Tabagisme Passif

15/01/06

Il n'y a pas de lien entre cancer du poumon et exposition à la fumée de tabac dans l'air ambiant.

Les activistes anti-fumeurs vont avoir beaucoup de mal à démontrer que la " fumée passive " est dangereuse pour les non-fumeurs.

Le risque de cancer du poumon chez un non-fumeur, associé à l'exposition de la fumée de tabac dans l'air ambiant, est considérablement révisé à la baisse et pour tout dire effacé par les résultats de la plus importante étude épidémiologique jamais conduite en Europe. Ils ont été publiés par le très sérieux Joumal of the National Cancer Institute américain en octobre 1998.

Cette enquête a mobilisé pendant dix ans, plus d'une trentaine de chercheurs du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), un des plus prestigieux laboratoires de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Elle a impliqué douze centres de recherche de sept pays européens y compris la France (INSERM U351, Villejuif) sous la direction du Docteur Paolo Boffetta. Il a fallu en effet du temps pour identifier, parmi 12 000 cas de cancer pulmonaire, 650 personnes, essentiellement des femmes, qui n'avaient jamais fumé. Ces cas ont été comparés à un groupe témoin de 1542 sujets non-fumeurs, âgés de moins de 74 ans, et qui ne présentaient pas de cancer. C'est ce qu'on appelle une étude cas-contrôle. Selon le Docteur Boffetta, cette série de 650 cas de cancer pulmonaire chez de véritables non-fumeurs est la série la plus importante jamais réunie dans le monde.

Le risque en fonction du tabagisme passif a été recherché pour trois sources principales d'expositions :

Les résultats trouvés par le Docteur Paolo Boffetta et ses confrères sont les suivants :

Un risque non significatif

Les risques relatifs de 1,14, 1,16 et 1,17 rapportés par le CIRC (parfois présentés comme une augmentation de 14%, 16% et 17% du risque) doivent être replacés dans leur contexte pour être compris et appréciés.

Selon un ouvrage de référence publié par le CIRC lui-même, " les risques relatifs inférieurs à 2,0 peuvent facilement refléter une erreur systématique ou un facteur de confusion non apparent " (2). Aux Etats-Unis, le National Cancer Institute, dont le journal publie l'étude du CIRC, a tiré les mêmes conclusions estimant qu'en matière de " recherches épidémiologiques, les risques inférieurs à 2,0 sont considérés comme faibles et généralement difficiles à interpréter " (3).
Les résultats publiés aujourd'hui par le CIRC entrent justement dans cette catégorie de risques considérés par la plupart des scientifiques comme " faibles " et par conséquent non-significatifs.

Dans les études épidémiologiques sur l'exposition à la fumée de tabac dans l'air ambiant, comme celle du CIRC, des questionnaires sont utilisés pour évaluer l'exposition à la fumée. Cette méthode consiste à s'en remettre à la bonne volonté et à la capacité des personnes interrogées à se souvenir de la nature et du degré de leur exposition à la fumée de tabac dans l'air ambiant pendant plusieurs dizaines d'années. De nombreux scientifiques avaient souligné le manque de fiabilité d'estimations d'études passées. Ces estimations sont en effet à la fois indirectes et décalées dans le temps. L'incapacité à se souvenir de l'exposition passée est un des problèmes qui " affectent de manière chronique les études épidémiologiques sur l'exposition à la fumée de tabac dans l'air ambiant " (4). C'est ce qu'on appelle un facteur de confusion.

C'est ainsi que les premières études publiées, notamment, par des scientifiques américains dans les années 80 faisaient état de risque relatif de cancer du poumon chez les non-fumeurs exposés à la fumée ambiante de l'ordre de 1,4 (40%). Puis l'Agence américaine de Protection de l'Environnement (EPA) en 1993, après avoir évoqué, dans un premier temps, un chiffre de 1,28, rendait un rapport concluant à un risque relatif de 1,19. Aujourd'hui le CIRC arrive à un risque relatif de 1,14 dans les cas de double exposition (travail et domicile). Ainsi, au cours des années et après plus d'une quarantaine d'études, l'estimation du risque baisse.

Plusieurs chercheurs ont fourni à cela une explication : l'amélioration de la qualité des études (notamment à travers l'attention portée aux facteurs de confusion) permet d'affiner les résultats, en se rapprochant d'un risque relatif de 1, ce qui signifie une absence d'augmentation du risque. En résumé, les résultats de l'étude du CIRC qu'ils soient considérés en eux-mêmes ou par comparaison à ceux de la quarantaine d'études épidémiologiques sur l'exposition à la fumée de tabac d'autrui, ne fournissent pas de base scientifique convaincante aux allégations concernant l'exposition à la fumée de tabac dans l'air ambiant et le cancer du poumon chez les non-fumeurs.

Un étrange oubli

Ainsi, répétons-le, au cours des années 80-95, l'estimation du risque baisse. Pendant ce temps en France, le professeur Tubiana rendait en avril 1997 à l'Académie Nationale de Médecine un rapport où, à partir d'une étude partielle, donc partiale - 16 études prises en considération sur les 40 existantes étaient passées en revue - il faisait état d'une augmentation moyenne du risque de 1,35. Un bond en arrière de 10 ans !... Difficilement explicable...

Au moment où le professeur Tubiana avançait un R.R de 1,35, il est difficile de croire qu'il n'était pas au courant des conclusions auxquelles était arrivé le CIRC, à savoir 1,14 en cas de double exposition. Le professeur Tubiana présentât en effet un " rapport d'un groupe d'étude sur le tabagisme passif " devant ses confrères académiciens comprenant notamment le Docteur Jean Trédaniel par ailleurs membre de l'équipe de chercheurs du CIRC.

Un " oubli " compréhensible si l'on se rapporte à la forte médiatisation - une demi-page dans " Le Monde " - du rapport Tubiana et des recommandations qu'il contient. En effet plus le risque relatif avancé est élevé, plus la médiatisation est assurée. Inversement, le faible risque relatif établi par le CIRC n'a trouvé que pas ou peu d'écho dans la presse grand public et médicale.

Quand l'OMS " retient " l'information

Il est vrai que les résultats de la recherche de l'OMS n'étaient manifestement pas destinés à cela. Qu'on en juge. La communauté scientifique et médicale connaissait l'existence de l'enquête du CIRC " la plus importante jamais réalisée en Europe ". Elle avait commencé il y a dix ans. Ses conclusions étaient attendues pour la fin 1996. Puis le premier trimestre 1997.

Elles devaient être, enfin, un des temps forts des Journées Mondiales Contre le Tabagisme qui se tenaient à Pékin en août 1997. On finit par les découvrir dans le rapport bi-annuel du CIRC de 1997 résumées en quelques paragraphes.

En fait cette étude " la plus importante... ", répétons-le, serait probablement passée inaperçue si la presse anglaise ne s'était pas saisie de l'affaire. Le 8 mars 1998, le " Sunday Telegraph " affirmait que, puisque ces résultats contribuaient à fragiliser la base des campagnes anti-tabac menées depuis plusieurs années, l'OMS avait tenté à ce sujet une rétention de l'information.

L'organisation a, aussitôt, démenti avoir voulu dissimuler quoique ce soit. Elle attendait, affirmait-elle, la réponse d'une revue scientifique avant de lancer la publication du rapport. Qui croira que l'imprimatur d'une revue scientifique soit un préalable indispensable à une telle publication lorsqu'elle émane de l'OMS et d'un laboratoire officiel aussi prestigieux que le CIRC ?

Il y a mieux. Dans sa riposte, l'OMS a réaffirmé son interprétation des données de l'étude qui concluait à l'époque et selon le résumé publié dans le rapport bi-annuel, à une augmentation du risque. Et l'OMS rappelait qu'étant donné la petite taille de l'échantillon, " aucune de ces augmentations n'était statistiquement significative ! ! "

L'OMS avait raison de prendre quelques précautions. La lecture de l'éditorial du Journal of the National Cancer Institute, accompagnant la publication de l'étude du CIRC est instructive et donne, par ailleurs, quelque crédit à l'accusation de rétention de l'information du " Sunday Telegraph ". Deux spécialistes de l'épidémiologie du tabac, les américains William Blot et Joseph K. McLaughlin, conviennent que le risque lié au tabagisme passif n'a plus grand chose à voir avec les estimations des années 1985-1995. " Lorsqu'on prend en compte, écrivent-ils, toutes les données désormais accumulées, dont celles publiées aujourd'hui- On ne peut échapper (NDLR : traduction : on constate avec regret) à la conclusion que l'exposition environnementale à la fumée du tabac est un cancérigène pulmonaire de faible intensité ". Plaisant euphémisme.

Pour l'OMS une bonne nouvelle est une mauvaise nouvelle

De son côté, " "The Economist " consacra, en mars 1998, au moment de la révélation par la presse anglaise des conclusions de l'étude du CIRC, une réflexion approfondie aux fonctionnements de l'OMS et aux pressions de plus en plus importantes que l'organisme semble recevoir, notamment de gros bailleurs de fonds que sont les États-Unis, afin de faire évoluer la science vers des intérêts " politiques ". D'où "l'absence de cohérences, de neutralité et de vision à long terme de l'institution, et le fait que par ces campagnes anti-tabac systématiquement fondées sur des données peu fiables ", l'OMS affaiblit même le message de prévention qu'elle destine aux fumeurs ".

Dans un article consacré au même sujet dans le " Wall Street Journal ", Lorraine Mooney, démographe médicale, explique comment les " croisés " de la santé publique, découragés de s'adresser aux fumeurs, se sont tournés vers ces victimes idéales que sont les non-fumeurs. D'où les campagnes alarmistes, et cette impression d'être passé d'une " cause de santé publique à une croisade morale ".

Pour l'éditorialiste du " Sunday Telegraph " qui remarque ironiquement que pour l'OMS " les bonnes nouvelles sont de mauvaises nouvelles ", l'organisation tend à exercer de plus en plus une intrusion dans l'existence quotidienne des gens. " Nous vivons dans une ère où l'homme ne s'est jamais aussi bien porté, mais on ne nous laissera désormais plus jamais en paix " conclut l'article.

Au-delà des critiques adressées à l'OMS, ces chroniques montrent bien l'enjeu dont dépend aujourd'hui la production des données scientifiques et des statistiques; offrir l'incontournable fondement aux politiques publiques de réglementations et d'interdictions. Peut-on au moins espérer que les résultats publiés aujourd'hui par le CIRC enlèveront toute légitimité aux restrictions injustifiées à la consommation de tabac en public. Et que cessera la " manœuvre " d'encerclement des fumeurs.

(1) On appelle risque relatif le rapport statistique mesurant l'association entre la présence d'un facteur donné et la survenance d'une maladie donnée. Un risque relatif de 1 signifie qu'il n'y a pas d'augmentation du risque mesuré.
(2) Breslow, Naua Day, N, Statistical Method in Cancer Research, Vol. 1, 1980.
(3) U.S. National Cancer Institute, communiqué de presse du 26 octobre 1994.
(4) U.S. Congressionnal, Research Service, Environmental Tobacco Smoke and Lung Cancer Risk, 1995.