Etude des tuyaux

par Neill Archer Roan

14/01/08
Etude des tuyaux

Il est indubitable que la forme, la conception, le choix du matériau et le confort d'un tuyau de pipe sont des facteurs importants, dont tant les artisans que les fabriques tiennent compte pour procurer à leurs clients une bonne expérience de fumage. Greg Pease m'a rapporté qu'Ingo Garbe – un pipier dont le talent pour fabriquer des tuyaux est légendaire – a dit "Ce sont les deux derniers centimètres d'un tuyau qui sont importants" (la partie du tuyau qui arrive dans la bouche du fumeur).

A mon avis, un maître méconnu de la fabrication de tuyau est le pipier américain Jody Davis. L'élégance de Davis, sa régularité, sa conception et son confort se combinent en un excellent résultat. La délicatesse de ses lentilles et leur proportion au tuyau sont parfaites, ainsi que l'on peut le voir ci-dessous, sur le tuyau d'une de ses horns "Cardinal".

Parce que les dents et la bouche sont sensibles au confort et à la convenance, une lentille trop épaisse peut s'avérer inconfortable et difficile à prendre en bouche.

Etude des tuyaux

Un tuyau pas assez large ne va pas répartir le poids de la pipe sur suffisamment de dents pour créer une sensation de légèreté et d'équilibre. Parce que la pipe est tenue en bouche au bout de ce qu'il faut bien appeler un levier, la longueur de celle-ci et la distribution de son poids se combinent pour augmenter la force vers le bas. La largeur du tuyau aide à diminuer cet effet de levier. Les artisans chevronnés et les designers tiennent compte de ce facteur quand ils conçoivent un tuyau.

La plupart des fumeurs de pipe prennent soin de nettoyer leur pipe après fumage. Aussi, sous un angle purement pratique, il est important que l'ouverture de la lentille et le canal acceptent le passage d'une chenillette. Une dimension de lentille très étroite restreint la taille du canal à l'embouchure; il peut être difficile, sinon impossible, d'y passer une chenillette. Tous ces facteurs se combinent pour faire qu'il vaut la peine d'examiner la conception du tuyau lors de l'achat d'une pipe.

Bon nombre d'artisans avec lesquels j'ai parlé ont souligné qu'ils passent jusqu'à la moitié du temps qu'il leur faut pour faire une pipe à tailler le tuyau. Alors que certains pipiers ont optimisé leurs procédés pour réduire le temps nécessaire à la fabrication des tuyaux, un tuyau fait-main qui 1) complète le design de la pipe et 2) qui est conçu de manière précise, nécessite du savoir-faire et du travail. En plus de créer un design séduisant qui ajoute à l'esthétique générale d'une pipe, tenir compte des considérations ci-dessus est aussi important.

Ces dernières semaines, j'ai consacré du temps à une étude détaillée de la conception et de la configuration des tuyaux (pour les besoins de cette étude, je me suis limité aux pipes de ma collection). Je vais discuter de mes découvertes et observations tout au long d'une série d'articles sur mon blog, à commencer par celui-ci).

J'ai photographié les tuyaux d'un certain nombre de pipiers sous trois angles: 1) face à l'orifice du tuyau, 2) de profil; et 3) avec le tuyau tourné en sorte que cela révèle sa largeur, sa forme et la configuration de la lentille. J'ai ensuite pris chaque tuyau et, à l'aide d'un pied à coulisse, j'ai soigneusement mesuré trois dimensions :

A) l'épaisseur du tuyau à la lentille; B) l'épaisseur de la lentille; et C) la largeur du tuyau.

A l'aide de ces dimensions, j'ai calculé la différence entre lentille et tuyau. Enfin, en examinant à la loupe le canal à son embouchure, j'ai pu décrire la stratégie utilisée par le pipier pour effectuer la transition du canal à la bouche.

Honnêtement, j'ai été confondu par le nombre de variantes trouvées dans l'art, le design et les raffinements des formes de tuyaux. Certains tuyaux – comme celui de la bouledogue de Michael Lindner que vous pouvez voir au début de cet article – révèlent une sensibilité quasi sculpturale. Le souci du détail va jusqu'aux plus petites courbes (convexes verticalement, concaves latéralement) de la forme de la lentille. Avec certaines autres fabrications chez lesquelles je m'attendais à trouver un haut niveau de raffinement et de détail – principalement à cause de leur prix ou de leur réputation – j'ai trouvé un travail relevant clairement de moins de sens du détail et de sensibilité artistique.

J'ai aussi trouvé de la consistance dans certaines dimensions.

Par exemple, l'épaisseur du tuyau était très régulièrement de 4,15 mm. Il semblerait qu'il y ait une adoption très répandue de cette dimension comme étant celle qui équilibre confort de la mâchoire, ouverture du tuyau et durabilité. Parce que les muscles de la mâchoire sont à la fois sensibles et très puissants, les fumeurs peuvent percer un tuyau avec des parois trop fines.

Vous avez ici un tableau qui montre les dimensions de tuyaux de divers pipiers. Souvenez-vous que chacun de ces tuyaux a été élaboré pour une pipe particulière. Ainsi, d'après mon expérience, la dimension la plus variable est celle de la largeur du tuyau. C'est la largeur qui va changer pour réduire l'effet de levier ou assurer la répartition du poids. La consistance de l'épaisseur près de la lentille semble indiquer que cette dimension est appelée à rester constante.

Il n'y a pas de doute que certains artisans vouent plus d'attention au façonnage de leurs tuyaux que d'autres. De plus, la gamme de prix de leurs produits ne correspond pas au degré de raffinement que j'ai découvert. Par exemple, John Crosby, un jeune pipier dont la majorité des pipes n'a pas franchi la barre des 300 $ fabrique des tuyaux à la fois raffinés esthétiquement et confortables.

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Les tuyaux de Will Purdy révèlent une qualité sculpturale dans leur façon. Notez la délicatesse de la lentille, en contraste avec la transition massive du joint entre tuyau et tige.

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Certains pipiers – comme Alexis Florov – admettent aisément que leur travail du tuyau a été grandement influencé par des observations critiques de pipiers plus expérimentés. Il y a deux ans, Florov a été invité par Bo Nordh à s'asseoir et à discuter de façon critique son approche des tuyaux. Cette conversation en a transformé sa vision, avec pour résultat une ouverture en trompette à l'embouchure, ainsi qu'un profil plus délicat de la lentille et un tuyau plus fin près de la lentille. Florov commença aussi à utiliser une forme plus évasée – comme on peut le voir sur le tuyau de cutty à longue tige. De nombreux pipiers travaillent continuellement à améliorer le design et la technologie de leurs tuyaux. Florov en est juste un exemple.

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Alors qu'il peut être raisonnable de s'attendre à ce qu'un artisan puisse consacrer plus de temps à la fabrication d'un tuyau qu'une usine, l'évidence montre que certains grands fabricants et usines façonnent de bons tuyaux (Bob Hamlin me rappelait récemment que Castello ne peut plus être considéré comme une usine). Ici, vous pouvez voir le tuyau en Lucite d'une ancienne Castello #55. Bien qu'il soit un peu plus épais près de la lentille que d'autres tuyaux, la configuration générale est très raffinée, et la forme de la lentille n'est pas seulement délicate et raffinée, mais aussi façonnée en une courbe légèrement convexe.

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Dans un état de totale ouverture quand j'ai commencé cette étude sur le design et la fabrication des tuyaux, j'y ai amené certaines hypothèses idées préconçues. Certaines de ces idées prenaient racine dans la culture générale au sens large. Par exemple, je croyais que les tuyaux faits aujourd'hui étaient meilleurs que ceux d'autrefois.

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Un examen minutieux du tuyau de cette Comoy Blue Riband révèle que les artisans qui fabriquaient ces tuyaux utilisaient des techniques de conception et de design avancées il y a déjà quelques décennies; on distingue des techniques d'évasement de l'intérieur de l'orifice aussi bien qu'un élargissement en vue de réduire le poids sur la mâchoire. Le travail de la lentille est superbe. De nombreux aspects des tuyaux de la Blue Riband sont absents de tuyaux fabriqués aujourd'hui par des artisans et des fabricants qui pourraient en avoir appris du travail réalisé il y a des décennies.

Je pense que la plupart des gens achètent avec l'idée que l'expérience, l'amélioration et l'innovation rendent des choses comme les tuyaux meilleures. Cette idée est basée sur trois autres: 1) les innovations sont diffusées parmi les pipiers et les fabricants; 2) les pipiers et les fabricants examinent réellement le travail des autres et apprennent les uns des autres; 3) le niveau de formation et la recherche pour la qualité des acheteurs promeuvent une amélioration continue de la qualité.

Cependant que quelques-unes sont vraies pour certains artisans au sein de la communauté des pipiers, elles ne le sont pas uniformément. Certains pipiers sont pour ainsi dire insulaires et coupés de leurs pairs; par exemple, je ne sais pas si quiconque sait réellement si Ingo Garbe existe vraiment ou non (j'exagère un peu, pour l'effet…)

D'autres artisans sont bien connus pour visiter les ateliers les uns des autres, réellement observer leur travail et apprendre de nouveaux principes de design et des techniques d'exécution. Par exemple, Jeff Gracik et Mike Lindner ont tous deux passé un temps considérable dans l'atelier de Jody Davis. Todd Johnson s'est déplacé au Danemark pour travailler chez Tom Eltang. Manduela a travaillé dans l'atelier de Poul Ilsted. Brad Pohlmann est allé dans celui de Todd Johnson. Adam Davidson, lui aussi, a été très fortement influencé par Johnson alors qu'il était employé par lui pour fabriquer sa ligne de pipes Medici. Et il y a d'autres exemples de ces démarches. Savoir si quelques pipiers étudient entre eux leur travail et apprennent les uns des autres n'est pas mis en question. Par exemple, Jeff Gracik, qui fabrique les pipes J. Alan, décrit l'influence que Jody Davis a eue sur son approche du design des tuyaux:

"Mes tuyaux sont basés sur ce que je considère être les meilleurs tuyaux de la branche - Jody Davis et Cornelius Maenz. Mon travail a repris ce que je pensais être les meilleurs aspects des deux (les tailles standardisées et le confort chez Jody, la finesse et le profil chez Cornelius), et je les ai modifiés pour en faire le tuyau standard le plus confortable et le plus stable pour moi."

Gracik explique que cette décision de standardiser ses tuyaux a été prise sous l'influence de Jody Davis. "Son travail est très constant, avec une marge étroite et acceptable, en sorte que les clients savent à quoi s'attendre. De même, je souhaite que mes clients apprécient mes tuyaux et sachent quoi attendre lors de futurs achats. Certains pipiers ont une approche plus fluide des tuyaux, et voient leur travail varier en dimension pour des raisons d'esthétique et/ou de fonction. Une poignée d'autres ont des tailles standardisées pour les raisons mentionnées ci-dessus. Tout comme travailler avec des formes classiques, la standardisation oblige le pipier à penser à fond à comment intégrer un certain type de dimensions de tuyau dans une composition donnée sans donner l'impression d'avoir forcé. C'est un sacré défi, et il peut être difficile de composer avec de tels paramètres. Le travail en résultant offre un aspect artistique unique, couplé à un sentiment et une expérience de fumage familiers."

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On peut observer l'aspect artistique de Jeff Gracik dans cette "Dancing Dublin". L'intégration du design asymétrique, là où le tuyau rejoint la tige, révèle comment Gracik unit le design avec la technologie et la précision.

Peter Heeschen - un pipier danois avec une réputation de star pour sa maîtrise de la technologie et du confort des tuyaux – révèle dans ce tuyau d'une saucer ¼ courbe comment des éléments de design se combinent en un merveilleux effet.

Etude des tuyaux

Esthétiquement, l'insert de bois fantaisie rehausse et facilite la transition des volumes à partir de la tige ronde. La pipe est un peu lourde, aussi le large tuyau saddle (16,66 mm) aide à en distribuer le poids sur les dents. La finesse à la lentille (4,15 mm) crée du confort pour la mâchoire, et le profil de la lentille, ainsi que sa courbure, en rendent la prise confortable tant à gauche qu'à droite de la bouche.

Les principes de levier que j'ai décrit dans la 1ère partie de cet article (le poids d'une pipe est multiplié par sa longueur et la distribution de son poids) ont effet direct sur le design du tuyau. Une grande pipe avec un grand fourneau sera manifestement plus confortable avec un tuyau large. Un tuyau étroit pour une grande pipe ne sera pas adéquat pour un fumeur qui aime à caler sa pipe entre ses mâchoires.

Le design des tuyaux de Todd Johnson pour cette freehand augmente le confort. La largeur du tuyau (19,76 mm) rend cette relativement grande pipe (14,6 cm) tout à fait adéquate pour la tenir en bouche. La finesse du tuyau (3,11 mm) procure un grand confort de la mâchoire, mais il est toutefois difficile de passer une chenillette dans le tuyau depuis la lentille.

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Pour en revenir aux idées et préjugés que j'ai amenés dans cette étude, j'étais absolument convaincu que les pipes plus chères (et les pipiers plus connus, si ce n'est fameux) devaient produire les tuyaux les plus merveilleusement ouvrés et les plus précisément conçus.

Eh bien, puisque je ne peux pas voir l'intérieur des tuyaux – non plus que je suis un expert en conception pour la construction et le design de l'intérieur d'une pipe – je vais m'abstenir d'émettre des jugements sur la technique. Mais en ce qui concerne la façon, le design et le confort, je peux affirmer haut et fort qu'une fois un certain seuil franchi, un merveilleux travail est disponible, et en évidence. Il n'y a pas besoin de dépenser 1000 $ pour en arriver là.

Tant Brian Ruthenberg que Rad Davis ont l'excellente réputation de créer de la valeur auprès de leurs clients. Même ainsi, je me demande bien si leur habileté est vraiment appréciée pour ses niveaux de qualité, de finition et de précision. Il y a certainement des pipiers dont le travail égale le leur, mais très peu qui le surpassent.

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Le travail de ces deux artisans peut être acquis pour aussi peu que 300 $, plus ou moins. C'est la preuve que de l'excellent travail de tuyau est disponible sans devoir pour autant aller dans des gammes de prix à 4 chiffres et au-dessus.

Tous deux emploient une forme de fine trompette à la lentille. Cet évasement aide à maintenir un débit d'air constant depuis le canal d'air, aussi bien qu'à distribuer la dose de fumée sur les diverses zones sensibles de la langue. Greg Pease insiste sur le fait que le design et l'exécution du tuyau sont des facteurs critiques dans la manière dont une pipe "donne" les arômes d'un tabac; des éventails plus grands et plus larges sont délivrés par un canal en trompette correctement exécuté.

Tous deux polissent également l'intérieur de la lentille et le canal d'air. Ainsi que l'image du milieu dans les deux rangées le montre, le profil de la lentille elle-même est fin, mais solide.

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Il y a 3 types de fumeurs de pipes :

  1. les "mordeurs": ceux qui tiennent leur pipe entre leurs dents
  2. les "têteurs" qui posent leur pipe entre les lèvres pour aspirer la fumée; et
  3. ceux qui font les deux.

Pour des raisons pratiques, la plupart des fumeurs mordent et têtent, bien que chacun de nous fassent l'un plus que l'autre. Je suis moi-même plutôt mordeur, cependant qu'avec les plus grosses ou grandes pipes, j'ai tendance à tenir la pipe en main et à en aspirer la fumée.

Ainsi que je l'ai écrit dans la 1ère partie, le confort du tuyau est une composante importante de la qualité générale d'une pipe. Je pense que c'est spécialement vrai pour les mordeurs et les pipes tenues entre les dents. Les lèvres sont beaucoup moins sensibles à la forme d'un tuyau que ne le sont les dents.

A quel point une pipe est confortable en bouche est un facteur clé du comment nous percevons ses qualités de fumage. J'irai même plus loin, en affirmant qu'une pipe parfaitement fabriquée, avec un excellent rendu des arômes et un tirage facile, mais qui a un tuyau inconfortable, se trouve sérieusement défavorisée. Une mauvaise conception du tuyau est un défaut qui ne peut pas être compensé, à mon avis.

Ces points amènent à cette question: quelle stratégie de conception va créer le tuyau le plus confortable? Le design du tuyau devrait-il être modifié pour s'adapter aux différences de longueurs et de poids des pipes? Ou un fumeur de pipe a-t-il plus de chance de se sentir mieux s'il rencontre les mêmes dimensions de tuyaux ?

Ainsi que je l'ai écrit dans la 2e partie, en conséquence de l'influence de l'adoption par Jody Davis de designs standards et uniformes dans la fabrication de ses tuyaux, Jeff Gracik travaille maintenant à garantir que toutes ses pipes donneront la même sensation en bouche. Pour réaliser ceci, Davis et Gracik ont dû développer des stratégies de design qui réconcilient les différents formes de pipes avec des dimensions de tuyaux identiques.

Adam Davidson exprime une opinion similaire lorsqu'il expose des pipes à des gens qui envisagent un achat chez Smokingpipes.com. Davidson fait remarquer que plus le pipier s'éloigne du devant de la pipe, moins il a de marge pour s'exprimer. Lorsqu'on atteint la lentille et l'ouverture, une précision absolue est requise.

Comme résultat des remarques de Gracik et Davidson, j'ai décidé d'examiner le travail de Jody Davis sous l'angle de la constance des dimensions de ses tuyaux dans le contexte de diverses formes, tailles et poids. Heureusement, j'ai assez d'exemples de l'œuvre de Jody Davis (13 pièces) dans ma collection pour faire un éventail raisonnable d'observations, bien que ma collection ne soit en aucun cas exhaustive.

Mon examen a révélé que la description de Gracik relative au travail de Jody Davis était correcte. Si l'on retire les deux bambous de l'équipe (elles sont clairement conçues pour être tenues en main, du fait de leur longueur et de la distribution de leur poids, ceci en faisant des hors-concours), la déviation standard dans l'épaisseur des tuyaux est de 6 microns, avec une épaisseur moyenne de 4,1436 mm.

La largeur des tuyaux ne varie que de 31 centièmes de mm. Ainsi, sans tenir compte du poids (et ma collection de Davis va de 31 à 74 grammes, avec un poids moyen de 48), les tuyaux de Davis ont une largeur presque uniforme de 16,62 mm à la lentille.

Cette variation est insignifiante.

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Il y a un autre avantage significatif dans l'approche de Davis (et de quelques autres) de la configuration des tuyaux. En utilisant les mêmes dimensions internes et externes, Davis aide à garantir que les pipes rendent les arômes du tabac de la même façon entre les pipes. Comment cela fonctionne-t-il ?

Introduire des similarités au sein d'un certain nombre de pipes tendra à renforcer une habitude de fumage. Un fumeur de pipe s'habitue à produire un certain tirage et peut intuitivement ajuster le tirage au tabac et au bourrage. La configuration répétée des dimensions du canal d'air et de l'ouverture du tuyau réduisent le nombre de variables en présence lors du fumage.

Varier les dimensions du canal d'air et du tuyau aura pour résultat de: 1) varier les volumes d'air transitant à travers le tabac incandescent et 2) varier les volumes de fumée délivrés aux différentes parties sensibles de la langue. Varier les volumes d'air à travers la braise va chauffer le tabac différemment, en modifiant le goût. Des canaux d'air trop grands présentent un risque de surchauffe qui peuvent amener des brûlures de la langue. En répliquant le design et les dimensions, Davis procure du confort de deux manières: 1) les dents s'accoutument à une certaine sensation du tuyau et 2) il y a une habitude au niveau du tirage.

Récemment, dans un fil sur le Smokers Forum, un ami collectionneur de pipes danoises high grade a exprimé l'opinion que la plupart des artisans Danois high grade façonnent leurs tuyaux pour compenser des différences dans la fabrication de chaque pièce – poids, longueur, répartition du poids, équilibre, etc. Si ceci peut bien être vrai dans une certaine mesure, ma recherche et mon expérience contredisent cette opinion. Oui, il y a des variations dans la largeur du tuyau. Toutefois, elle est d'abord commandée par la forme, lorsque les artisans s'occupent de la transition entre la tige et le tuyau.

Une variation importante est plutôt l'exception que la règle. Le tableau des dimensions des tuyaux (dans la 1ère partie, et posté à part), qui compare 36 artisans et fabriques du monde entier, est un échantillon de preuves raisonnable à l'appui de ma conclusion qu'il y a plus de constance dans les dimensions qu'il n'y a de différence.

En pratique, les différences n'ont qu peu d'importance, en ce qui concerne les dimensions. Il y a des différences, toutefois, dans la forme des orifices, le degré auquel l'orifice et l'intérieur du tuyau sont façonnés et polis, et dans les forme et profil de la lentille. Il apparaît également y avoir de la constance dans le travail des pipiers, ainsi que l'on peut en conclure de la lecture du dernier article, qui présentait les pipes de Jody Davis. L'œuvre de Davis semblerait indiquer qu'il travaille de manière exacte et précise en vue d'obtenir de la constance, et qu'il considère ce facteur comme un critère de qualité.

Cet article va explorer l'œuvre d'un autre pipier étasunien, Brian Ruthenberg, un artisan dont je collectionne les pipes et pour lequel j'ai un immense respect.

Si je devais comparer et noter les différences entre Jody Davis (que je collectionne aussi) et Brian Ruthenberg, je pourrais trouver de nombreux points communs. Tous deux sont des artisans précis et d'excellents techniciens. Tous deux ont de très hautes exigences. Chez les deux, la qualité de finition des orifices est incroyablement haute. Mais là où Davis tend vers une constance exacte, Brian Ruthenberg emploie la variété comme stratégie pour apporter une superbe expérience à ceux qui fument ses pipes. Mêmes buts, mais des moyens différents.

Pour moi, Ruthenberg est un étude de la contradiction. Il est constant dans l'expression de la philosophie de son hobby: "Rien n'est faux." Il pense que la qualité est avant tout une expérience subjective, définie par l'utilisateur final. Dans le monde de Brian Ruthenberg, il y a peu de justes et de faux, juste des différences d'opinion et d'expérience (considérant que Brian n'est pas un intellectuel, sa philosophie post-Moderne à propos de la vérité est remarquablement cohérente si on la compare avec celles des philosophes et épistémologistes qui écrivent à notre époque).

En même temps, c'est un expérimentateur sans repos. "Chacun de mes rejetées devient un projet scientifique pour moi" a-t-il écrit dans un post dans le Forum de Pipes and Tobacco’s Foundations. Il compte ses rejetées par centaines. Tous les indices semblent dire que Brian, en dépit de ses protestations du contraire, est très concerné par le bien-faire. Focaliser sur l'expérimentation sans relâche semble lui avoir réussi. Bien que ceci ne soit que mon expérience subjective, je trouve que mes Ruthenberg sont de remarquables fumeuses.

Un point significatif de l'expérimentation de Ruthenberg est le diamètre du canal de fumée. Il ne perce pas une pipe en dessous de 4 mm. Il prétend que 3,5 mm (un diamètre utilisé par la plupart des pipiers des USA, dont Jody Davis) est trop petit, et restreint le tirage.

De plus, Ruthenberg pense que la section de ce canal devrait être ajustée pour correspondre à la taille du fourneau et à la capacité de la pipe. "Est-ce qu'une grande chambre à tabac ne nécessite pas plus d'air pour brûler correctement le tabac?" demande-t-il. "Le bon sens me dit que, pour aspirer efficacement plus d'air dans une plus grande chambre au moyen du vide créé par le tirage sur la pipe, on a besoin d'un canal de plus gros diamètre pour faire ceci plus efficacement, pour amener plus d'air à travers la pipe, ce qui, si c'est bien fait, va donner un fumage sans effort." Avec pour résultat que Brian perce ses pipes différemment, sur la base de l'expérience et de l'expérimentation – il aura fabriqué 750 pipes vers la fin de cette année.

Raisonnablement, si le perçage est ajusté à la profondeur et au diamètre de la chambre, ceci peut avoir un effet sur les dimensions du tuyau. J'ai choisi de suivre cette hypothèse, parce que j'ai un nombre respectable de pipes de Ruthenberg. Les pièces de ma collection sont assez diverses en tailles – allant d'une immense Saxophone de grade Caliper de 199 grammes à une petite quarter-bent apple qui en pèse tout juste 44.

Même en tenant compte de l'éventail de tailles, de formes et de volumes de chambres, les dimensions des tuyaux de Ruthenberg sont raisonnablement constants. La déviation moyenne de leur largeur est de 1,2416 mm. Les dimensions des lentilles sont beaucoup plus régulières, avec une déviation de 0,3955 mm. Tout comme Davis, la plupart des pipes de Ruthenberg ont une largeur de tuyau constante (de 16,62 à 16,64 mm), dont la variation est si minime qu'elle n'est pas significative. Comme on pourrait s'y attendre, les plus larges tuyaux se rencontrent sur les plus grosses pipes. Il pourrait apparaître que Ruthenberg emploie la largeur pour créer une meilleure répartition du poids et un meilleur équilibre, un hypothèse qui a été explorée dans la première partie.

Basé sur l'approche de Ruthenberg, on peut aussi prédire qu'il va équiper ses plus grosses pipes (celles avec les plus grandes chambres) de plus grands canaux de fumée. Ces plus grands canaux devraient nécessairement impliquer des tuyaux plus épais à la lentille et à la sortie. C'est précisément ce qu'indiquent les données. Toutefois, alors que les chiffres montrent une variation, l'expérience des dimensions physiques est presque identique. L'épaisseur du tuyau de la Saxophone de 199 grammes n'est que de 4 centièmes de mm. Le plus grand canal a cependant besoin de place; je suppose qu'il est bien que Brian soit si avare avec lui.

Pour vos inspections, un tableau présentant les mesures d'un certain nombres de pipes de Ruthenberg vient ci-après. Les données révèlent de la constance, même dans la variation.

Etude des tuyaux

Cet article conclut ma série sur l'étude des tuyaux. Je pourrais continuer, mais les commentaires vont décroissant, et les réponses sur les forums consacrés à la pipe sont inexistants. J'ai l'impression de crier dans un canyon et de n'entendre que ma propre voix en écho. Ceci pourrait indiquer que, maintenant, j'ennuie la plupart de mes lecteurs, et qu'il serait temps de me retirer.

J'espère que vous avez apprécié la série. J'ai beaucoup appris et j'ai essayé de le partager, dans la mesure où j'ai pensé que ça pouvait être utile ou intéressant.
En conclusion, je dirai que d'après mon expérience, il y a une quantité excessive de mythes et de bêtises dans le monde de la pipe. Certains, quand ils ne peuvent pas expliquer quelque-chose ou ne le comprennent pas, l'écartent en tant que "marketing". Un de mes amis, un physicien titulaire d'un prix Nobel, m'a rappelé une fois que l'humilité est l'attribut le plus précieux dans la recherche de la connaissance ou dans la confrontation avec l'inconnu. "Nous ne pouvons pas encore expliquer la pesanteur", m'a-t-il fait remarquer, "mais cela ne signifie pas que la pesanteur n'est pas une force avec laquelle nous devons composer."

Ainsi je terminerai en écrivant que j'ai essayé d'apporter une certaine organisation et une méthode à cette série, en sorte que plus de lumière que de chaleur soit créée. J'espère que vous l'avez appréciée.