Errances d’une volute

par Laurent M

03/08/20

Saison 11 - Black Point, l'équilibrateur

"Possible, dit-il. J'irais pas délimiter ce que des gentlemen considèrent juste, ou pas, selon le cas. Et, vu que vous vous préparez à prendre une pipe, cap'n, j'me permettrai d'faire pareil."
Il a bourré sa pipe et l'a allumée ; les deux hommes ont fumé en silence pendant pas mal de temps, tantôt se dévisageant, tantôt tassant leur tabac, tantôt se penchant pour cracher. C'était aussi bien de les regarder que d'aller au théâtre."

Ce face-à-face est celui de deux fumeurs de pipe : le capitaine Smollett et Long John Silver, dans le fortin de l'Île au Trésor. Le roman éponyme de Robert Louis Stevenson (1883), récemment retraduit avec toute la truculence du langage maritime, montre bien que la pipe est un moment de suspension du temps avant que s'engage l'action, un sas dans les tribulations du monde, une pesée des âmes où les volutes expriment tous les mérites ou les méfaits des personnes. Long John Silver, comme tant d'autres personnages de l'œuvre de Stevenson, est un être complexe ou la noirceur la plus folle se conjugue à des moments de bonté incompréhensibles. Il est une volute à lui tout seul, où s'entremêlent des sentiments contradictoires.

C'est dire s'il est complexe d'associer une sorte de moralité au tabac tant son imaginaire influence les personnalités. Il peut exacerber la bonté comme la malignité. Il peut être associé au petit peuple comme aux grands bourgeois selon que l'on fume la pipe ou le cigare. J'ai regardé récemment "The Crown" sur Netflix et, dans l'un des épisodes, le Premier ministre Harlod Wilson avoue à la reine fumer la pipe pour rester dans l'image d'un leader travailliste alors que son plus grand plaisir est de fumer le cigare. Dis-moi ce que tu fumes et je te dirai qui tu es, en quelque sorte.

Il en est de même pour les noms associés au tabac. Oh ! Je ne prends pas comme exemple les tabacs français récents pour lesquels l'imaginaire doit être banni absolument pour des raisons légales et qui en sont réduits à être des numéros (cela étant, dans le monde du tabac, dire "965" est comme dire "N°5" dans le monde du parfum, il y a de l'imaginaire). Il n'empêche que les noms peuvent faire naître bien des fantasmes. Aussi, je reste dans l'expectative devant la boite de Black Point, appelons-le Blacky pour la circonstance. Son nom m'a évoqué un cap rocheux déchiqueté sur la côte improbable d'une île battue par les tempêtes et sur laquelle des boucaniers viennent célébrer leurs funestes exploits. La relecture de l'Île au Trésor n'aura pas été vaine ! Une recherche rapide sur la toile me conforte le côté insulaire avec les îles Exumas, un des îlots des Bahamas, un coin paumé et touristique où l'on peut nager avec des cochons. Mer, sable, cocotiers et crème solaire : l'imaginaire est en berne ! Je suis cependant rassuré de savoir qu'il existe une black point beach sur la côte de l'Anglesey, bien plus conforme à l'idée d'un tabac de marin issu d'une lecture du roman de Stevenson.

La vie qu'on laisse

Lorsqu'on lit le pedigree de blacky par Greg Pease, l'eau vient à la bouche : blend luxuriant, fin, piquant et agréable, fumée crémeuse, saveurs merveilleuses, réminiscence de raisins et de figues cuites, odeur de feu de bois en automne, de marche en forêt, le plus complexe de la collection, etc. J'ai parfois l'impression de lire des réclames tapageuses pour un produit qui, auréolés de tant de louanges, n'en vaut pas la peine. Plus la peinture est brillante, plus je me méfie. Il n'empêche : les figues cuites, le feu de bois et la marche en forêt me douchent. Adieu océan, boucaniers, galions chargés d'or, boulets ramés. Place au brame du cerf au fond des bois, à la chasse aux champignons, aux feuilles d'érable éclatantes, au Home sweet home bien au chaud au coin d'une cheminée, emmitouflé dans un pull irlandais aux côtes épaisses, au pantalon en velours et au chien qui halète doucement après avoir fait sa course dans des sentiers humides d'une fine pluie de l'après-midi finissant.

A ce stade de mon errance, je n'ai pas encore ouvert la boite. Elle est toujours là, légèrement renflée par la fermentation, avec une étiquette jaune sur son fond qui me fait penser à une date, soit le 11 novembre 2009, soit le 9 novembre 2011, ce qui est plus probable pour un système de datation anglo-saxon. En tout cas, un tabac de novembre, ce qui me laisse supposer que la boîte contient toutes les odeurs de l'automne (on peut rêver, non !). Blacky appartient à la collection "Classic", inspirée des grands tabacs du passé, non pour les copier selon Greg Pease, mais pour leur rendre hommage et capturer leur essence. Cette collection contient 6 tabacs, pas un de plus : Abingdon, Blackpoint, Charing Cross, Kensington, Piccadilly, Stratford. Tous sortis en 2003. Pas d'aromatisation supplémentaire. Sur le site du blender, ces tabacs sont présentés en classement décroissants selon leur force. Blacky est en seconde position, signal qu'il doit être "fullness". Le blender ajoute que Blackpoint et Kensington semblent montrer une intéressante profondeur de caractère s'ils sont plus âgés, aux alentours de 36-40 mois. Ils se transformeraient, selon lui en quelque chose de "magique". Je suis donc dans le bon tempo et quasi aux portes d'un Magic Kingdom doux et sucré avec pleins de petits poneys roses aux queues multicolores ! Ah ! Ces anglo-saxons et leur goût de l'emphase : gorgeous, marvellous, amazing, the best ever, … il suffit d'aller traîner son clavier et sa souris chez TobaccoReview pour avoir une overdose de sucré et de "cute". A chaque tabac, je me dis que je n'irai pas regarder ce qui s'en dit, mais à chaque tabac, je ne peux m'y empêcher, histoire de lire si je suis complètement à côté de la plaque ou non. Blacky aligne une note moyenne de 3 sur 4 pour 86 commentaires. On est dans le domaine de la référence mais ce genre d'opinion n'est guère qu'indicative tant l'expérience est une lanterne qui n'éclaire que celui qui la porte. Et les avis restent très déroutants  : exotique, feu de bois et cuir, pas de morsure, constant, chocolat Lindt au piment (celui-là, il vaut le coup : citer en plus la marque de chocolat, respect !), poivré sur la fin du perique, mandarine, citron fruits rouges, terre et bois avec une touche d'herbe, pain, végétation mais sans fleurs, sucre et épices, raisin, dattes et figues, raisins, prune, cerises noires. N'en jetez plus, c'est un fourre-tout terrible, une caverne d'Ali baba, un bazar oriental, ce qui tombe bien pour un mélange avec du latakia.

Black to the basics

Revenons à la composition donnée par le blender : red and lemon Virginias, Cyprian Latakia, exotic oriental tobaccos, and a perfect measure of Louisiana perique for a lively, piquant finish. Cinq tabacs, ce qui est déjà pas mal comme exercice d'équilibriste. Le tout coupé en fins rubans. C'est du tout prêt pour le fumeur.

Je soulève la languette légèrement, un long Pschtt se fait entendre, comme le soupir de satisfaction d'un génie trop longtemps contenu dans sa lampe et qui ne cherche qu'à s'en extraire pour contenter son nouveau maître. Merci Génie d'avoir délivré tout de suite cette bonne odeur de fumé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas mis le nez dans cette odorante mixture à base de latakia. Mes précédentes errances allaient vers des VA, VA/PER, tabac brun, sans compter quelques voies sans issues et désagréables.

Lors des premières ouvertures de la boite, je sentais comme une odeur chimique, légèrement ammoniaquée, pas vraiment agréable aux narines, légèrement piquante. Ce n'est qu'au bout de plusieurs fumages que cette odeur s'est envolée, laissant plus dominer une odeur de sous-bois, de bois légèrement putréfié sous l'effet décomposeur des insectes. Il y a sous-jacente une fragrance florale mâtinée de sciure fraîche, tendant un soupçon vers l'agrume. L'odeur du latakia ne prédomine pas, loin de là. Je dirais même qu'elle va en s'estompant avec le temps, tout en prenant une ampleur plus ronde. Bref, cela semble du tout bon et en même temps du très classique, le genre de produit qui ne va pas me faire la révolution en me vantant la semaine des quatre jeudis et les lendemains qui chantent.

C'est la PdG de Tristan, en morta, qui ouvre le bal. Installé dans la pénombre du soir montant sur mon balcon, et tout en étant plongé dans "Orgueil et préjugés" de Jane Austen (autant rester dans une tonalité anglaise !), je mets le feu à Blacky. Le goût est très doux et le restera tout au long du fumage. L'hygrométrie impeccable du tabac, quoiqu'un poil humide, permet un allumage facile. Tout de suite, ce sont ces bonnes sensations liées au goût anglais qui reviennent. Ce sentiment de fauteuil en cuir au coin d'une cheminée après une ballade dans des chemins humides au fond des bois, à dos de cheval et que celui-ci est content de retrouver l'écurie, et que vous ramenez chez vous l'odeur de l'écurie, et que vous la conservez en remuant les cendres chaudes de votre cheminée, etc. Mes yeux quittent le roman pour se concentrer sur les volutes blanches qui s'échappent de ma bouche. Dans la pénombre du soir, juste éclairé par une lampe qui passe à travers les baies vitrées, les volutes esquissent des formes fantasmagoriques, détachant leur blancheur laiteuse sur l'écran noir du ciel, se fixent quelques instants puis s'effilochent doucement en un dernier adieu pour se fondre dans l'infini nocturne. Je reste de longs moments à essayer de fixer de mes prunelles cette mécanique des fluides qui engendre la mécanique des rêves en suggérant un monde de l'entre-deux propre aux divinations et prophéties.

Blacky dans la morta semble tenir ses promesses. Le goût est certes bon mais de prime abord, je ne vois pas de grandes différences par rapport aux autres tabacs au goût anglais. Les nuances doivent certes être minimes et ne peuvent se juger que si on est un fumeur assidu, régulier de ces tabacs et, de plus, si on a une rotation quasi-quotidienne permettant de mémoriser les nuances. Mon rythme de fumage ne permet pas ce genre d'exercice. L'allumage de Blacky a fait simplement ressurgir le souvenir des autres tabacs de la même famille : un "Celebrated souvereign" de chez Ashton, un "Gordon Pym" et "Midnight Ride"de chez DTM, un "London Mixture" de chez Dunhill, un "Skiff mixture" de Samuel Gawith, un "Torina " et "Onyx" de Schürch. Et c'est un tabac franc et rond en bouche, pas agressif pour un sou, souple et non réhaussé de saveurs ajoutées. En échangeant avec "il maestro di fumare" aimeric, outre-Alpes, celui-ci a les mêmes impressions. Je cite, avec son aimable autorisation :

"La coupe est caractérisée par un mélange de brins substantiels, presque charnus, de différente longueur, et de morceaux quasiment noirs au corps important: un coarse cut, disons. Le nez me rappelle le Dunhill Standard Mixture d'antan, avec, évidemment, du fumé, de la terre, du sous-bois, du boisé, un soupçon éthéré que je n'arrive pas à préciser. Nul doute que ce soit du sérieux, à peu près austère; automnal, mais pas sombre. A mes papilles, ce tabac s'exprime sur trois registres.
D'abord, le Latakia domine, fumé, boisé, amer (un peu surprenant ça, lorsqu'il s'agit de la variété chypriote), agrémenté et arrondi par la douceur sous-jacente des Virginias, qui développent un petit coté de pain chaud et de figues de Smyrne sorties du four. Orientaux et perique apportent alors des épices, qui chatouillent palais et narines: gingembre, sénevé, cardamome, bigarade confite, coriandre.
Pas lourd en vitamine N, le Blackpoint s'avère pourtant un tabac d'homme au goût intense, complexe (combinaisons et permutations d'amer, doux, salé et umami), où les composants ressortent à la distance, jusqu'à apprivoiser la puissance du Latakia. Latakia dont j'apprécie surtout la pureté, si différente de la variante allemande souvent dopée de façon caricaturale à la réglisse, qui m'indispose (par ex. dans le London 1000 de DTM). On sent bien la qualité des feuilles.
La fumée est un poil sèche, astringente, mais cela est peut-être un effet imputable à ce que je ne fume désormais les mélanges latakiés que rarement: par lassitude et détachement d'un mythe qui s'essoufle par autophagie.
G. L. Pease range le Blackpoint dans sa Classic Collection: je dirais en conclusion qu'il s'agit d'une version nord-américaine, un tantinet outrée, d'un classique anglo-saxon."

L'équilibre et la beauté

"Une version américaine, un tantinet outrée, d'un classique anglo-saxon". Un remake hollywoodien, en quelque sorte. L'avis s'entend mais je n'ai pas le recul nécessaire pour en juger. Toutefois, si les couleurs semblent rehaussées, le rythme du montage plus vif, la musique plus symphonique, le scénario convenu, l'équilibre de ce tabac est excellent. Il ne développe pas d'amertume, pas d'acidité, ne brûle pas la langue, n'est pas trop chargé en nicotine. Je sais bien que la notion d'équilibre est tout à fait personnelle et associée intimement à une vie de fumage ou prise à l'aune des expériences personnelles. L'un jugera l'équilibre d'après une référence à d'autres tabac, l'autre d'après ce qu'il n'aime pas, un troisième d'après un savoir développé sur de longues années. l'expérience se forge ainsi en multipliant les tests et en essayant, fugit memora, d'en conserver la trace fugace dans des écrits du genre de celui que vous lisez. L'équilibre d'un tabac se rapproche beaucoup de l'idéal que nous nous faisons de la beauté. Or, la beauté est une notion tout à fait relative. Umberto Eco, dans le chapitre de son livre "Sur les épaules des géants" consacré à la beauté mentionne qu'au Moyen-Âge, la notion de beauté se rapprochait beaucoup de celle de proportion. Pas au sens où l'on pèserait tant de grammes de différentes espèces de tabac pour obtenir le résultat parfait, pour en rester à notre domaine. Non, c'est autre chose. Vous allez dire que notre époque est loin du Moyen-Âge au sens temporel et même de "forma mentis". L'historien Michelet a brossé de tels portraits de cette période pour rabaisser tout ce qui avait trait à l'Ancien régime que le mot même de Moyen-Âge est devenu un synonyme d'Âge sombre, miséreux, pouilleux, obscurantiste. L'imaginaire de l'architecte Viollet-le-Duc et celui de Victor Hugo lui ont donné des couleurs romantiques indélébiles. Pour ma part, je me suis débarrassé des préjugés sur cette période par la lecture de la "Civilisation de l'Occident médiéval" de  Jacques Le Goff, éminent fumeur de pipe et historien.

Mais revenons à notre beauté et à ses attributs médiévaux. La proportion a été citée. Saint-Thomas d'Aquin en fait un des trois critères de la beauté au sens où c'est la parfaite adaptation de la matière à la forme mais aussi en matière morale de la proportion des actes vertueux dans une vie. L'Aquinate juge ainsi laide une scie en cristal au sens où, malgré la beauté et la noblesse du matériau, elle est complètement inadaptée à son usage de scie. Est par contre beau un simple assemblage de pierres qui se soutiennent les unes les autres pour donner naissance à un ensemble architectural harmonieux. La proportion se fait ensemble métaphysique qui explique l'unité du cosmos. Fumer un bon tabac bien proportionné nous ferait donc entrer dans une unité cosmologique qui tend à la plénitude. La proportion ne suffit cependant pas pour définir que quelque chose est beau, donc bon à nos yeux, et en l'espèce, nos papilles. Outre la proportion, si l'on en reste au concept médiéval de beauté, il faut également de la luminosité et de l'intégrité.

Que dire de la notion de luminosité quand on parle d'un tabac ? La "claritas" du fumeur est d'abord celle de la flamme qui illumine le noir tabac avant d'être celle, plus métaphorique, qui illumine son cerveau sous l'effet de la béatitude. Mais la notion de lumière dans la conception médiévale vient moins de la clarté extérieure que de l'intérieur de l'objet considéré, qu'il soit matériau, œuvre d'art ou… herbe à fumer. Les couleurs franches des miniatures médiévales sont bien éloignées des clairs-obscurs d'un Caravage, pourtant amateur d'éclairages lumineux violents et contrastés et cependant, le rapport à la lumière est tout aussi net. Dans la conception médiévale, la lumière vient de l'objet lui-même non seulement de par sa conception et finalité mais aussi parce qu'il permet de magnifier ce qu'il entoure. La luminosité de Blacky entre-t-elle dans cette conception assez éloignée de nos acceptions modernes ? Son caractère franc et altier, bien ancré dans les tonalités "anglaises", la volonté du blender de rendre hommage aux classiques, sa non agressivité, sa rondeur en bouche me laisse penser que oui. Je ne serais pas, toute déférence gardée, comme Dante Alighieri qui faisait de la lumière une expérience mystique et cosmologique. Toutefois, il "projette" et, en ce sens, il est lumineux. Mon explication vaut ce qu'elle vaut mais elle entend bien être au même niveau que les odeurs de chocolat Lindt au piment, les prunes, les figues et les cerises noires !

Reste la troisième caractéristique du beau : l'intégrité. On est beau parce qu'entier, non mutilé, amputé, diminué, handicapé. Au Moyen-Âge, il y avait ce rapport à l'intégrité vu comme un idéal car l'époque produisait quantité de handicaps, mutilations, difformités. La fascination de l'époque pour le difforme et l'étrange était cependant réelle. L'attrait pour le mystérieux lointain indéniable. J'ai dans ma bibliothèque un "bestiarum" fascinant aux enluminures captivantes dans lequel les bêtes sont affublées de vertus morales faisant de l'ensemble de cette création "alternative" difforme un contrepoint indispensable et complémentaire à la Création divine, l'ensemble formant une intégrité participant à l'harmonie cosmique. Alors, y a-t-il dans Blacky ce côté monstrueux, difforme, fascinant dans sa laideur, qui nous le ferait paradoxalement envisager comme intègre et donc beau ? J'avoue qu'à ce point, je suis resté sec car la notion même d'intégrité dans ce domaine me dépasse. J'en reste à la proportion et à la luminosité qui, à elles seules me font sentir la bonne "intégrité" de ce tabac.

A l'aube de l'ère romantique, Umberto Eco mentionne que Edmund Burke*, en 1757, s'oppose à l'idée que la beauté consiste en la proportion, introduisant la notion de sublime que l'on retrouve aussi dans les ténèbres, la nuit, l'obscurité, le vide, la solitude, le silence. Mon errance s'arrête au pied de cette montagne du sublime car, à l'évidence, et en mon for intérieur, si Blacky est bon, sympathique, équilibré, doux et fort, crémeux, il n'atteint pas les sommets qui me le ferait considéré comme sublime, au sens où l'on se sent porté par un sentiment supérieur de plénitude qui emporte l'être entier, comme pourrait l'être le personnage de Caspar David Friedrich* devant son océan de brume de montage. Brumes, volutes, qui sait ?

Comment te dire adieu ?

En cherchant à donner un peu étrange au titre de cette errance, et en me fondant sur cette notion d'équilibre, qui est cette position où l'on cherche à faire perdurer un état par définition instable, j'ai pensé à "équilibrateur". Cela sonnait bien et le dictionnaire me renvoie que c'est un adjectif s'appliquant à qui "(r)établit l'équilibre". Il y a peu entre l'équilibrateur et l'équilibriste mais le premier renvoie à une notion de justice, d'équité, d'hommage. C'est sans doute cela qui fait la caractéristique de ce tabac, un hommage aux grands tabacs du passé. Mais l'hommage a ses vertus propres, la reconnaissance, et ses désavantages, l'indifférence dans le temps. Or, Blacky est comme les plaques commémoratives. On se dit que c'est bien de l'avoir fait, puis on continue son chemin.

renard pipe


Source : Jordan Metcalf and Daniel Ting Chong - project "Heart of gold"
https://jordan-metcalf.com/work/heartofgold - https://danieltingchong.com/heart-of-gold