Font-ils un tabac ? n°112

par Erwin Van Hove

18/11/20

TAK, Sunny Virgi

Apporte le soleil dans la pipe, écrit Thomas Darasz. Et c’est vrai : les grands fragments de feuilles jaunâtres qui sont mélangés avec des ribbons fauves et brun clair, donnent à l’ensemble un air joyeusement estival. Composé exclusivement de virginias africains que Darasz qualifie d’acidulés et de virginias indiens sucrés, le Sunny Virgi est décrit comme un blend aromatique et non pas aromatisé, simple et léger, agréable et doux, soyeux et évolutif. Il serait tellement bon enfant qu’il conviendrait à merveille aux néophytes à la recherche de saveurs naturelles. Ni exactement débutant, ni adepte de blondinettes virginiennes, je me demande si c’est un tabac pour moi.

Conservé pendant un an dans un bocal, le tabac a une hygrométrie parfaite. Le nez est introverti avec de légers arômes de miel, de pain d’épices, d’herbe sèche. Je décèle également un petit côté fruité difficile à définir. Du pruneau peut-être. C’est un nez qui manque de cojones, mais qui ne peut gêner personne.

Les premières bouffées correspondent parfaitement à la description du blender : elles combinent un fond très doux avec des notes surettes. Cette structure aigre-douce sert de support à des saveurs à la fois discrètement fruitées et gentiment épicées. Le résultat est loin d’être désagréable, mais ce n’est clairement pas ma tasse de thé. En vérité, les premières bouffées passées, déjà je commence à m’ennuyer. Qu’est-ce que c’est léger, superficiel, anodin. Et puis, très rapidement l’équilibre du début se perd : les notes acidulées se transforment en acides pimentés qui se mettent à me picoter le palais. J’ai horreur de ça, ce qui fait que j’ai envie d’abandonner. Mais je continue. Et voilà que petit à petit la fumée retrouve un certain équilibre : le pimenté devient poivré et les sucres font des efforts pour adoucir la fumée.

N’empêche que je n’arrive toujours pas à apprécier le Sunny Virgi. Même moins piquante, l’acidité reste trop acerbe à mon goût. Pour la tenir en équilibre, il faudrait des tabacs qui ont de la carrure. Or, jusqu’au final, le Sunny Virgi continue à souffrir de l’insoutenable légèreté de l’être.

Examinons en guise de conclusion le bien-fondé de la description du blender. Aromatique ? Pas pour un sou. Agréable ? Pas vraiment. Doux ? Que nenni. Soyeux ? Vous voulez rire ? Evolutif ? Passablement. Simple ? Ça oui. Léger ? Et comment ! Par ailleurs, je me demande s’il est judicieux de recommander un blend aussi acerbe et aérien aux débutants désireux de faire leurs premiers pas dans l’univers des tabacs naturels.

TAK, Virginia Cake

J’ai presque terminé mon bocal de 100g de Virginia Cake et je n’ai toujours pas pris de notes. La flemme. Parce que loin de m’inspirer louanges ou critiques, ce mélange ni réussi ni détestable me laisse de marbre. Je ne dois d’ailleurs pas être le seul à hausser les épaules puisqu’en faisant une recherche en ligne, je n’ai trouvé en tout et pour tout qu’une seule revue.

Une fois de plus les sources d’information qui devraient être les plus fiables, se contredisent : selon le site web du blender, divers virginias sont pressés en cake, puis maturés, alors que Tobaccoreviews affirme que les cakes subissent une cuisson.

Mon pavé présente une hygrométrie assez élevée. Cela m’interpelle. Comment se fait-il que plusieurs twists et ropes de Thomas Darasz se mettent à moisir après quelques mois de conservation seulement, alors que mon Virginia Cake pourtant passablement humide et conservé pendant un peu plus d’un an dans des conditions strictement identiques est resté indemne ? Se pourrait-il que des tabacs fortement pressés soient plus sensibles aux moisissures que des mélanges à la densité moins élevée ?

Je vois ici et là des fragments anthracite et blonds, mais fondamentalement le cake est composé de divers bruns. Point besoin de couteau : arracher un morceau de cake et le transformer en brins ne demande aucun effort. On obtient alors des ribbons de petite taille coupés assez finement.

Est-ce un nez discret de virginia ou un nez de virginia discret ? Toujours est-il que je ne sens pas grand-chose vu que les odeurs manquent de définition. Certes, je reconnais du VA, mais il ne s’exprime ni clairement sur le foin, ni sur le fruit, ni sur les arômes de boulangerie. Les odeurs voguent dans le vague.

C’est pareil en bouche. Si l’entrée en matière semble révéler un virginia correct, voire plaisant, on évolue rapidement vers des saveurs dépourvues de caractère. Certes, je décèle un léger fruité, un soupçon d’herbe sèche, une pincée d’épices, mais tout ça manque de grandeur. C’est du virginia quelconque. En plus, la sensation en bouche est peu agréable : malgré la manifeste présence d’une bonne dose de sucres, se développe une acidité passablement caustique. Pas mordante à proprement parler, la fumée manque de rondeur et de soyeux.

Franchement, je me demande pourquoi tant de blenders s’obstinent à concocter des dizaines et des dizaines de mélanges. Bien sûr, il en faut pour tous les goûts, mais je suis persuadé qu’ils nous réjouiraient davantage avec une gamme de quinze mélanges longuement peaufinés et bien distincts qu’avec un portefeuille de cinquante tabacs dont une bonne partie brille par sa médiocrité et son manque de personnalité.

TAK, Slight Blend

Encore une création TAK qui ne suscite pas exactement un intérêt massif. A l’heure où j’écris ces lignes, le blend n’a pas fait l’objet de la moindre revue sur Tobaccoreviews et même sur le site du blender, la page de présentation du tabac n’affiche aucun commentaire de client.

Pourtant, visuellement parlant, le Slight Blend, composé de virginias, de kentucky et de fire cured VA, est complexe et attractif avec sa myriade de couleurs et surtout avec sa composition de coupes diverses : des broken flakes, des brins longs, de grands fragments de feuille et ici et là un curly. Une coupe XL qui mérite une pipe volumineuse aux dires de Thomas Darasz.

Côté olfactif, on est loin du feu d’artifice. Je sens la touche grillée des tabacs fire cured et un certain fruité qui me rappelle l’écorce d’orange et, bizarrement, le cavaillon. Une combinaison à première vue douteuse mais qui ne me gêne pas.

Après une conservation d’un an, le tabac est plutôt sec, ce qui permet un bourrage et un allumage immédiats. Je constate d’emblée que les saveurs correspondent au nez : la fumée aigre-douce combine un goût vaguement fruité avec un grillé discret. Se développe également un fond épicé, voire piquant. Personnellement, j’aurais souhaité une acidité moins marquée, mais elle reste supportable. Du moins au début.

Vu la coupe, le tabac se consume très lentement. En combinaison avec une pipe à grand volume, cela vous fait vite deux heures de fumage. Or, le mélange n’est ni suffisamment agréable ni suffisamment intéressant pour en faire un long moment de plaisir. Le fruité se perd en cours de route, la fumée rugueuse me râpe la langue, l’acidité piquante finit par me peser et le manque d’évolutivité me fait perdre intérêt. Fumer la pipe ne devrait pas être une corvée.

Après avoir testé tant de mélanges de la main de Thomas Darasz, je suis forcé d’admettre que j’ai du mal à comprendre son travail. D’une part, il est capable de produire de remarquables réussites et des créations qui sortent complètement des sentiers battus, d’autre part, il verse régulièrement dans le médiocre et le superflu. Le Slight Blend fait manifestement partie des tabacs dont le seul mérite est de ne pas être franchement mauvais. Mais qui, je vous le demande, aspire à se contenter d’un pareil produit ?