Sergeï Ailarov

Sergeï Ailarov est né en 1973, à Vladikavkaz. Pour ses trente ans, on lui offre une pipe - et le pli est pris. Comment devient-on pipier en Russie dans les années 2000 ? Il n'y a pas de tradition pipière, la seule usine de fabrication de pipes, Yava, était abritée dans une usine de cigarettes, fermée depuis longtemps. Reste l'internet.

Il y a un temps pour tout, dit-on. Le temps est venu. Les jeunes russes qui veulent devenir pipiers peuvent correspondre, apprendre, découvrir, échanger. En l'espace de cinq ans, sont apparus des talents, et pas des moindres : Yashtilov, Kharlamov, Revyagin... et Ailarov. C'est en cherchant comment mieux fumer sa pipe que Sergeï découvre un forum, et qu'il réalise qu'avoir une seule pipe est bien insuffisant. Il s'en procure une autre, mais n'en est pas satisfait, et il commence à réfléchir à la façon dont il va l'améliorer, puis à la façon dont il va faire la sienne. Grâce à ses amis fumeurs, il rencontre Mikhail Revyagin.

Revyagin est déjà un pipier professionnel, il va lui apprendre les bases du métier - et lui faire remarquer de temps en temps qu'il fait du très bon travail. Mikhail offre des pipes de Sergeï à ses clients, à leur grande satisfaction. Tous les deux vont proposer leurs pipes au site Tabachok.

Ses pipes sont vendues, et Serge commence à envisager ce qui n'était pour lui qu'un passe-temps sous un autre angle. Il va en faire son métier. Métier qu'il envisage sous un angle particulier, pour lui il n'est pas question de proposer des pipes suivant les modes, il va d'ailleurs plutôt se pencher sur les formes classiques, considérant qu'il est difficile, voire impossible, d'inventer quoi que ce soit de nouveau. Simplement, il va faire et refaire chaque modèle en y apportant sa touche. Il s'efforce de ne pas se répéter, essayant chaque fois de trouver de nouvelles nuances, même s'il fait une billard pour la centième fois.

Sergeï n'oublie pas néanmoins que certaines formes qui sont aujourd'hui des classiques étaient au départ des freehand comme la blowfish. Mais il pense que ce qui fait qu'une forme devient classique, c'est sa simplicité. Il rapproche cela de l'art de la calligraphie, qui exprime l'harmonie en deux lignes. Pour lui, la concision est l'âme du talent. Une pipe doit être une expression riche, tout en restant concise.

Il va pousser cette recherche de concision jusqu'à parfois passer une journée à dessiner sur la bruyère la forme unique qui doit ressortir de cet ébauchon. La création d'une pipe est pour lui un art, mais l'art passe après l'artisanat. Artisanat qui consiste à créer un objet de fumage le plus parfait possible. "La pipe est un art pour moi, mais je ne veux pas dire que je suis un Artiste avec un grand A. Simplement, il me semble juste de considérer ce travail comme de l'art. Tout commence avec la forme. La chose la plus importante est le caractère, son identité, que je vais trouver dans la bruyère."

Il admet avoir une relation complexe avec ses pipes, qu'il fume peu. L'important pour lui n'est pas de posséder ses pipes, mais de les fabriquer. il rejoint Lee Von Erck, et pense que chaque pipe est un peu le portrait de son créateur, rappelant les pipes de Kharlamov, comme lui longues et minces, ou les rondeurs des pipes de Revyagin.

Il ne crée que 5 ou 6 pipes par mois, la plupart étant des commandes. Il se fournit en bruyère chez Mimmo.