Abi Natur - Canaan Pipes

Abi Natur vit au Monténégro, dans la petite ville de Bar, devant l'Adriatique.

La pipe fait partie de sa famille, c'est son grand-père qui le premier s'attelle à tailler des pipes, son père est fumeur, et lui transmet ses Dunhill et BC. Ses mélanges préférés ? Les Three Nun's, Germain's Special Latakia Flake, McLintock-Syrian Latakia Blend, HH Acadian Perique, St.James flake, Semois Supérieur.

C'est donc en 1920 que le grand-père d'Abi, orfèvre, profite des plantations familiales d'olivier pour s'adonner à ce passe-temps. Plus tard, son petit-fils le regardera faire et n'en perdra pas une miette. Mais comme son grand-père, pipier ne sera pas son seul travail, il a d'abord été prothésiste dentaire, et il est actuellement traducteur d'allemand. Et c'est après vingt ans de travaux dans les arts appliqués, consacrés à la sculpture, la mosaïque et la gravure, qu'Abi Natur replonge dans ses souvenirs en travaillant l'olivier.

Il apprécie de pouvoir travailler à une œuvre d'art, qui va combiner aussi bien les côtés pratiques que l'esthétique. Il admire le travail de Hans Hartmann, Gert Holbeck, la famille Ivarsson, Tokutomi, Roger Wallenstein ...

Les oliviers qui poussent dans les plantations familiales ne sont pas de cette espèce d'oliviers cultivés pour donner des olives "à huile", propres à la consommation, mais de l'espèce "Barska Zutica", présente depuis 2000 ans au Monténégro, et qui a cette capacité de pousser sur la pierre presque nue. Abi peut donc utiliser de l'olivier vieux de 350 à 600 ans, qu'il cure suivant la recette de son grand-père, et laisse encore reposer de un à trois ans dans un endroit frais et sec. Trouver des morceaux sans irrégularités ou fissures, qui permettent une combustion aisée, n'est pas chose facile.

Les meilleures oliviers poussent à partir de 300 mètres d'altitude, avec très peu de minéraux à leur disposition. C'est un véritable combat pour leur survie qu'ils livrent, et qui laisse des traces : ils y gagnent une grande densité, et un grain qui a l'aspect du marbre. C'est dans des branches mortes depuis parfois vingt ans, des membres rejetés par l'arbre, que l'on trouve le meilleur bois. Comme l'olivier a tendance à être creux, la microcirculation va combiner les hautes températures, le vent chargé d'iode, et la sève qu'il rend encore, vont en faire un bois très dur, mais aussi élastique et lisse.

Abi espère bientôt proposer des pipes en bruyère. Ses tuyaux sont en ébonite allemand, et en acrylique. Pas de décorations superflues, les lignes et le grain de l'olivier suffisent. Il propose entre 50 et 60 pipes par an, ce qui lui semble un maximum, lisses, mais là aussi il espère proposer d'autres finitions. Tailler une pipe commence pour lui dès le moment où il va chercher son bois, puis il attend de voir des formes se dégager des blocs au séchage. Il n'utilise pas de tour. Il emploie surtout des limes, et s'il utilise une perceuse pour les forages, c'est à main levée - et pourtant, pour lui, une chenillette doit passer "comme dans du beurre" pour que la pipe quitte l'atelier. Il utilise aussi du papier de verre, grain 800 à 2000, et un instrument électroportatif pour passer soit de la carnauba, en trois passages distincts, soit du shellack.

Ces meilleurs pipes sont marquées CP, accompagné d'une croix de vie égyptienne. Les modèles inférieurs sont simplement marquées CP. Pour lui, une pipe doit prolonger la main du fumeur, c'est sa fonction première, même si certaines finiront en vitrine. Cela fait partie des trois éléments principaux qui font une bonne pipe, avec la qualité et la précision du perçage, qui doit rendre facile le fumage, et le plaisir de l'œil. Son grand-père disait : tout ce qu'il faut pour faire une bonne pipe se trouve entre la main et le cœur, car l'olivier est symbole de paix.