Chroniques de l'Ogre, épisode 16

par Erwin Van Hove

03/05/10

L'écharde et la poutre

C’est bien connu : il n’existe pas de mauvaise publicité. Pour ne pas passer inaperçu, pour ne pas sombrer dans l’anonymat, rien ne vaut un petit scandale bien juteux. Quand depuis des années vous chérissez le rêve humide d’être considéré comme un player, alors que la carrure et l’envergure pour le rôle vous font défaut, vous êtes prêt à tout, même à organiser par le biais de votre blog de sordides matchs de lutte dans la boue, même à tenter désespérément et avec acharnement de porter préjudice à ceux que vous jalousez. Remarquez que je comprends la frustration qui se trouve à l’origine de ces façons. Ca doit en effet être une plaie ouverte et suppurante que d’aspirer depuis si longtemps à être quelqu’un dans le petit monde de la pipe, à y être pris au sérieux, à y avoir de l’influence, mais sans y parvenir. Ca doit être dur de voir comment un collectionneur suisse, sans faire d’effort particulier, tout naturellement jouit d’une réputation internationale de fin connaisseur. Ca doit faire mal d’accepter que malgré tous vos efforts pour le détrôner, Guillaume Laffly reste sans conteste le numéro 1 des forums et sites web consacrés en terre francophone à la chose pipière. Ca doit être difficile à digérer que malgré votre forum, votre gazette, votre page encyclopédique, personne ne voit en vous un incontournable ou jamais ne vous fait le reproche d’être un gourou ou un marabout.

Après quelques derniers soubresauts, l’orgie d’invectives, de fiel et de vulgarités que j’ai commentée dans ma dernière chronique (chronique15.htm), avait enfin pris fin. Heureusement, parce que le spectacle avait été profondément désolant et indigne d’un blog soi-disant dédié à la pipe. C’était sans compter sur Nicolas Stoufflet. Le 16 avril il rencontre Lucien Georges, l’homme qui insulte plus vite que son ombre, et voilà que, par hasard, quelques jours plus tard, dans les mêmes colonnes, les commentaires sur Claude Wyss, Guillaume Laffly et moi reprennent. Et évidemment le petit Nicolas et le petit Lu sont de la partie. Puis, le 25 avril, une nouvelle attaque en règle : http://pipegazette inappropriee.html Le Grand Inquisiteur Stoufflet publie un texte dans lequel il lance trois accusations, en montrant lourdement du doigt l’indigne inculpé qu’est Claude Wyss :

  1. Le collectionneur suisse, plutôt que d’exprimer en public la déception que lui avait causée une Lucien Georges avec plusieurs défauts, aurait dû essayer de régler le problème à l’amiable.
  2. Claude Wyss a été appelé en renfort par moi et, de connivence avec moi, a lapidé en public la pauvre victime corse.
  3. Le critique de Lucien Georges a violé la loi en publiant sur son site deux photos du faiseur de pipes sans avoir demandé l’autorisation. Stoufflet et Georges exigent par conséquent que ces photos soient immédiatement retirées du site en question. pipesetbouffardes.com/

Le réquisitoire de Stoufflet est immédiatement suivi, ô surprise, par ce qui semble une suite interminable de commentaires haineux pour vilipender Claude, Guillaume et moi. Evidemment, comme d’habitude, le majordome des lieux, l’infatigable Jip se démène avec son traditionnel arsenal de liens pour ressasser l’affaire et pour prouver dieu sait quoi. Dans leur folie paranoïaque, les compères croient même reconnaître parmi les voix dissidentes celles de Guillaume, de Claude et de moi. Or, promis juré, ni Guillaume, ni Claude, ni moi n’avons contribué ne fût-ce qu’une seule lettre à ce bourbier verbal. D’ailleurs, l’internaute en qui Sherlock Stoufflet a reconnu Guillaume, finit par dévoiler son identité et Jip se voit dans l’obligation de s’excuser auprès d’un Claude Wyss imaginaire. Et pareil pour le petit Lu qui voit partout le diable en personne.

Tout ce petit monde s’agite donc fébrilement quand soudain Jip et Stoufflet lancent une nouvelle accusation, à mon égard cette fois-ci : moi aussi, je me suis servi d’une photo, sans en avoir préalablement demandé l’autorisation. Or, cette photo a été faite par l’un des leurs et a été volée dans le forum Pipes et Tabacs. Quel scandale ! Il s’agit de la photo tout à la fin de cet article consacré à Pierre Morel : artmorel.htm.

Je me permettrai ici, et exclusivement ici, de répondre à ceux qui jouent les grands indignés et qui pointent un doigt accusateur en ma direction.

1. Est-ce que, de connivence avec Claude Wyss, j’ai organisé la lapidation publique du faiseur de pipes injurieux ? Cela présuppose des contacts en privé entre Claude et moi avant la publication de son analyse critique dans Fumeurs de Pipe et avant la mise en ligne de sa page web dédiée à sa Georges décevante. D’accord, sachant que Claude Wyss venait de s’offrir une pipe du petit Lu, je lui ai publiquement demandé ce qu’il en pensait. Mais jamais, avant de poser cette question, je n’ai eu de contacts avec lui à ce sujet. Je ne me suis jamais arrangé avec lui pour savoir ce qu’il répondrait. Bref, un coup monté ? Absolument pas. L’accusation est par conséquent totalement déplacée.

2. Est-ce que Jip a raison de poster toutes les deux heures un lien vers mon article sur Pierre Morel pour prouver que j’ai eu le culot de voler une photo publiée dans Pipes & Tabacs ? Est-ce que Stoufflet est bien placé pour dénoncer ce crime de lèse-majesté en ces termes : Le magnifique tableau en bas de page a été pris sur le groupe Pipes et Tabacs. Ces photos et ce montage avaient été réalisés par un professionnel, Fred, Il s'agissait des pipes du groupe 2009 ? Avant de m’accuser publiquement, cet inquisiteur qui se plaît tant à s’ériger en défenseur de la loi, a-t-il vérifié les faits ? Dispose-t-il de preuves de ce qu’il avance ? Ca me semble la moindre des choses, non ? Imaginez-vous un instant que Stoufflet m’accuse à tort ! Très gênant, ça. Dans ce cas, il perdrait encore de ses plumes et des excuses publiques seraient de mise, n’est-ce pas.

Faisons une fois pour toutes le point sur cette affaire. Voici le texte d’un courriel que j’ai envoyé à Pierre Morel le 25 mars 2009 à 20h01 : A propos, c'est qui qui a fait les photos sur fond noir des pipes que tu as faites pour P&T ? Tu crois que je pourrais employer une de ses images ? Et voici la réponse de monsieur Morel envoyée le même jour à 20h24 : Tu peux évidemment, (...), ces photos m'appartiennent. Voilà, affaire classée. Circulez, il n’y a rien à voir.

Désormais nous savons au-delà de tout doute que Stoufflet, avec une légèreté déconcertante, accuse à tort, sans aucunement vérifier les faits. Reste à savoir ce qui le pousse à se conduire de la sorte. Peut-être qu’il a lancé ses accusations publiques parce qu’il est particulièrement sensible à l’emprunt non autorisé d’images d’autrui ? Peut-être qu’il est tellement à cheval sur le sacrosaint principe du copyright parce qu’il ne supporte absolument pas que l’on profite du travail d’un autre ? Peut-être que dans ce domaine, il exige de tout un chacun les normes absolues et l’attitude virginale qui sont les siennes ? Et bien, j’ai beau essayer, j’ai du mal à y croire. Parce que, contrairement à lui, moi, j’ai l’habitude de vérifier les faits.

En l’occurrence, les faits sont assez amusants. Quand Stoufflet a crié son indignation morale concernant les deux photos publiées sans autorisation sur le site de Claude Wyss et lorsqu’à tort, il m’a accusé à mon tour, il s’en est référé à la loi et à la jurisprudence. Apparemment il s’y connaît puisqu’il s’enorgueillit de son apprentissage en droit. Impressionnant. Par conséquent, j’ai évidemment conclu qu’au moment où Stoufflet avait mis en ligne sur sa page Knol la célèbre shape chart, le tableau des formes des pipes, dessinée, rédigée et peaufinée par Bill Burney pour le groupe Usenet alt.smokers.pipes, communément appelé ASP, il avait bel et bien demandé l’autorisation à monsieur Burney. D’autant plus que ce tableau n’est pas une simple image comme le portrait d’un pipier, mais une œuvre déposée, protégée par un véritable copyright. Mais c’est plus fort que moi et je reste qui je suis : un sceptique qui ressent le besoin de vérifier. J’ai donc décidé de contacter l’ami Bill. Ben oui, parce que cette shape chart, après tout, c’est aussi un peu la mienne, vu que pour deux ou trois formes, j’ai collaboré à sa rédaction. Certes, une modeste contribution, mais une contribution quand même. Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre de Bill que, malgré son docte savoir juridique, Stoufflet n’avait jamais demandé d’autorisation et avait donc bêtement violé le copyright !

Oops.

Mais bon, tout est bien qui finit bien parce qu’après avoir reçu un message de monsieur Burney, Stoufflet s’est mis en règle, a enlevé le tableau de sa page Knol et l’a remplacé par un autre, de la marque Dunhill, celui-là. En tout cas, je me félicite d’avoir su activement aider le Grand Défenseur du Copyright à corriger une situation somme toute pénible et malencontreuse.

Dites, tous comptes faits, ne trouvez-vous pas, comme moi, que cette belle histoire a le charme désarmant d’une parabole biblique ?