Errances d’une volute

par Laurent M

23/10/23

Saison 31 - Poul Olsen My Own Blend #46, le chenu

Ce tabac a voyagé. Il provient de la belle boutique “the danish pipe shop”* au centre de Copenhague, lorsque j’y suis allé en août 2020*. Il est revenu en France et, cet été, a été commencé au cœur du parc des Hautes-Fagnes*, en Belgique, à une encablure des frontières allemandes et néerlandaises. L’ouverture de la boîte de “Poul Olsen, My Own Blend #46” est associée à l’image d’un beau chêne trônant au milieu d’une prairie au fond de laquelle, à l’aurore, passait une famille de chevreuils. Un beau chêne, pas bien vieux mais arborant un port qui ne demande qu’à s'épanouir. Je l’ai contemplé durant une semaine depuis la terrasse sur laquelle j’étais installé pour commencer à fumer ce tabac.

Danemark

Nul besoin de revenir sur l’histoire de “My Own Blend”, cela a été vu et revu, y compris sur FdP. Celles et ceux qui souhaitent de la littérature sur le sujet peuvent aussi lire la traduction du site danois Piberyger*.

Ce qui frappe, à l’ouverture de la boite, c’est la longueur des flakes. Ils n’en finissent pas et les dérubanner est déjà une jouissance de l’esprit et des mains, flétrie simplement à l’idée de les abîmer pour les malaxer et les déposer doucement dans la pipe.

Poul Olsen My Own Blend #46

La première impression que j’ai eu à l’odeur, c’est de me dire que j’avais un Capstan entre les mains, un Va de base qui allait me fournir la même odeur et la même sensation que tous les autres Va de base du monde, c’est à dire un genre de truc standardisé et quand même un peu insipide. Je sais que mon palais est habituellement saturé de latakia et aime bien aller dans des trucs un peu étranges. Je sais aussi que tout retour à la normalité, voire à une banalité sans surprise ni piment affadit nos perceptions et fait sembler terne notre environnement. En l’espèce, je passais d'une grosse boite de Louisiana Broken avec son détail insistant de périque, à une boite de Va bonasse. Bref, voilà l’état d'esprit dans lequel je me trouvais avec les premières effluves.

Question odeur, on est pile poil dans le tonneau de Va : vinaigre, silo de blé, cacao amer, pruneau et raisins secs, soupçon de cuir, herbe coupée. Tout cela se fond harmonieusement et si l’odeur de foin coupé arrosé au vinaigre saute au nez à l’ouverture de la boite, cela ne reste pas longtemps et laisse la place, sur une note de fond, à une odeur de pain grillé. Certains sentent du citron et de la cire d’abeille. C’est du Va, pas de doute et au premier nez, il est bon !!

Quand on a un flake devant les yeux, on a toujours le choix entre le prendre, le rouler et le fourrer dans la pipe ou bien l’émietter. Avec les longs rubans du MOB#46, pas moyen de rouler et de le coller dans le fourneau ou alors il m’aurait fallu autre chose qu’une pipe. Donc, il faut au moins le couper en deux, en longueur ou en largeur, voire les deux, afin de parvenir à faire un petit rouleau. J’ai essayé toutes les méthodes mais il faut bien reconnaître que ma préférée est sans doute de malaxer longuement une tranche dans la paume de ma main. J’introduis ainsi de l’air et des ouvertures dans les brins, favorisant ainsi la combustion.

J’ai essayé ce tabac avec plusieurs types de pipes : écume, morta, bruyère, maïs. Le Va répond très bien avec la bonne vieille bruyère mais il faut un fourneau moyen car la première partie du fumage n’est pas intense. Ce tabac est d’une douceur terrible et il faut attendre la fin du premier tiers avant d’avoir une bonne sensation d’odeur et de goût qui monte. C’est alors un très bon tabac, pas agressif pour un sou pour lequel certains commentateurs lui donne l’adoubement d’un Full Virginia Flake de Samuel Gawith. Ma foi, ne connaissant pas ce dernier, je serais bien en peine de juger mais cette proximité semble accueillir des assentiments positifs. Dès lors, que demander de plus : rien. Se taire et fumer semble être la meilleure manière d’être en dialogue avec MOB#46.

Comment te dire adieu ?

MOB46, c’est un peu l’arbre au milieu du champ de la photo du début. Un tabac bien construit, bien charpenté, solide. Un tabac qu’on peut utiliser sans peine tous les jours car il est doux, n’assomme pas, a une bonne odeur. C’est le bon copain sur qui on peut compter les jours de galère, qui t’accueille sans jugement, sans yeux froncés ou leçon de morale toute prête du genre “Alors, on a encore traîné chez les latakistes, c’est comme ça que tu reviens ! Va te laver mon cochon”. Non, c’est un grand calme qui ne fait pas d’entourloupes. Par contre, il ne faut pas lui demander du rêve et des paillettes, du romantisme à l’eau de rose, des soirées piquantes avec gueule de bois à la clef. Pour le coup, il en paraît un peu tristounet et c’est pour cela - car j’ai une vie tabagique tellement dissolue et infidèle - que je disparaîtrai de sa vie comme il disparaîtra de la mienne. Non pas que l’on ne s’aime pas mais seulement parce que je ne suis pas prêt de retourner à Copenhague, à mon plus vif regret. Salut copain !

Poul Olsen