sur le marché mondial du tabac, des effets de domination et une action directrice en matière de présentation, d'habilitation et de goût.

Il ne reste, pour les autres sociétés anglaises, que le quart du marché domestique soit grosso modo 200 milliards de francs de chiffre d'affaires répartis en deux compagnies importantes et quelques autres fabricants :

Viennent ensuite :

La taxation et le marché des cigarettes

Les sociétés de tabacs du Royaume-Uni se sont transformées suivant les lois de l'évolution industrielle et financière des pays modernes. Rien ne les distinguerait des firmes européennes si le mode d'application des droits de douane, l'organisation de la profession et ses rapports avec l'Etat, ne lui conféraient des traits originaux.

L'histoire de la seule taxation du tabac en Grande-Bretagne pourrait faire l'objet d'une étude fort attrayante. Le cadre de cet article permet de faire seulement le point sur l'état actuel de la question.

On sait que l'industrie du tabac et la vente sont libres au Royaume-Uni. Des droits de douane élevés frappent le tabac en feuilles à l'importation. La quantité de tabac cultivé sur le sol national étant négligeable, c'est pratiquement tout le tabac brut qui, dès son débarquement, est mis à l'entrepôt sous douane. Les fabricants payent le droit sur les feuilles de tabac avant de les enlever à l'entrepôt et les transporter à leurs usines.

Il existe deux tarifs sur le tabac brut :

Il est remarquable que la sévérité de la réglementation douanière anglaise à l'origine du maintien de la tradition des cigarettes "Virginie". Les "Customs regulations" interdisent en effet toute altération du tabac dans les procédés de fabrication, ce qui empêche les fabricants anglais d'avoir recours aux procédés de "flavoring" si courants aux Etats-Unis.

Avec l'"income tax" (impôt sur le revenu), l'impôt sur le tabac représente de loin la plus importante source de recettes fiscales du gouvernement britannique.

En 1958, l'industrie du tabac du Royaume-Uni a vendu pour 260 millions de lb de tabac dont 225 millions de cigarettes, soit 86 0/0 (ou 117 780 000 kg de tabac dont 102 000 000 kg ou 102 000 millions de cigarettes).

sociétés anglaises de tabac

Quelles sont les cigarettes les plus demandées au Royaume-Uni ?

Les cigarettes populaires, courtes sans bout filtre, sont vendues 3/* les 20, soit 150 F. ce sont les Wills's Woodbine, les "Gauloises" anglaises; puis Player's Weight et Gallahers Park Drive. Viennent ensuitre des cigarettes moyennes au prix de 3/11 d. les 20, soit 255 F, qui rassemblent les Player’s Medium Navy Cut, Gallaher’s Senior Service et Will’s Capstan.

Les cigarettes à bout "tipped" sont moins chères et contiennent moins de tabac. Correspondant aux cigarettes ordinaires sus mentionnées elles se vendent resprectivement : 2/6 d et ¾ d, soit 160 F et 215 F.

Dans la première catégorie se rangent les Will’s Woodbine tipped et les Player's Anchor tipped. Dans la seconde : les Player's Bachelor tipped et les Will's Bristol tipped.

Les ventes de cigarettes "Tipped King Size ou Long Size" quoiqu'en augmentation ne représentant qu’un dixième des ventes de cigarettes à bout ou un centième des ventes totales. Elles sont vendues entre 3/10 d et 4/ , soit entre 250 F et 260 F.

L'ensemble de ce qui vient d'être exposé a-t-il révélé l'aspect spécifiquement britannique de l'industrie du tabac au Royaume-Uni ? Non point.

Il faut revenir aux quelque 2 000 marques de cigarettes anglaises qui constituent en fait autant de variétés de produits fabriqués par une dizaine de sociétés ou groupes.

Chaque groupe fait de la publicité pour ses propres marques qui restent fières "d'avoir été fondées en 1750", ou d'être "le fournisseur attitré de Sa Majesté..."

"By appointment to her Majesty the Queen.
Tobacconists X... Ltd.
"

Bien entendu, ce ne sont plus de véritables raisons sociales : comme les uniformes des grenadiers de Buckingham Palace, comme les marques de tailleurs rachetées par les grands magasins, elles sont passées dans le domaine du souvenir vénérable ou de la collection de musée, et comme telles, très chères au cœur des Anglais qui leur témoignent une grande fidélité.

Flammes et fumées sociétés anglaises

L'évolution des sociétés anglaises de tabac illustre cette constante du caractère anglais qui combine heureusement les survivances au modernisme et relie avec art le passé à l'avenir.

Au sein d'une civilisation qui, par la production en masse d'objets standardisés, tend vers l'uniformisation, cette sagesse qui cultive le souci de l'authentique et de l'original, a, sans doute, plus de mérite que ne le laisse croire Ionesco quand il raille gentiment dans sa "Cantatrice chauve", cette soirée anglaise :

"M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais près du feu... A côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mrs Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises [tout en fumant une cigarette anglaise...]. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups..."



(*) Livre anglaise 0,153 kg - d = penny (plur. : pence).

(**) Les terrains à vendre sont encore plus recherchés de nos jours en Angleterre qu'au temps de John layer (père). Ayant appris récemment que la London Crematorium Company mettait le Crématoire de Londres en vente, l'Amalgamated Tobacco Corporation se porta acquéreur et émit dans ce but des actions en promettant aux actionnaires un supplément de dividendes... sans préciser toutefois par quelle voie elle entendait atteindre cette fin hautement désirable. Toujours est-il que l'A.T.C. offre maintenant 50 1 au lieu de 42 avant l'opération.

(***) Il se vanta de capturer le commerce anglais et européen moyennant £ 30 millions.

(****) Co Ltd : Company Limited Société par actions.

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