La voix est-elle libre ? n°2

par Olivier

18/02/13

"Non merci !". Voila ce que j'aurais répondu si quelqu'un m'avait encore proposé de goûter a un mélange Dunhill il n'y a encore pas si longtemps de ça. Je ne parle pas, bien sûr des mélanges réputés de cette maison puisque je ne les ai jamais fumés. Ce n'est donc pas par comparaison avec la production Murray que j'ai formé mon avis mais bel et bien à cause de cette production Chose étonnante d'ailleurs que tant de fumeurs ont formé leur avis sur les mélanges Dunhill uniquement à cause d'un déclin en saveurs de la production Murray par rapport à celle de la maison. Je m'explique. Pourquoi ne pas juger un mélange en fonction de sa propre personnalité, qu'il soit Dunhill d'origine ou Dunhill version Murray ? Je pense que théoriquement la version Murray aurait pu être semblable voir même meilleur, alors pourquoi tant de critiques ? Combien de fois ai-je pu lire de jeunes fumeurs critiquer la version Murray par rapport a celle de la maison alors qu'ils sont nés âpres 1981, date à laquelle la maison Dunhill a vendu les droits de production a Rothmans ? Je n'ai pas vraiment compris pourquoi il faut comparer plutôt que de former son propre avis.

Alors pourquoi aurais-je répondu "Non merci !" à celui qui m'aurait proposé de goûter a un mélange Dunhill dans sa nouvelle version, celle d'Orlik ?

Quand j'ai découvert, il y a de ça huit ans, alors que j'habitais encore en Afrique du Sud , les mélanges dit balkans, orientaux et anglais, le vendeur m'avait proposé les mélanges Davidoff , Dunhill et Samuel Gawith. Je suis reparti avec sous mon bras le Royalty de Davidoff, le MM 965, le Standard Medium, le Nightcap et le London mixture de Dunhill, et enfin du Skiff et du Commonwealth de Samuel Gawith. Comparaison faite, j'ai gardé le Skiff et le Commonwealth jusqu’à mon arrivée en Israël où j'ai découvert GLP, McClelland et C&D. Depuis je n'ai pratiquement plus regardé en arrière. Alors qu'ils soient produits par Murray ou Orlik, ne me faisait ni chaud ni froid.

Aussi, j'étais sceptique. La version Murray ne m'ayant pas enchanté je me suis donc (bêtement) dis qu'une maison scandinave n'arriverait jamais a surpasser une maison irlandaise en matière de mélanges anglais. Mis a part le HH Vintage Syrian de MacBaren, nos amis du nord ne m'ont pas laissé une expérience inoubliable en plus ils ont cette fâcheuse manie de mettre du sucre un peu partout et ca, ca me déplait.

Mais voila qu'Erwin, il y a quelques mois, demande notre attention sur un nouveau livre qui venait de sortir – "The Perfect Smoke" de Fred Hanna. Dans son livre F. Hanna, nous décrit dans un chapitre nomme "Tobacco's of Yore", une discussion qu'il a entretenu avec Tad Gage concernant les mélanges d'antan par rapport a ceux produits de nos jours,et ils sont tout deux d'accord que les versions actuelles du Standard Mixture, London Mixture et du Nightcap sont supérieures a celle de Murray. En lisant ca je me suis dis "Allez , j'y vais voir ca" . Venant de deux "goûteurs" de cette pointure je ne pense pas avoir pris de gros risques.

Au moment de ma commande auprès de Smokingpipes.com ils n'avaient plus de London Mixture c'est pourquoi on devra se contenter du Standard et du Nightcap.

Standard mixture de Dunhill

Nous voila devant un mélange qui demandera plus d'attention de notre part qu'a l'habitude car c'est un mélange très capricieux mais ô combien satisfaisant et complexe si on le laisse nous guider.

Je pense qu'on a tous un ami, une connaissance ou un proche à qui on peut attribuer le titre du mec avec un caractère de merde mais qu'on ne peut s'empêcher d'aimer voir même d'admirer. A nos yeux il est adorable alors qu'aux yeux des autres "He is a pain in the ass". Le Standard Mixture est pour moi l'incarnation parfaite de cette personne sous forme de mélange. C'est pourquoi il faudra prendre quelques précautions si on veut découvrir toute la palette de saveurs qu'il a à nous offrir.

Je suppose que vous avez déjà compris qu'il faudra être à son écoute c'est pourquoi je déconseille de lire un livre, regarder la télé ou travailler sur vos mails pendant le fumage. Pour le déguster pleinement, il faudra être assis dans son fauteuil et se détendre. Aussi, il faudra vous munir d'une de vos pipes a foyer conique. C'est un détail qui m'a paru important car, quand je l'ai fumé dans mes pipes avec un foyer en U il perdait beaucoup de profondeur et devenait moins intéressant. Le tassage aura lui aussi son importance car j'ai remarqué que là aussi il pourra perdre en saveur si le tabac n'est pas tassé régulièrement. Et pour finir, essayez de respirer et non pas de fumer votre pipe.

Voila on est prêt ;-)

Devant nous un mélange de type anglais décrit comme étant a base de virginie et de tabacs turcs.

A l'ouverture de la boite, on aura devant soi un mélange de coupe moyenne allant du blond au noir en passant par des brins de couleur caramel et brun. On observera qu'il y a peu de noir donc de latakia et que la majorité blonde et caramel démontre bien qu'il s'agit plutôt d'un VA-OR qui aurait un petit supplément de latakia. Mais bizarrement, en respirant je ne sens que ce dernier sans rien d'autre qui soit vraiment reconnaissable.

Passons à l'allumage. Les premières bouffées seront principalement latakiées mais âpres quelques bouffées de plus le latakia s'estompera et laissera la place aux orientaux. Dans le premier tiers je ne goûte que du café torréfié avec une légère fumée sucrée provenant des Va. Ce n'est que dans le deuxième tiers que tout prend enfin place car je commence a gouter avec plus d'assurance l'assise des Va qui se mariera avec les orientaux pour nous donner un gout tantôt noisette tantôt café, le tout légèrement sucré et velouté. L'ensemble continuera à gagner en intensité et s'élargira de manière régulière jusqu’à nous faire goûter une touche de vanille fumée. Le troisième tiers commencera avec cette touche de vanille fumée et finira en toute beauté en nous donnant a nouveau ce goût noisette-café mais en plus intense. Aussi, le Standard Mixture nous laissera un âpres goût très agréable sur la langue.

En conclusion, je dirais qu'il est moelleux, subtile et fin. Les seuls reproches que je pourrais émettre c'est qu'a mon goût il manque de nicotine et que comme je l'ai déjà dit, il demande de l'attention, beaucoup d'attention.

Nightcap de Dunhill

A chaque fois que je vois l'étiquette du Nightcap, je ne peux m'empêcher de penser que l'idée derrière sa production était de donner un coup de massue latakiée et nicotinique sur la tête de celui qui allait le fumer. Nous on endort nos enfants en racontant une histoire, Dunhill voulait le faire en nous proposant le Nightcap. Allez voir sur tobaccoreviews, presque chaque revue indique la forte teneur en nicotine de ce mélange. Ce qui en soit ne me déplait certainement pas, tout comme le fait qu'il s'agit bien d'une bombe latakiée.

En ouvrant la boite on ne sera pas surpris de voir qu'il est noir avec ici et là quelques broken flakes caramel peut-être même blonds. Ce ne sera pas nécessaire de coller son nez au tabac pour humer ce mélange car à l'ouverture même de la boite on sera déjà éclaboussé par le latakia. Apres s'être habitué à cette odeur j'ai quand même pu sentir une odeur de raisins secs venant du perique. Pour être honnête, cette senteur m'a positivement surpris. Elle était différente des autres.

Ce n'est pas souvent le cas pour un mélange composé principalement de latakia que les premières bouffées n'aient pas ce gout fumé du latakia et le Nightcap en est un exemple car mes premiers tirages avaient un goût de raisins secs provenant du perique. Ce n'est que quand j'ai rallumé ma pipe après quelques minutes que le mélange latakia-perique s'est fait sentir. Je dis bien latakia-perique car je n'arrive pas à goûter les Va ou même les orientaux qui doivent bien s'y trouver vues les descriptions que j'ai pu trouver sur le net. Toutefois ce gout de raisins secs fumés, moi ma foi je l'aime beaucoup et il me convient parfaitement. En milieu de bol un buzz de nicotine viendra se joindre au voyage tout comme une certaine intensité dans le goût mais il ne faudra pas s'attendre a une complexité quelconque, juste une intensité grandissante jusqu'au final qui sera de toute beauté avec une touche légèrement plus fruitée. Un mélange monotone mais pas dans le sens péjoratif du terme car il restera agréable et velouté tout au long du fumage.

Voila un mélange qui gardera toute son élégance même si il est diamétralement opposé au Standard mixture et donc moins complexe car le Nightcap va droit au but et il y reste avec aplomb. Quant au taux de nicotine, je dirais que pour un anglais il est plus fort que la norme mais que comparé a toute la gamme de tabacs, il n'est que moyennement fort.

Aussi, je me trouvais en train de le fumer plus souvent comme premier bol matinal que comme celui du soir avant d'aller au lit. Allez comprendre !

Pour conclure, ces deux mélanges ont de la personnalité et des qualités qui sont les leurs. Qu'ils aient le même nom que ceux produit par la maison londonienne ou pas, ils seront inévitablement différents donc jugeons les en fonction de l'offre actuelle du marché.

4th Generation 1931 de Erik Stockkebye

Nous voilà dans un autre registre avec un mélange en forme de flake compose de Burley, Virginie et une touche de Black Cavendish. Erik, voulant rendre hommage à son père Erik Peter, a voulu produire un mélange a son image, c’est-à-dire robuste, plein d'énergie et de passion pour son métier. En lisant cette description avant de passer ma commande, j'avoue avoir bavé sur mon écran et attendu avec impatience l'arrivée de mon paquet contenant entre autre une boite de ce mélange car quand on veut rendre hommage a son père, je suppose que ce n'est pas pour faire les choses à moitié.

Mon paquet étant arrivé et déposé sur ma table, je me précipite sur le 1931. A l'ouverture ça sent bon la pâtisserie, une odeur a faire rêver. Erik dit ne pas avoir utilisé d'aromatisation, mon extase est donc à son sommet. Des flakes bruns, finement coupés et larges, encore légèrement humides s'effriteront sans problème entre vos mains ce qui facilitera grandement le bourrage de notre pipe.

A l'allumage, je goûte principalement du ……… miel (? D’où qu'il vient celui-là) et non pas le gâteau aux fruits rouges que j'ai précédemment senti. Je laisse s'éteindre la pipe, je tasse et rallume et ….. non c'est toujours ce gout de miel qui domine. Ca ne me déplait pas mais à côté du nez cela n'a rien à voir. En plus ca me rappelle le Navy Flake de MacBaren, qui à mon goût est loin d'être un chef-d'œuvre. Le premier tiers aura comme saveur dominante cette fumée mielleuse plutôt décevante.

Le deuxième tiers gagnera en intensité et en goût. C'est là que ca commence à devenir plus intéressant car je commence ici et là a goûter du cacao et de temps à autres les fruits rouges avec une touche profonde de cuir. Pour ne pas fumer de l'air chaud je me retrouve a tasser ce mélange un peu trop souvent pendant ce deuxième tiers mais au moins il ne déçoit pas. La fumée, quant a elle, gagne en douceur et devient plus veloutée.

Le troisième tiers récompensera enfin l'homme patient que je suis avec une palette de saveurs allant du chocolat venant du burley aux fruits rouges avec intensité, douceur et velouté. Ce tiers ressemble beaucoup au deuxième sauf que la, il s'affirme. Toute la palette de saveurs est sur le devant de la scène, ne laissant personne derrière.

Pour éviter cette longue attente vers le sommet de ce flake, je conseillerais quand même de ne pas effriter les flakes mais de les laisser sécher un peu et ensuite les plier pour ainsi bourrer la pipe. Je trouve que de cette manière on profite d'avantage des deux derniers tiers. Aussi , j'ai trouve ce flake assez capricieux quant au choix de la pipe avec laquelle il s'accordera.

Finalement il me plait bien, même si – "robuste, plein d'énergie et de passion ……. ". Bon allez, il est mignon l'Erik.

Navigator de GL Pease

Voici donc la dernière création du blender américain, Navigator, un flake composé de virginie et de dark-fired kentucky avec une touche de rhum. Autant GLP est un as quand il s'agit de mélanges anglais, autant je trouve la majorité de ses mélanges a base de Va, moyens. Alors que généralement il conseille de laisser vieillir ses mélanges, mon expérience concernant ses Va est justement opposée a ce conseil. Jeunes, je les trouve meilleurs et plus ronds. Cet avis s'applique aussi pour ses burleys, c'est pourquoi j'ai, des sa sortie, acheté le Navigator.

Des flakes épais et allant du brun clair au brun foncé auront à l'ouverture de la boite une senteur de vin. Je ne détecte a aucun moment le rhum qu'il dit s'y trouver à moins que cette odeur de vin ne provienne du rhum . Les flakes étant encore humides je les ai laissés sécher pendant la nuit. Comme ma première pipe de la journée sera neuf fois sur dix a base de burley, je n'ai donc pas hésité a gouter le Navigator même si d'âpres la description on comprend bien qu'on a en face de soit un mélange plutôt costaud.

Il faut savoir, et je dis ça âpres avoir fumé la boite en entier, que ce mélange est extrêmement dépendant de la pipe avec laquelle on le fumera. Si c'est une pipe dédiée aux Va's que l'ont choisira,le Navigator sera plus sucre et rond. Et si vous prenez une pipe dédiée aux burleys, il deviendra plus austère. Avec ce mélange vous aurez la preuve que la pipe joue un rôle cardinal quant aux saveurs que l'on goûte pendant le fumage.

Ce mélange, c'est un tabac d'homme même quand il est fumé dans une pipe dédiée aux va's. Des les premières bouffées, on sentira son intensité tant sur le point gustatif que sur sa forte teneur en nicotine. Ceci dit, fume gentiment il sera dans le premier tiers doux et savoureux avec des notes légèrement fruitées. En milieu de bol, c'est comme si il ne peut plus s'empêcher de vous montrer sa force, c'est pourquoi il changera complètement de registre de saveurs avec des notes de café et de cuir. Ce sera ainsi jusqu'au final qui sera encore plus intense. Ne vous attendez pas a un mélange complexe car il n'a pas été créé pour ce genre la de sensations. Son but – être un vrai tabac avec un gout de tabac, point barre !

Robuste et extraverti, voila comment je définirai ce mélange.

Ceci dit, pour l'alléger, car il y a de ces moments où je ne pouvais pas supporter sa force, j'ai opté pour la façon suivante de son effritage : Avant de l'effriter, je coupe le flake dans sa largeur pour en faire des cubes que j'effriterai ensuite. De cette manière la coupe ressemble plus a un "coarse cut".

Ah j'oubliais ! Le Rhum …… si vous le rencontrez , dites lui de m'appeler.