Bouffardes bavardes n°4

par Charles & Simon

03/06/13

Nous avons décidé de proposer un numéro spécial de nos dégustations.

En l’occurrence, trois comparaisons vont suivre : une du Best Brown Flake de Samuel Gawith cuit au four et non-cuit ; une du Curly Cut et Curly Cut De Luxe de Gawith & Hoggarth ; puis une autre du Three Oaks Original et Syrian de Mc Clelland. Bonne lecture …



Curly Cut De Gawith & Hoggarth

Curly Cut De Gawith & Hoggarth

Composition : virginie

Un tabac à l’aspect clair, de beiges et de dorés, qui laisse présager une dominance de virginies blonds. Le nez est sur la cannelle et les épices (gingembre confit), le raisin sec.

Le mode de fabrication en rope coupé est original. La puissance est quelque peu supérieure aux autres virginies blonds que l’on peut trouver sur le marché. Les arômes portent sur la cannelle, les raisins secs, le poivre blanc et la paille humide.

Sur le deuxième tiers, une note de gingembre confit, très vert, rappelant l’arôme senti avant allumage, vient enrichir la palette aromatique. Le mélange est plutôt court en bouche, la fumée n’est pas épaisse, il manque d’opulence et de richesse pour me convaincre. La combustion est bonne.

Sur le dernier tiers, le tabac est linéaire, s’étant décomplexifié au fil des bouffées. Il est néanmoins roboratif, la puissance ayant augmentée sur le derniers tiers.

Points forts : originalité du format, équilibre, combustion
Points faibles : court en bouche, manque de relief, linéarité

12,5/20

Une odeur de raisins secs, de pruneaux … pas de doute, c’est un Virginie.

Si le nez est sans surprise, il n’en est pas de même pour le fumage : les premières bouffées sont troublantes. Les arômes sont lointains, mais forts. Un léger piquant taquine ma langue, et je sens du blé et de la paille poussiéreuse, ainsi que du poivre blanc. Le second tiers n’est guère plus explicite quant à ses saveurs. Quelque chose sèche la bouche, qui me rappelle la paille et la poussière de céréales. En se renforçant, le Curly Cut libère des arômes boisés, ronds.

Bien que piquant et fort, ce tabac n’est pas rassasiant. Cette coupe, en plus d’être pratique, préserve habituellement les saveurs du tabac, mais celui-ci n’en a pas beaucoup. D’autres Virginies, bien meilleurs, ont son profil gustatif et plus encore, ce plus qui manque ici.

11/20

Curly Cut de Luxe de Gawith & Hoggarth

Composition : virginie

D’aspect bien plus sombre que le curly cut de la même maison, avec des marrons, bruns et de rares pointes beiges, ce tabac dégage un arôme mêlant les fruits confits alcoolisés (cerise), le pruneau et la bergamote.

La puissance est moyenne, les arômes portent sur un boisé mêlé de végétal, comme de la mousse humide, le tout tempéré par un côté sucré agréable, rappelant la cannelle, les pommes au four caramélisées. Il y également un côté chaud qui se développe, rappelant le pain cuit sortant du four.

Sur le tiers suivant, la puissance augmente, la sucrosité disparaît progressivement, les arômes boisés et végétaux s’assombrissant. Quelques rares épices agrémentent la dégustation (poivre gris).

Sur le derniers tiers, le côté végétal se dissipe peu à peu, entraînant avec lui une fugace apparition de gingembre frais, légèrement acide. Le boisé devient terreux, presque grillé, la puissance augmentant.

Ce tabac ressemble au curly cut du même fabriquant par certains aspects, mais n’a pas le même caractère ni les même ambitions ; de faux jumeaux, qui, tous deux, ne parviennent pas à se distinguer des autres virginies disponibles, malgré leur format original.

Points forts : originalité du format, évolution des arômes, équilibre, combustion
Points faibles : linéarité du final, manque de complexité

12/20

Une légère odeur de fumé caramélisé surprend mon nez, comme la sauce barbecue des Etats-uniens. Je sens également des pruneaux, de la macération ou de la vieille nicotine.

Ce tabac est très doux à l’allumage et jusqu’ au second tiers. Les arômes sont peu complexes, même si les Virginies sont de très bonne qualité. Il faut attendre que la pipe chauffe pour découvrir une large palette aromatique : du fumé, des noisettes, du miel, du pain cuit, un coté torréfié, une touche boisée et terreuse.

Si le départ gustatif est lent, l’évolution est continue. Les premières bouffées sont douces, et tout au long du fumage, ce mélange va se complexifier, se corser, évoluer. Cela n’est pas sans me rappeler le Kendal Plug de Samuel Gawith.

14/20

Ces deux mélanges sont différents. Pour l’un de nous, il n’y a pas de préférence entre ces deux tabacs jugés moyens, tandis que pour l’autre, le De Luxe est clairement plus complexe et évolutif, tandis que la version originelle présente un faible intérêt. En dehors de la coupe et de la variété de tabac utilisée, on trouve peu de points communs entre ces deux mélanges de la maison Gawith & Hoggarth.

Three Oaks original de Mc Clelland

Three Oaks

composition : Latakia chypriotte, orientaux, virginie

D’aspect très sombre, noir, le latakia semble ici dominer clairement. Le nez est sur une suie grasse, le feu de bois, avec un côté vineux.

D’emblée, le tabac est très aromatique, porté par le latakia, sur le feu de bois et un encens très suave. Les virginies apportent rondeur et douceur. Assez rapidement, du bois, de la noisette et une note beurrée apportée par les orientaux enrichissent la palette aromatique. Le tout est riche et bien équilibré.

Episodiquement, le tabac prend des arômes soit plus suaves, soit plus portés par le latakia. Le tout est assez changeant, spontané, bien que la trame reste la même ; l’ensemble reste linéaire. La mélodie est la même, seules quelques phrases changent de place au fil de la musique.

Au final, le latakia domine cette fois-ci clairement, sur un fumé légèrement salin, qui manque toutefois d’ampleur pour une fin de pipe, bien que plus sombre qu’au départ, mais beaucoup moins riche. De trop rares épices ne parviennent pas à enrichir ce final, plutôt plat et quelconque, sans grand intérêt. Dommage après un si bon début.

Un tabac linéaire dont l’intérêt va décroissant au fil du fumage. Une fausse bonne trouvaille, bien qu’agréable.

Points forts : richesse aromatique de la première moitié de pipe, équilibre, combustion
Points faibles : linéarité, intérêt décroissant au fil du fumage

12/20

L’odeur de fumée est puissante, accompagnée d’épices (dont poivre noir), de hareng fumé et de sel marin. A l’abordage !

Fort heureusement, le Latakia est moins agressif en bouche qu’au nez. Dès l’allumage, ce mélange est suave, quoique légèrement piquant. Il y a bien des saveurs boisées, mais elles viennent des Orientaux au goût fourré/chaud. Le Latakia est en grande rivalité avec les Orientaux, et une touche vanillée vient trouver une petite place dans ce duel de titans.

J’ai l’impression de fumer un mélange comme j’en ai fumé tant d’autres : linéaire, sans complexité ni profondeur, quelconque, sans personnalité. Au troisième tiers, quelques épices, de la rondeur et le boisé du Virginie. Un mélange ennuyeux, mais de bonne qualité.

11/20

Three Oaks syrian de Mc Clelland

three oaks syrian

Composition : virginies (blonds et rouges), orientaux, latakia syrien

Un bel équilibre des couleurs : du blond clair au noir, en passant par le roux, un large éventail de coloris.

Il se dégage du mélange un fumé léger (feu de pin), un côté vinaigré dans la boîte qui s’estompe après séchage, et un côté chocolaté (chocolat au lait). Un nez très agréable.

Le mélange est d’emblée très complexe, porté par des arômes parfaitement équilibrés d’un fumé fin, d’encens riche, de fruits secs, ronds et sucrés. La complexité demeure, le tabac se faisant de plus en plus voluptueux au fil du fumage.

De savoureuses notes épicées entrent en jeu au deuxième tiers, portées par les orientaux. Les virginies rouges et blonds sont âgés, et délivrent des arômes également savoureux, sans piquant ni défaut de jeunesse. Le latakia syrien est de bonne qualité, sans être transcendant ; c’est ici l’art du mélange et non la qualité d’un seul des composants qui porte ce tabac vers la richesse et la complexité.

La puissance n’évolue que peu, et malheureusement je ne suis pas rassasié en fin de bol. A mon goût, il manque à ce tabac un peu de corps. A noter l’absence d’arôme et de goût vinaigré en cours de fumage.

Un tabac qui n’a strictement rien à voir avec le three oak original.

Points forts : équilibre, complexité, tabacs de qualité et âgés, coupe, combustion
Points faibles : manque de puissance sur le final, non-rassasiant

16,5/20

Encore du fumé, mais moins agressif, sur du feu de bois cette fois. Une odeur légèrement vinaigrée, et du chocolat au lait.

Comme son frère, les premières bouffées sont légères, d’une certaine finesse dans leur force comme dans leurs arômes. Le mélange est savant, bien équilibré. Le léger fumé du Latakia Syrien est appuyé par l’onctuosité, la rondeur, le sucré du Virginie. Les Orientaux équilibrent le tout en créant un décor gustatif sylvain très évolutif.

Le mélange est bien pensé, les « trois chênes » ou trois tabacs se marient très bien ensemble. La légèreté reste jusqu’ aux dernières bouffées de plaisir, où s’accentuent les fins épices.

17/20

Ces deux tabacs n’ont rien de commun, et notre préférence va très nettement au Three Oaks Syrian. Ce dernier est pour tous deux riche, complexe, évolutif, équilibré – et nous le recommandons vivement – tandis que l’Original manque cruellement de personnalité, et ne se distingue aucunement. Là encore, une différence marquante entre deux tabacs qui ne méritent pas le même nom, tant par la qualité que par l’art du blending.

Best Brown flake de Samuel Gawith

Best Brown flake de Samuel Gawith

Composition : 100% virginie

Marron, brun et des pointes beiges se partagent pour former l’aspect de ce flake désirable à l’œil. Le nez est fait de fruits secs, de miel et de caramel.

La puissance est moyenne. Les arômes sont agréables, sur les fruits secs, avec un boisé léger. Le tabac n’est à aucun moment piquant ni agressif, et s’arrondit au fil des bouffées, la fumée devenant assez épaisse.

Le mélange s’enrichit de notes épicées, agréables, sur un fond boisé, avec des fruits secs et de la cannelle, de la vanille. Le tout est doux et évolutif. Les épices se font plus discrets à partir de la moitié de la pipe, et disparaissent totalement au dernier tiers, ce dernier étant plus corsé, roboratif, les arômes restant doux pour autant.

Points forts : tabac évolutif et riche, roboratif et équilibré
Points faibles : manque de complexité, à ne pas fumer trop jeune

15/20

J’ignore si ce tabac est le meilleur Virginie sombre, mais son odeur de fruits secs, de miel et de caramel fait se dégager de moi une impression positive.

Les premières bouffées sont suaves, avec beaucoup de rondeur et de douceur. Ces fruits secs, cette vanille sont vite accompagnés d’épices sombres difficiles à déterminer, dès le début du second tiers, mais la douceur reste au rendez-vous. Le fumage se corse environ à sa moitié, devenant un peu piquant si ce tabac est fumé jeune.

Ce tabac complexe et de très bonne qualité évolue tout au long du fumage. De plus, il vieillit très bien.

17/20

Best Brown flake de Samuel Gawith cuit au four 5 heures à 90°C

Les tranches sont noircies après le passage au four, comme de fines tranches de chocolat noir avec des pointes marrons. Les arômes évoquent eux aussi le chocolat noir, très cacaoté, de la crème de marron et un soupçon de noisette grillée.

A l’allumage, le tabac est très sombre, sur un boisé presque brûlé, adjoint de chocolat noir amer. Des notes végétales, surtout en début de pipe, enrichissent la palette aromatique, ainsi qu’un piquant qui a tendance à s’estomper au fil du fumage.

Visiblement, les défauts de jeunesse du tabac n’ont pas tous disparus avec la cuisson au four. La fumée fait preuve d’une belle rondeur ; le tabac a du corps et est puissant.

Sur le deuxième tiers apparaissent de timides notes sucrées (raisin sec), en retrait, mais apportant un peu de douceur sans enlever au tabac de son caractère hautement viril, presque austère, du premier tiers.

Puis le tabac évolue et se complexifie légèrement, sur un boisé sombre, le chocolat noir amer, les épices (poivre noir), très peu de sucre et un aigre-doux qui fait son apparition (balsamique). Les épices dominent tandis que la puissance augmente.

Le final, un tant soit peu astringent, est essentiellement sur la terre.

Points forts : roboratif, légèrement évolutif, aspect et odeur avant fumage appétissants, combustion
Points faibles : manque de complexité, peu équilibré, trop jeune, trop vert, piquant, avantage limité du passage au four

10/20

L’odeur est bien différente. Ce nouveau tabac sent le Virginie frais, corsé et épicé, la résine de pin, la pâte d’amande. Il y a quelque chose de plus sauvage qui contraste avec le sucré de l’original.

Aussi sombre en bouche que d’apparence, la fumée est brute, forte, épicée et sans rondeur. Il y a une dominance de sous-bois terreux.

En dehors de cette fraîcheur épicée – typique des Virginies sombres – on croirait fumer du Kentucky. Sans évolution, ni profondeur, j’ai l’impression que le Best Brown a perdu sa richesse dans ces ténèbres bruns.

11/20

Une dégustation qui va à l’encontre de l’avis général sur le sujet, ainsi que de nos expériences précédentes de cuisson au four (three nuns, full virginia flake, capstan bleu…), le tabac ayant ici clairement perdu en intérêt après son passage au four. Une dégustation intrigante après une cuisson pourtant faîte dans les règles de l’art. Toutefois, cette expérience de cuisson au four, isolée, ne tend pas à prouver l’inefficacité du passage au four. Ce tabac, qui malgré son manque de complexité, est plaisant, se suffit à lui-même avec un vieillissement prolongé.