Vladimir Grechukhin

Vladimir Grechukhin est né en 1940. Le régime communiste décide qu'il deviendra artiste, et il suit donc une formation, la plus complète possible, jusqu'à ce que sa mère, qui travaille alors pour les services d'incendie, et qui inspecte les écoles d'art de Smolensk, reçoit la visite du pipier Alexei Fyodorov, qui veut ouvrir son atelier. Elle lui propose alors de prendre son fils Vladimir comme apprenti, à l'essai pour trois mois. Un mois plus tard, Vladimir participe à la première exposition de l'atelier, en présentant des fume-cigarettes ! Si ceux-ci ont été réalisés d'après les indications de Fyodorov, la prise en main a été facile pour Vladimir, après toutes ces années d'apprentissage.

Et pourtant, il n'a à l'époque pratiquement jamais entendu parler de pipes, tout du moins du point de vue technique. Même comme fumeur, il a tout juste fumé deux cigarettes. C'est que la bruyère est rare, difficile à obtenir, et les tuyaux de Fyodorov sont aussi bien en platane ou en érable. Si Fyodorov a été son maître, et reste encore connu en Russie, Grechukhin corrige toutefois cette opinion : pour lui, Fyodorov n'était pas à la hauteur d'un Sixten Ivarsson, mais il était lui aussi un pionnier.

Il considère encore aujourd'hui que l'on peut tout à fait être fumeur de pipe, et néanmoins, dans certaines occasions, apprécier une cigarette. Ce n'est pas pour lui une trahison, juste une faiblesse.

Il poursuit néanmoins sa formation - il réalise même à l'époque trois pipes pour Georges Simenon - puis s'installe dans son propre atelier.

Quelques années après, à la chute du communisme, il laissera de côté son activité de pipier pendant une dizaine d'années. C'est qu'il a plein de choses à découvrir, et il pourra ainsi repartir de zéro.

S'il s'inspire peu du travail des autres pipiers - les idées lui viennent en examinant la bruyère, et en parcourant des revues automobiles - il travaille néanmoins avec certains d'entre eux : Tokutomi, Eltang, Jeff Gracyk, et d'autres. Il lui est difficile de dire exactement combien de temps il lui faut pour réaliser une pipe : L'une d'entre elles lui a demandé deux ans de travail ! Il l'avait en fait mise de côté, de peur de commettre une erreur, et une fois cette pipe finie, il l'a présentée à un collectionneur français, archéologue, venu lui rendre visite. La pipe était trop chère pour lui, mais après une longue discussion, et quelques verres de vodka, l'ambiance aidant, l'heureux homme s'est vu proposer n'importe quelle pipe pour une centaine de dollars - et c'est celle-ci qu'il a choisie.

Quant à ce qu'il estime être ses plus belles pipes, il a pour habitude d'en faire cadeau. Il pense, comme Lee von Erck, que la pipe doit aller avec le physique du fumeur, s'accorder avec lui jusqu'à se faire oublier. Pour lui, la pipe n'est pas un passe-temps, pas une habitude, mais un mode de vie. On peut posséder beaucoup de pipes, mais chacune a son histoire. Il avoue d'ailleurs un certain snobisme dans cette vision des choses, mais considère qu'un fumeur heureux et fier de sa pipe n'est pas pire qu'un propriétaire de chien, ravi de l'intelligence de sa bestiole.

Il propose des lisses et des sablées, et pour sa consommation personnelle, des pipes offertes, ou celles qu'il estime ratées pour une raison ou une autre.