Bouffardes bavardes n°11

par Charles & Simon

09/02/15

Stratford de G.L. Pease

stratford pease

Composition : virginies blonds et rouges, périque

Les ribbons larges du mélange présentent un bel équilibre entre le blond des virginies du même nom, et le brun du virginie rouge utilisé ici.

Le nez porte essentiellement sur les fruits secs (abricot) et un arôme mentholé rafraichissant, plutôt gourmand…

Le mélange est très bien équilibré, partagé en bouche entre le sucre et une acidité noble, avec un léger piquant. Quant aux arômes, les fruits secs (raisin) partagent le devant de la scène avec les épices (poivre blanc, aigre-doux), avec un boisé léger en arrière-plan et une note herbacée. En somme, un bouquet classique pour un virginies/périque, mais très bien réalisé, avec de la richesse dans les arômes délivrés.

Les virginies rouges apportent une belle rondeur et une suavité particulièrement agréable, y compris sur le deuxième tiers où le tabac continue de briller par son équilibre. Après seulement deux années d’encavement, ce mélange me semble déjà très fondu.

Les évolutions sont mineures : un boisé plus fort et plus présent, les épices plus marqués, surtout le poivré du périque qui reste toutefois civilisé. En bouche, l’acidité prend le pas sur le sucré, et le piquant chatouille délicatement les narines.

La finale est plus intense, plus sombre, plus ronde en bouche, mais toujours équilibrée et agréable. Greg Pease montre ici qu’il maîtrise parfaitement l’art du blending avec une recette certes classique, mais très bien réalisée, avec des tabacs de qualité. Une réussite.

Points forts : équilibre, qualité des tabacs utilisés, rondeur et richesse.
Points faibles : manque d’évolution, non-rassasiant.

16/20

Un nez plutôt masculin, avec du poivre, de l’écorce, du terreau, du vinaigre et du chocolat au lait.

La coupe fine permet un allumage rapide. Les premières impressions sont celles d’un virginie/périque classique avec un certain caractère.
La fumée rustique et poivrée est délivrée par une bonne combustion, même si cette coupe restreint le potentiel du virginie.
Il y a une lourde présence de terre et un boisé puissant, avec une rondeur appréciable des épices, ainsi qu’un penchant plutôt salé et vinaigré.

L’ensemble est uniforme, peu complexe. Les épices finissent par écraser d’autres saveurs. Si le Stratford est rassasiant, facile à fumer, il déçoit par sa simplicité.

06/20

Nous retrouvons un certain nombre de similitudes dans ces deux dégustations : le caractère classique du mélange, le poivre du périque, le boisé, le côté vinaigré ou aigre-doux, et la simplicité des arômes délivrés… il semble donc que ce ne soit que la pure subjectivité du dégustateur qui justifie ici un tel écart de 10 points dans la notation.

Dockworker de HU-Tobacco

dockworker HU-Tobacco

Composition : Virginie, burley, orientaux

Les flakes sont sombres, avec une dominance du noir et des bruns, ponctués de rares pointes beiges.

Le nez est très agréable et attirant, avec beaucoup de chocolat (lait et noir), de la noisette, et un fruité légèrement acidulé, sur les agrumes. Plus humide, il se fait plus gourmand, avec du pain d’épice et du miel.

Le nez agréable et gourmand se confirme au fumage : des arômes de cacao, de chocolat noir, de noisettes, un boisé léger mais ne manque pas de profondeur, un fumé discret et un côté herbacé (fougère humide) ainsi que mentholé, qui rafraîchit l’ensemble.

Ce mélange a du caractère, la fumée est sombre mais ne manque pas de gourmandise, à défaut de sucre peu présent dans les feuilles de burley, grâce aux arômes chocolaté de cette feuille et aux virginies. C’est le burley qui domine le mélange, mais c’est le sentiment de l’équilibre entre les différents composants qui vient à l’esprit, signe de réussite. A l’évidence, les tabacs utilisés ici sont de très bonne qualité.

L’évolution est faible, avec plus d’acidité en bouche, un arôme fruité (pamplemousse) remplaçant le côté herbacé/mentholé, le fumé se faisant plus prononcé, plus présent. Cette linéarité me semble être le défaut notable de ce tabac.

Si le burley domine le mélange, et je le répète le tout me semble bien équilibré ; les orientaux s’expriment avec retenue dans un registre boisé et légèrement épicé, les virginies dans la gourmandise, par un agréable fruité et de la profondeur.

Le dernier tiers reste dans la même veine que précédemment, avec plus de puissance, une note de noisette grillée, un boisé plus lourd et plus sombre encore. Je note peu d’évolutions.

Le mélange varie grandement en fonction de l’hygrométrie. Plus sec, ce mélange sera moins gourmand, avec un burley plus austère, d’avantage porté par un cacao fort et abrupt que par un chocolaté noisetté, tendre, rond et suave. C’est pourquoi je recommande de le fumer à taux d’hygrométrie élevé pour du tabac à pipe, ne descendant pas en deçà de 30%, plus à mon goût ainsi car plus suave, plus équilibré et plus complexe.

A coup sûr, un tabac qui ravira les amateurs de burley, et plus largement, les amateurs appréciant de temps à autre un tabac tout à la fois sombre, suave, rassasiant, rond et riche en arômes.

Points forts : équilibre, richesse, roboratif
Points faibles : linéaire

16/20

Ce travailleur des quais est un tendre à l’intérieur, avec des odeurs de lait, yaourt, fleurs, caramel, sucre, et de feuilles mortes.

Les premières bouffées sont marquées par le burley. Légèrement piquant, boisé et mûr. Cette variété dominante est agréable, légère bien que pimentée.

Dans l’ensemble, le mélange est peu complexe, poivré, très stagnant, mais de bonne qualité. En effet, il ne dégage aucune vulgarité. Les arômes sont doux, il n’y a aucune acidité, et même si la complexité au nez ne se retrouve pas en bouche, les effluves de feuilles mortes et de bois sont plaisantes.
Ce HU est hors normes, puisque les saveurs sont brutes, sans aromatisation sucrée prédominante au fumage.

Au dernier tiers, le mélange devient légèrement cendreux, plus roboratif.
Tout le potentiel des trois différentes variétés de feuilles n’est pas exprimé, ce qui réduit considérablement non seulement la complexité, mais aussi l’évolution, la progression aromatique de ce Dockworker.

Ceci amène à un tabac brut et sans profondeur.

11/20

Simon a dégusté ce mélange plus sec que Charles, ce qui explique une dissonance dans les perceptions, ce tabac étant sensible aux variations d’hygrométrie. Dans l’ensemble, nous nous accordons sur le fait que le Dockwoker est linéaire et que le burley domine ce mélange.

Select Mixture de Smoker’s Haven

Select Mixture Smoker’s Haven

Composition : virginies, orientaux, latakia

D’aspect, le mélange présente un bel équilibre entre le blond, le fauve et le noir. Il s’en dégage un fumé de hêtre, doux, avec un côté salin, presque iodé, sur le hareng fumé, un boisé chaud, sur l’acajou, et des pruneaux secs.

Le latakia est beaucoup moins présent au fumage qu’au nez, ce qui est assez surprenant de prime abord (mais où est-il donc passé ?). L’ensemble fait preuve d’une grande douceur, et les arômes se déploient sur du velours. Le tandem virginies – orientaux domine, dans un registre très boisé, qui me rappelle l’acajou du nez avant allumage, un peu de noisette et du pain chaud. Les virginies sont loin d’être dopés en sucre, et apportent un peu d’acidité à l’ensemble, ainsi qu’une note de fruits secs (raisin, un peu de pruneaux), tandem qui joue une partition assez automnale et simple, mais raffinée. Le latakia épice légèrement le tout, délicatement, sur un fumé salin.

Tantôt le latakia semble prendre le pas et influer plus nettement sur l’ensemble, tantôt les virginies se font plus suaves et me semblent imposer leur rythme, tantôt enfin les orientaux, forestiers, me semblent être les seuls maîtres à bord. Mais ces variations se font toujours tout en finesse, dans le respect d’un équilibre d’ensemble qui, lui, est imperturbable. En bouche, c’est sucré et acide, avec une légère amertume. La puissance est faible, en écho à la finesse des arômes, mais augmente un peu dès le deuxième tiers.

Le mélange allie avec force richesse aromatique et finesse des arômes, mais manque à mon goût de rondeur et de complexité pour un mélange de ce type. S’il est vrai que le latakia, sur un fumé salin, est plus présent et marqué dès la seconde moitié de la pipe, le mélange est linéaire et fait preuve d’une certaine sécheresse en bouche. En bouche, justement, c’est maintenant l’amertume et l’acidité qui dominent, vers une finale resserrée au plan aromatique, offrant beaucoup moins de choses. Il y a là le fumé salin, le boisé (acajou) du départ, un petit côté grillé, de la terre et des feuilles mortes. Ce n’est pas désagréable, mais austère et sec, lassant sur les pipes à haut foyer.

Un mélange fin, équilibré, qui dégage une certaine richesse aromatique, mais qui manque cruellement de fantaisie et d’originalité.

Points forts : équilibre, finesse, richesse, combustion
Points faibles : manque de corps et de rondeur, de fantaisie et de complexité

12/20

En ouvrant le pot, des senteurs de fumé caramélisé, de compote de pomme et de boisé nous parviennent.

Un mélange boisé et poivré, aux saveurs qui s’embrouillent les unes avec les autres, s’entremêlent et nous poussent dans la confusion. La fumée est un peu vulgaire, trop grasse, négativement puissante, avec un manque de complexité déjà flagrant.

Le latakia est très discret, et les virginies n’ont presque pas d’influence. Il y a une absence d’évolution, surement liée au rôle restreint des virginies.

De façon étonnante, le final se rééquilibre un peu, le boisé se complexifie, et les saveurs ne se durcissent pas.
Le tout est assez roboratif.

06/20

La timidité du latakia, le boisé, le manque de complexité, et la variation des arômes dominants sont des remarques communes aux deux dégustations. Il semble cependant qu’il y ait un désaccord marqué en ce qui concerne la finesse du mélange, contestée par Simon.

HH Latakia Flake de Mac Baren

HH Latakia Flake Mac Baren

Composition : Virginies blonds, orientaux, burley, latakia chypriote, légère aromatisation

Des flakes très sombres, réguliers et assez épais sans tomber dans l’excès, faits presque exclusivement de noir et de brun foncé, avec de rares pointes fauves. Un fumé très riche, de résineux, emporte tout. Un nez puissant mais agréable, avenant.

Evidemment, de manière très claire et dès le début de la dégustation, c’est le latakia qui domine. Heureusement me diriez-vous, pour un tabac qui s’appelle latakia flake. Mais les autres ingrédients ne sont pas atones et mettent particulièrement bien en valeur le latakia chypriote de premier choix qui est utilisé ici.

Alors, ce latakia chypriote, comment est-il ? Gras, ample en bouche, salin et évidemment fumé, très aromatique, sur un fumé de pin. Pour être tout à fait honnête, je ne ressens pas l’apport du burley au plan aromatique, peut-être ajoute-t-il un peu de corps à l’ensemble, le mélange restant assez léger en terme de puissance (nicotine). Les virginies sont particulièrement suaves, surement dopés en cela par la légère aromatisation et un apport en sucre, sur les fruits secs (pruneaux), et délivrent une note sucrée en bouche. Enfin, les orientaux complètent et complexifient l’ensemble, avec une touche boisée, plutôt sombre et qui se marie bien avec le latakia, de vanille et de poivre blanc ; puis, sur le deuxième tiers, avec de la cardamone et de la noisette (mais peut-être est-ce là le burley qui se dévoile ?).

Au deuxième tiers, mis à part les orientaux qui se font plus expressifs et les virginies moins suaves et moins présents, sa majesté latakia trône fièrement et n’évolue pas. Si l’idée est de mettre en valeur un latakia chypriote de qualité, en évitant de tomber dans le piège du monolithisme et du fumé écrasant, alors ce mélange est une réussite, car il brille par sa richesse tout en ne manquant pas de complexité, en parvenant même à évoluer légèrement entre le 1er et le 2ème tiers.

Toutefois, cette petite bombe à latakia, très riche et ronde, ne fait pas dans la finesse et la subtilité, et le dernier tiers a tendance à être essentiellement dominé par un fumé lourd, toujours sur un feu de résineux, mais plus sombre, toujours salin. Côté nicotine, l’ensemble reste doux. Dans les pipes trop grandes, du fait de la combustion lente en flake, ce mélange peut être lassant et sature les papilles de ses lourdes notes fumées au final.

A réserver aux amateurs de latakia chypriote, après un bon repas. A mon goût, encore une réussite de la série HH, j’aime beaucoup et suis persuadé qu’il vieillira très bien.

Points forts : richesse aromatique, rondeur, complexité, combustion, belle mise en valeur du latakia chypriote
Points faibles : manque de subtilité, linéarité de la finale, saturation des papilles

17/20

Au nez, du feu de bois, de la tourbe et du pot-pourri.

Dès l’allumage, la complexité des saveurs donne le tournis. Le parfum de pot-pourri forme une ligne aromatique avec les embruns de feu de bois.

S’il est très présent, le latakia n’est pas le seul acteur : les orientaux sont timides, mais complexes.
La puissance aromatique est moyenne, et offre un bon compromis entre force et légèreté.
Les virginies apportent plus de consistance que de saveurs, ils épaississent le mélange, et font perdurer les arômes en bouche.

Compte tenu de la variété de feuilles présentes, la linéarité est décevante, même si la profondeur du goût contente le plaisir du fumeur.

Peut-être aurait-il fallu donner plus de place aux virginies ?

15/20

Encore une fois, ces deux dégustations sont similaires. Les deux points de différence expriment non seulement l’appréciation personnelle du fumeur, mais aussi la sanction de Simon du fait du manque de présence aromatique des virginies

Full Virginia Flake de Samuel Gawith

Full Virginia Flake Samuel Gawith

Composition : virginies

Que ces flakes sont épais et beaucoup trop humides à l’ouverture de cette boîte jeune ! Comment peut-on raisonnablement trancher des flakes aussi épais et condensés, sans penser que cela aura nécessairement une incidence néfaste sur la combustion du tabac ? Que l’émiettage de ces bouts de bois durs est long et difficile ! Il y a là du brun, plutôt sombre, et quelques pointes beiges, et, ce qui est exaspérant, de nombreuses nervures de feuilles infumables. Voilà un mélange qui n’est vraisemblablement pas soigné, je dirais même négligé. Cela commence mal… Heureusement, le nez me réconforte un peu, sur les fruits secs, assez sucrés, la confiture de figue et un peu de cèdre.

Mais qu’il est compliqué d’allumer et de maintenir la combustion avec des flakes si épais et si longs à sécher ! Et, je préfère l’écrire d’emblée, quelle déception à retrouver ce tabac de mes débuts, certes fumé jeune, que j’appréciais, et qui ne m’offre maintenant que si peu de choses…

Les virginies rouges étuvés n’apportent rien de grandiloquent : du fruit sec, sucré comme il faut, avec une belle rondeur, et un soupçon boisé. C’est tout. Et cela dure ainsi toute la pipe. En bouche, il y a du sucré et de l’acide, assez équilibrés. C’est simple, pas désagréable, un peu gourmand, mais linéaire et presque ennuyeux. La fumée, épaisse, avec de la mâche, tente de sauver l’ensemble de l’ennui. Mais ces flakes si épais, et tous ces rallumages, finissent par devenir exaspérants si l’on ne prend pas bien le temps de préparer ce tabac avec attention et minutie. Et encore, même ainsi la combustion est tout à fait problématique… Pour moi, il est impossible d’envisager une dégustation en flakes roulés, je n’ose imaginer le calvaire.

La seule évolution se fait vers la moitié de la pipe, avec plus d’acidité, voir un peu de piquant selon les pipes utilisées, un léger assombrissement et moins de suavité.

Jeune, le Full Virginia Flake, cette légende, n’a donc que peu d’atouts et de charmes à mon goût. Je dirais même plus, que pour 15 euros la boîte de 50 grammes en France (au jour où j’écris ces lignes…), on peut trouver des virginies rouges de meilleure qualité et pour moins cher, et, surtout, dont la combustion est exemplaire. Une déception.

Points forts : rondeur, suavité, équilibre sur la première moitié de la pipe
Points faibles : flakes trop épais et trop humides, combustion catastrophique, linéarité, manque de richesse et de complexité

03/20

Le ketchup vinaigré se heurtant à notre nez à l’ouverture de la boite ne doit pas effrayer le fumeur qui découvre ce classique de la pipe.

Ce pur race très connu est marqué par du poivre vert et une fumée grasse. Du boisé, des noisettes, de la rondeur en bouche, une touche épicée légère nous conduisent à ce virginie très typique du genre, et estival.

Le caractère sucré est absent au premier tiers, jusqu’ à ce qu’un doux caramel vienne adoucir un goût terreux et salin plutôt affirmé.

Les feuilles sont de bonne qualité, et ont cet avantage de pouvoir se fumer toute l’année, en intérieur comme en extérieur, chez soi ou en voyage.

Le FVF se conserve très bien, même s’il ne faut pas en attendre une merveille de complexité. Il n’en est pas moins très agréable et peut servir de base à des mélanges maison. Il n’est ni vulgaire, ni déséquilibré. Il est simple et ne déçoit jamais.

14/20

Des avis radicalement opposés, qui cette fois n’ont pas pour cause tant la subjectivité de l’avis du fumeur qu’un fait bien réel : les flakes sont trop épais, et empêchent une bonne combustion du tabac, ce qui restreint le plaisir du fumage.